Au nombre des principes généraux du droit qui s'imposent au pouvoir adjudicateur figure le principe d'impartialité, dont la méconnaissance est constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.
En mars 2012, la communauté de communes de Val’Aïgo a lancé une consultation pour l’attribution d’un marché public de services portant sur l’aide au développement, à la prospection économique et à la commercialisation de la zone d’intérêt régional (ZIR) de Pechnauquié.
Le marché attribué était composé d’une mission M 1 « diagnostic économique et propositions stratégiques » consistant à recenser les outils économiques du territoire, à identifier les enjeux économiques prioritaires et les porteurs de projets susceptibles de venir s'implanter sur la ZIR. Le marché comportait une mission M2 « commercialisation de la ZIR» dans le cadre de laquelle l’attributaire devait promouvoir le territoire auprès d'entreprises, d'investisseurs ou de porteurs de projets et procéder à la commercialisation des terrains de la ZIR. Une mission M3 « animation et conseil aux entreprises » exigeait enfin de l’attributaire d’assurer un service d'accompagnement des entreprises désireuses de s’implanter sur le territoire intercommunal en mobilisant les acteurs publics et privés à même d’assurer le soutien le plus efficace à tous porteurs de projets de développement économique.
Le candidat retenu est M. B====== qui a signé le marché le 11 juin 2012.
A l’époque de la consultation et de l’attribution du marché, M. B=== était membre du conseil municipal de Mirepoix-sur-Tarn, commune membre de la communauté de communes de Val’Aïgo. Au sein de ce conseil municipal, M. B=== participait aux commissions « finances », « appels d’offres et marchés publics » et « lotissements finances », lesquelles intervenaient sur des questions qui n’étaient pas étrangères aux actions qui lui ont été confiées par le marché litigieux. M. B=== était aussi délégué suppléant de la commune de Mirepoix-sur-Tarn au conseil communautaire de la communauté de communes Val’Aïgo et a été élu par cette instance, en janvier 2012, membre titulaire de la commission de développement économique de l’établissement public de coopération intercommunale. Le champ d’intervention de cette commission ne peut, lui non plus, être regardé comme étranger aux actions confiées par le marché litigieux.
De plus, le maire de la commune de Mirepoix-sur-Tarn est à la fois le président de la communauté de communes de Val’Aïgo et l’auteur de l’analyse technique des offres. Il a classé l’offre de M. B===. en première position sur le critère de la valeur technique qui était au sommet de la hiérarchie des critères.
A raison de ses différents mandats, M. B=== entretenait des liens étroits avec la communauté de communes et en particulier avec son président, auteur de l’analyse technique de son offre, de sorte que les conditions de sa participation à la procédure d’attribution du marché pouvaient légitimement faire naître un doute sur l’impartialité de la procédure suivie. En attribuant le marché à M. B===, la communauté de communes a méconnu le principe d’impartialité.
Eu égard à la particulière gravité du vice entachant le contrat, qui a été de nature à affecter le choix de l’attributaire, le marché doit être annulé dès lors, par ailleurs, qu’il ne résulte pas de l’instruction qu’une telle mesure porterait une atteinte excessive à l’intérêt général.
Lorsqu’un candidat à l’attribution d’un contrat public demande la réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de l’irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure dont il a été évincé, il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier quelle est la cause directe de l’éviction du candidat et, par suite, qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l’indemnisation.
L’attribution du marché à M. B=== en méconnaissance du principe d’impartialité a été la cause directe de l’éviction du concurrent évincé.
Le candidat évincé irrégulièrement de l'attribution d'un marché public a droit à l’indemnisation de l'intégralité du manque à gagner qu’il subit à raison de cette éviction dans le cas où il avait des chances sérieuses d'emporter le marché.
La valeur technique de l’offre du candidat évincé n’était pas défaillante dès lors qu’elle a fait l’objet de notes satisfaisantes de la part du pouvoir adjudicateur et a ainsi été classée en deuxième position derrière celle de M. B===. Par suite, le candidat évincé justifiait d’une chance sérieuse d’obtenir le marché et est fondé à solliciter l’indemnisation de son manque à gagner.
Manque à gagner évalué à 6,60 % du montant du prix du marché au regard des éléments comptables produits au dossier par le requérant à la suite d’une mesure d’instruction ordonnée par la cour.
Annulation du jugement du tribunal administratif qui a rejeté le recours en annulation du marché ; annulation du marché et condamnation de la communauté de communes à indemniser le candidat irrégulièrement évincé.
(Cf CE 14 octobre 2015 Sté Applicam n° 390968 publié aux Tables du recueil Lebon)
Arrêt 16BX00656 - 5ème chambre -12 juin 2018 n° - Sté Convergences public-privé - C+