Jurisprudence de la Cour administrative d'appel de Bordeaux

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE

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Art. L. 132-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique - Portée - Obligation de mentionner dans un arrêté de cessibilité unique toutes les parcelles à exproprier - Oui s’agissant seulement des parcelles d’un même propriétaire

Le conseil municipal de Saint-Georges d’Oléron a décidé de créer la zone d’aménagement concerté (ZAC) du Trait d’Union dont l’aménagement a été confié à la société d’économie mixte pour le développement de l’Aunis et de la Saintonge (SEMDAS). Par un arrêté du 14 octobre 2013, le préfet de la Charente-Maritime a déclaré d’utilité publique la cinquième tranche de la ZAC du Trait d’Union et a autorisé la SEMDAS à acquérir, par voie amiable ou d’expropriation, les parcelles nécessaires à la réalisation des travaux. Dans le cadre de cette opération d’utilité publique, par un arrêté du 13 janvier 2015, le préfet a déclaré cessibles au profit de la SEMDAS trois parcelles appartenant au requérant.

Aux termes de l'article L. 132-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique en vigueur à compter du 1er janvier 2015 : « L'autorité compétente déclare cessibles les parcelles ou les droits réels immobiliers dont l'expropriation est nécessaire à la réalisation de l'opération d'utilité publique. Elle en établit la liste, si celle-ci ne résulte pas de la déclaration d'utilité publique ».

Eu égard à la garantie attachée au droit de propriété et à la nécessité de prémunir un propriétaire contre une transmission tardive du dossier au juge de l’expropriation au regard des dispositions de l’article R. 221-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, les dispositions précitées doivent s’entendre comme imposant à l’autorité administrative de faire figurer dans un même arrêté de cessibilité l’ensemble des parcelles appartenant à un même propriétaire, dont l’expropriation est poursuivie. Aucune disposition ni aucun principe n’impose en revanche, à l’autorité administrative de mentionner dans l’arrêté de cessibilité qu’elle adresse à un propriétaire les parcelles à exproprier appartenant à d’autres propriétaires.

En l’espèce, l’arrêté en litige mentionne toutes les parcelles dont le requérant est propriétaire et dont l’expropriation est envisagée. La circonstance que l’arrêté de cessibilité n’inclut pas l’ensemble des parcelles à exproprier est jugée sans incidence sur la légalité de l’acte contesté.

Comp. pour les parcelles d’un même propriétaire : CE 23 décembre 1988 n° 69011 CAA Nancy 7 décembre 2006 Ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer et Réseau ferré de France n° 05NC00239, 05NC00258 (publié aux Tables du Lebon)

Comp. pour les parcelles de propriétaires distincts : CAA Lyon 28 avril 2016 SCI Ulysse n° 15LY01826 (publié en C+)

Arrêt 17BX02947 - 5ème chambre - 28 juin 2019 – M. V=== - C+

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DUP en vue de la protection d’une source d’eau destinée à la consommation humaine - Eléments devant être pris en compte pour l'appréciation sommaire des dépenses – Valeur économique de la source – Exclusion en l’espèce.

Le préfet des Pyrénées-Atlantiques a déclaré d’utilité publique au profit du syndicat mixte du Nord-Est de Pau les travaux de dérivation des eaux d’une source, ainsi que l’instauration de périmètres de protection immédiate et rapprochée. La commune de Louvie-Juzon, propriétaire du terrain où se situe la source, compris dans le périmètre de protection immédiate et qui doit en principe, en application de l’article L. 1321-2 du code de la santé publique, être acquis en pleine propriété, a demandé l’annulation de cet acte.

L’obligation prévue à l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d’utilité publique de faire figurer au dossier soumis à l'enquête publique une appréciation sommaire des dépenses a pour but de permettre à tous les intéressés de s’assurer que ces travaux ou ouvrages, compte tenu de leur coût total réel, tel qu’il peut être raisonnablement apprécié à l’époque de l’enquête, ont un caractère d’utilité publique. La seule circonstance que certaines dépenses auraient été omises n’est pas par elle-même de nature à entacher d’irrégularité la procédure si notamment, compte tenu de leur nature, leur montant apparaît limité au regard du coût global de l’opération.

En l'espèce, le coût total des travaux objet de la déclaration d’utilité publique porté à la connaissance du public dans le dossier de l’enquête publique avait été estimé à 92 000 euros, sans tenir compte du coût d’acquisition des terrains compris dans le périmètre de protection immédiate.

