Jurisprudence de la Cour administrative d'appel de Bordeaux

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Elections au conseil départemental de l’ordre des médecins – candidat n’ayant pu se présenter en raison d’une condition de limite d’âge – condition annulée par le Conseil d’État- conséquences

M. X===, né le 10 novembre 1943, était membre du conseil départemental de l’ordre des médecins de la Haute-Garonne jusqu’au 5 juin 2018, date à laquelle il a été procédé au renouvellement par moitié de ce conseil. Il avait la qualité d’électeur lorsque le président du conseil départemental de l’ordre des médecins de Haute-Garonne a convoqué les électeurs afin de procéder au renouvellement par moitié de cet organisme. Mais il était alors âgé de plus de 71 ans révolus et durant la totalité de la période au cours de laquelle pouvaient être reçues les candidatures à ces élections, soit jusqu’au 4 mai 2018, les dispositions de l’article L. 4125-8 du code de la santé publique fixaient à 71 ans révolus la limite d’âge pour se porter candidat.

Cependant, le Conseil d’État, par une décision n° 409869 et n° 409874 du 25 mai 2018, prise sur un recours formé, notamment, par le conseil départemental de l’ordre des médecins de Haute-Garonne, a annulé l’ordonnance du 16 février 2017 précitée en tant qu’elle insère dans le code de la santé publique un article L. 4125-8.

Reste que les dispositions de l’article L. 4125-8 du code de la santé publique instituant une limite d’âge fixée à 71 ans révolus pour se porter candidat n’avaient pas encore été annulées à la date à laquelle expirait le délai de dépôt des candidatures. Par conséquent et nonobstant la circonstance que M. X=== était informé de ce que les dispositions du 4° de l’article 5 de l’ordonnance n° 2017-192 du 16 février 2017, dont étaient issues celles de l’article L. 4125-8 du code de la santé publique, faisaient l’objet d’une requête introduite devant le Conseil d’État, son âge ne lui a pas permis de se présenter aux élections concernées. C’est ainsi à bon droit que les premiers juges l’ont regardé comme ayant été empêché de se porter candidat à ces élections et que celles-ci ont, par conséquent, été annulées.

Arrêt N° 18BX04241, N° 18BX04258 - 2ème chambre – 14 mai 2019 – M. X=== - C+

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Bureau annexe d’une étude notariale : caractère réglementaire de l’acte le créant – Collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélémy devant être regardées comme « limitrophes » pour l’application de l’article 10 du décret du 26 novembre 1971

Notaire en résidence à Saint-Barthélémy ayant demandé, sans succès, en 2013 au procureur général près la cour d’appel de Basse-Terre (alors compétent) l’abrogation de l’autorisation donnée en 1987 à un notaire en résidence à Saint-Martin d’ouvrir un bureau annexe à Saint-Barthélémy.

I. La cour juge que l’acte autorisant la création par un office notarial d’un bureau annexe, qui a pour objet l’organisation même du service public assuré par les notaires, est un acte réglementaire. Elle en déduit que le notaire requérant peut utilement invoquer la règle selon laquelle l’autorité compétente, saisie d’une demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal est tenue d’y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès sa signature, soit que l’illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date (CE Assemblée 3/2/89 n° 74052, Compagnie Alitalia).

II. L’article 10 du décret n° 71-942 du 26 novembre 1971 modifié prévoit que l’ouverture d’un bureau annexe d’office notarial peut être autorisée soit à l’intérieur du département où se trouve cet office, soit à l'extérieur de ce département mais alors seulement « dans un canton ou une commune limitrophe du canton où est établi l'office ».

La loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 a créé deux « collectivités d’outre-mer » régies par l’article 74 de la Constitution : celle de Saint-Martin et celle de Saint-Barthélémy. La cour avait à juger le point de savoir si, depuis cette création, une étude notariale implantée dans une de ces deux collectivités pouvait être autorisée à ouvrir un bureau annexe dans l’autre. Elle a estimé d’abord que ces collectivités constituent, chacune, une circonscription administrative unique, de sorte que chacune d’elles doit être regardée comme correspondant à la fois à un département et à une commune au sens des dispositions précitées de l’article 10 du décret du 26 novembre 1971. Elle a estimé ensuite que ces collectivités sont toutes deux exclusivement constituées d’îles et d’îlots, sont situées à proximité l’une de l’autre, ne sont séparées que par la mer, et entretiennent des liens étroits et que, compte tenu de cette situation particulière et eu égard à l’objet des dispositions de l’article 10 du décret du 26 novembre 1971, elles doivent être regardées, quand bien même leurs limites administratives ne sont pas communes, comme limitrophes au sens et pour l’application de l’article 10 du décret. Elle en a tiré la conclusion qu’un office notarial implanté à Saint-Martin peut être autorisé à créer un bureau annexe à Saint-Barthélémy, ce qui l’a conduite à rejeter la requête.

Arrêt 16BX00771 – 17 mai 2018 – 3ème chambre – Mme R==
Un extrait des conclusions de M. Guillaume de La Taille a été publié à l'AJDA n° 28 de 2018 du 6 août 2018, p. 1620 et s.

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Illégalité du 2ème alinéa de l’article R. 6312-41 du code de la santé publique pour méconnaissance du principe d’individualisation des peines découlant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen

En vertu de l’article L. 6312-2 du code de la santé publique, toute personne effectuant un transport sanitaire doit être agréée. L’article L. 6312-4 de ce code prévoit qu’est également soumise à autorisation chaque mise en service, par une personne agréée, d’un véhicule affecté aux transports sanitaires terrestres. Selon l’article R. 6312-41 du même code, pris en application de l’article L. 6312-5 : « En cas de retrait sans limitation de durée de l'agrément (…), les autorisations de mise en service dont bénéficie la personne concernée sont retirées. / Il en est de même lorsqu'une personne effectue des transports sanitaires en dépit du retrait temporaire d'agrément dont elle fait l'objet ».

Les dispositions du second alinéa de l’article R. 6312-41, qui visent à réprimer le comportement du titulaire de l’agrément, instituent une sanction administrative ayant le caractère d’une punition au sens de l’article 8 précité de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

En prévoyant un retrait définitif des autorisations de mise en service lorsque le titulaire de l’agrément ne respecte pas une suspension temporaire d’agrément sans possibilité pour l’autorité administrative, par une appréciation de la gravité du manquement, d’en dispenser le contrevenant ou de moduler la durée du retrait ou encore de réduire le nombre des autorisations sur lesquelles il porte, ces dispositions confèrent un caractère automatique à la sanction qu’elles instituent, et méconnaissent ainsi le principe d’individualisation des peines découlant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Ces dispositions réglementaires étant ainsi entachées d’illégalité, le retrait définitif des autorisations de mise en service infligé à la société requérante sur le fondement de ces dispositions est lui-même illégal.

Arrêt 16BX00956 – 26 avril 2018 – C+ - 3ème chambre - ministre des affaires sociales et de la santé c/ SARL Yvette Ambulances

Les conclusions de M. Guillaume de La Taille ont été publiées à l'AJDA n° 23/2018 du 2 juillet 2018, p. 1334

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Contestation par un chirurgien-dentiste d’un refus de qualification - Recours devant le Conseil national de l’ordre présentant le caractère d’un RAPO - Conséquence : le recours gracieux ne conserve pas le délai de recours contentieux

