1. Application de l’article 555 du code civil au domaine public – absence
2. Notion de bien au sens du premier protocole additionnel à la CEDH - Existence.
Charge spéciale et exorbitante – Absence
3. Préjudice résultant de l’illégalité de permis de construire – Appréciation
L’article L. 2122-9 du code général de la propriété des personnes publiques n’autorise la reconnaissance d’un droit réel sur les ouvrages édifiés sur le domaine public que lorsque ce droit est prévu par le titre d’occupation du domaine. En conséquence, ces dispositions font obstacle à ce que soit reconnue, en-dehors de cette hypothèse, l’existence d’un droit réel sur les constructions édifiées sur le domaine public. L’occupant sans titre du domaine public ne peut donc se prévaloir de l’article 555 du code civil afférent aux constructions sur terrain d’autrui.
2. L’obtention de bonne foi par une société de construction navale de permis de construire délivrés par l’Etat en 1962 et 1965 pour l’édification de bâtiments industriels a fait naître à son profit un intérêt patrimonial à jouir des constructions qu’elle a édifiées à ses frais sur les Prés salés Ouest à La Teste de Buch. Cet intérêt est suffisamment important pour constituer un « bien » au sens de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, notion qui ne se limite pas à la propriété des biens corporels et qui est indépendante des qualifications formelles du droit interne. Si la société, qui ne peut se voir reconnaitre ni la propriété du sol, ni même celle des constructions qu’elle a édifiées sans autorisation d’occupation du domaine public, a pu jouir de ces immeubles pendant plus de quarante-cinq ans, ce n’est pas du fait d’une négligence des autorités étatiques mais plutôt d’une tolérance de la poursuite de l’occupation. L’Etat a mis fin à cette tolérance en vue de faire prévaloir le caractère précaire des autorisations d’occupation du domaine public maritime pour permettre une meilleure gestion de ce domaine, et a délivré une autorisation d’occupation temporaire des terrains et bâtiments à un tiers. Cependant l’intérêt général qui s’attache à la préservation du domaine public ne fait pas obstacle à ce que la société puisse être indemnisée si elle démontre l’existence d’une charge spéciale et exorbitante du fait de la dépossession des bâtiments qu’elle a édifiés sur ce domaine.
En l’espèce, la société a pu, jusqu’en 2010, soit durant plus de quarante-cinq ans, exploiter les bâtiments en litige directement ou en bénéficiant des revenus tirés de la location de ceux-ci à d’autres sociétés. Elle ne s’est jamais acquittée, depuis 1962, du paiement d’une redevance domaniale. Enfin, elle a obtenu le remboursement de la taxe foncière afférente à ces immeubles. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’elle ait subi, du fait de la dépossession alléguée, une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec les justifications d’intérêt général sur lesquelles repose la reprise, par l’Etat, des bâtiments en litige.
3. Le préjudice résultant de l’illégalité des permis de construire des installations industrielles et commerciales, accordés sans rechercher la justification d’une autorisation d’occupation du domaine public, ne peut être évalué à la valeur vénale des constructions. Il ne saurait dépasser la valeur non amortie du coût des constructions.
Arrêt 13BX03463 - 1ère chambre - 25 juin 2015 - SARL COUACH
Le pourvoi formé contre cette décision a été rejeté. Arrêt du Conseil d’Etat n°392916 du 20 mars 2017