Pour apprécier la régularité de la procédure suivie, la cour juge que la détermination du coût total réel de l’opération tel qu’il peut être raisonnablement estimé à l’époque de l’enquête, procède le cas échéant des conditions dans lesquelles le juge de l’expropriation sera appelé, conformément au code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, à fixer l’indemnité à verser à l’exproprié, en prenant en considération la plus-value apportée au terrain par l'exploitation d’une ressource naturelle lorsque, un an avant l’arrêté ordonnant l’ouverture de l’enquête publique, la ressource était exploitée par son propriétaire, ou lorsque cette ressource est exploitable par lui à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété, compte non tenu, en principe, des améliorations postérieures à l’arrêté d’ouverture de l’enquête publique.

En l’espèce, la commune de Louvie-Jouzon n’avait jamais exploité la source et il n’apparaissait pas qu’à la date de l’arrêté ordonnant l’ouverture de l’enquête publique, les ouvrages réalisés sur le terrain par le syndicat mixte auraient permis l’exploitation de la source par la commune dans son propre intérêt. Pour la cour, l’évaluation sommaire des dépenses n’avait donc pas à tenir compte de la plus-value apportée au terrain par l'exploitation de la source. Abstraction faite de cette plus-value, le prix d’acquisition de l’immeuble s’établissait à 2 400 euros. La cour a donc estimé que l’estimation portée à la connaissance du public, même si elle ne tenait pas compte de ce montant, n’avait pas été manifestement sous-estimée.

Rapprocher : Cass, 3ème civ, 2003-02-12, 01-70089, Bulletin 2003 III n°33 p 33.

Arrêt16BX000405, 16BX00469 - 5ème chambre - 9 octobre 2018 – M. Syndicat mixte du Nord-Est de Pau

Un recours enregistré sous le N° 426098 a été formé devant le Conseil d’Etat contre cette décision Les conclusions de M. Guillaume de La Taille sont parues dans l’AJDA n° 42 du 10 décembre 2018 p. 2411 et s

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Déclaration d’utilité publique - Arrêté de cessibilité - Enquête conjointe - Obligation d’établir la liste des propriétaires et obligation de notifier à chacun d’eux le dépôt en mairie du dossier de l’enquête publique - Application à une indivision

Dans le cadre d’un périmètre de résorption de l’habitat insalubre, le préfet de la Guadeloupe a pris un arrêté déclarant d’utilité publique une zone d’aménagement concerté et déclarant cessibles les parcelles nécessaires à cette opération. Plusieurs années après, des personnes déclarant être propriétaires indivis de certaines de ces parcelles, ont contesté l’arrêté préfectoral en soutenant notamment n’avoir pas été identifiées comme propriétaires conformément à l’article R. 11-19 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et n’avoir pas été averties du dépôt du dossier d’enquête publique à la mairie contrairement aux exigences de l’article R. 11-22 de ce code.

En principe, chaque propriétaire indivis doit être porté sur la liste des propriétaires des parcelles à exproprier et doit recevoir notification individuelle du dépôt du dossier d’enquête publique. L’article R. 11-19 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique prévoit que la liste des propriétaires est établie à l’aide d’extraits des documents cadastraux ou à l’aide des renseignements délivrés par le service de la publicité foncière au vu du fichier immobilier ou par tous autres moyens et l’article R. 11-23 du même code dispose que les propriétaires auxquels notification est faite du dépôt du dossier en mairie sont tenus de fournir, le cas échant, tous renseignements en leur possession sur l’identité du ou des propriétaires actuels.

En l’espèce, les documents cadastraux mentionnaient en qualité de propriétaire des parcelles en litige une indivision avec l’indication du nom du mandataire de cette indivision. Il n’était fait état d’aucun élément qui aurait pu permettre à la commune expropriante de douter de l’exactitude de ces mentions. La personne identifiée comme mandataire a reçu notification du dépôt du dossier d’enquête en mairie par un courrier qui reproduisait les termes de l’article R. 11-23 du code et n’a fourni aucun renseignement sur les autres co-indivisaires. Les autres co-indivisaires ne se sont pas manifestés avant l’intervention de l’arrêté préfectoral. L’avis d’ouverture d’enquête publique conjointe a été affiché à la mairie et dans le quartier concerné par l’opération et publié dans la presse. Enfin, la composition de l’indivision s’est avérée, à la lumière d’une étude généalogique entreprise par la commune après l’arrêté de déclaration d’utilité publique et de cessibilité, en vue de la répartition de l’indemnité d’expropriation, d’une grande complexité, de sorte que cette composition de l’indivision ne pouvait être déterminée par des recherches d’une longueur et d’une difficulté raisonnables.