En vertu de l’article 6 de l’arrêté du 24 novembre 2011 relatif aux règles de qualification des chirurgiens-dentistes, le chirurgien-dentiste dont la qualification a été refusée par une décision du conseil départemental de l’ordre peut faire appel de cette décision auprès du Conseil national de l’ordre dans le délai de deux mois qui suit la notification de ce refus. En vertu de l’article 7 de ce même arrêté, le Conseil national de l’ordre soumet alors sans délai à l’avis d’une commission nationale d’appel la décision du conseil départemental et, au vu de cet avis, confirme ou infirme la décision du conseil départemental. Il résulte de ces dispositions que le pouvoir réglementaire a entendu conférer au recours formé devant le Conseil national de l’ordre par le chirurgien-dentiste dont la demande de qualification a été refusée le caractère d’un recours administratif préalable obligatoire. Il en découle que le recours gracieux formé contre la décision de ce conseil statuant sur ce recours n’a pas pour effet de conserver le délai de recours contentieux.

Arrêt 15BX00249 - 15BX00511 - 3ème chambre - 15 septembre 2015 - Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes Lire les conclusions du rapporteur public

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Réforme de la carte judiciaire – Indemnisation des avocats - Différence de situation entre avocats exerçant auprès d’un tribunal de grande instance et ceux exerçant auprès d’un tribunal d’instance justifiant la différence de traitement

Au regard des motifs d’intérêt général justifiant la réforme globale de la carte judiciaire, et en l’absence de tout droit au maintien de la réglementation en vigueur, les atteintes éventuellement portées aux intérêts économiques des professionnels du droit du ressort des juridictions supprimées ne sont pas excessives et ne constituent pas une discrimination illégale à l’égard de ces professionnels par rapport à ceux qui exercent dans les ressorts de juridictions maintenues, alors même qu’ils devraient affronter une concurrence accrue dans un ressort élargi, ainsi que des difficultés pour s’adapter aux évolutions de la carte judiciaire. Dès lors, en ne prévoyant pas d’indemnisation au bénéfice des avocats exerçant dans le ressort de tribunaux d’instance supprimés, le décret du 29 juillet 2008 instituant une aide à l'adaptation de l'exercice de la profession d'avocat aux conditions nouvelles résultant de la suppression de certains tribunaux de grande instance, n’a pas méconnu le principe d’égalité. Arrêt n° 13BX02182 – 4 novembre 2014 – 2ème chambre – M. B===

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Indemnisation des greffiers des tribunaux de commerce supprimés (décret n°2008-146 du 15 février 2008 modifiant le siège et le ressort des tribunaux de commerce) - Evaluation de l'indemnité - Modalités

Selon l'article R. 743-169 du code de commerce, les indemnités dues aux greffiers des tribunaux de commerce non remplacés sont évaluées et réparties après la deuxième année civile suivant celle au cours de laquelle sont intervenues ces modifications. Le montant et la répartition de ces indemnités sont fixés par le garde des sceaux, ministre de la justice, soit après accord des parties qui en avisent le procureur général près la cour d'appel, soit sur proposition d'une commission dont la composition est fixée à l'article R. 713-170. A défaut d'accord amiable, la partie la plus diligente ou le procureur général près la cour d'appel saisit la commission qui doit se prononcer dans le délai de trois mois à compter du dépôt de la demande.

Selon l'article R. 743-171 du code de commerce, les chiffres à prendre en compte pour la détermination de la valeur de l’office et l’évaluation de l’indemnité due au greffier en charge de l’office supprimé sont ceux des «cinq derniers exercices connus précédant le dépôt de la demande d'indemnisation ».

Pour évaluer l’indemnité due en application de ces textes au greffier d’un tribunal de commerce supprimé, le garde des sceaux, ministre de la justice ne commet pas d’erreur en refusant de prendre en compte le dernier exercice au cours duquel le tribunal a été supprimé et dont les résultats n’étaient pas encore connus à la date de la saisine de la commision par la partie la plus diligente.

Arrêt 13BX01048 - 2ème chambre - 6 mai 2014 - Mme R===
Le pourvoi en cassation n°382407 n'a pas été admis le 22 juillet 2015

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