La cour a jugé que dans ce contexte, en n’identifiant pas l’ensemble des co-indivisaires au cours de la procédure et en notifiant le dépôt du dossier d’enquête en mairie à la seule personne identifiée comme mandataire dans les documents cadastraux, alors même qu’il est apparu que cette personne n’était pas le mandataire de l’indivision, la commune expropriante et le préfet n’avaient pas entaché la procédure d’irrégularité et que la commune n’avait pas l’obligation d’engager dès le stade de la recherche des propriétaires, de plus amples démarches telles qu’une étude généalogique.

Arrêt 15BX04244 - 5ème chambre - 3 avril 2018 - C+ - Mme B=== et autres.

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DUP portant sur l’acquisition des terrains nécessaires à la réalisation d’une opération d’aménagement – définition insuffisamment précise des utilisations du sol impliquées par la réalisation de cette opération : pas de mise en compatibilité du PLU

Le préfet de la Réunion a déclaré d’utilité publique la constitution, au profit de la communauté d'agglomération du Territoire de la Cote Ouest (TCO), de réserves foncières d’une superficie de 179 hectares en vue de la réalisation, sur les territoires des communes de Saint-Paul, du Port et de la Possession, de l’opération d’aménagement urbain dite « Cambaie-Oméga » Ecocité. Ni l’enquête publique ni la déclaration d’utilité publique n’ont porté sur la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme. La jurisprudence du CE est venue préciser (1) qu’une opération qui fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique ne peut être regardée comme compatible avec un plan local d'urbanisme qu’à la double condition qu’elle ne soit pas de nature à compromettre le parti d’aménagement retenu par la commune dans ce plan et qu’elle ne méconnaisse pas les dispositions du règlement de la zone du plan dans laquelle sa réalisation est prévue. Toutefois, un tel contrôle de la compatibilité du projet avec le plan local d'urbanisme ne trouve à s’appliquer que si les utilisations des sols qu'implique la réalisation de l'opération déclarée d'utilité publique sont définies avec suffisamment de précision pour emporter de nouvelles dispositions du plan local d’urbanisme. (2). Les précisions apportées par la jurisprudence « département du Gard » (1) n’ont pas pour effet de soumettre une déclaration d’utilité publique ne portant que sur les acquisitions nécessaires à la réalisation d’une opération à la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme lorsque les utilisations du sol qu’elle implique ne sont pas définies avec suffisamment de précision pour emporter de nouvelles dispositions du plan local d'urbanisme. Tel n’est pas le cas lorsque l’administration se borne à procéder dans un premier temps à la seule acquisition des terrains nécessaires à la réalisation d’une opération d’aménagement en ne disposant que de l’esquisse urbaine présentée par le lauréat du concours de maîtrise d’œuvre. Arrêt 15BX04033 - 5ème chambre – 4 juillet 2017 - Sté OCCIMO (1) CE - n°370454 – 27.07.15 – Département du Gard (2) CE – n° 109411 – 3 04 1991 – Mme Fabre
Les conclusions de Mme Déborah de Paz ont été publiées dans l’AJDA n°37 du 6 novembre 2017 p. 2124 à 2126 Le pourvoi n°414842 formé devant le Conseil d'Etat n'a pas été admis décision du 28 mars 2018

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Procédure d’expropriation pour risque naturel majeur (art. L. 561-1 du code de l’environnement).

Il résulte de l'article L. 561-1 du code de l'environnement, éclairé par les travaux préparatoires de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement ayant créé l'expropriation des biens exposés à des risques naturels que le recours à cette procédure est une simple faculté offerte à l'État, dont l'opportunité s'apprécie au regard du coût de la mesure d'acquisition par rapport à la mise en œuvre d'autres moyens de protection, en cas de menace grave pour les vies humaines « exclusivement imputable aux éléments naturels ».

Dès lors qu’il a été occasionné par des travaux de forage, l’effondrement de cavités existantes dans un sol karstique ne peut être regardé comme exclusivement imputable à des éléments naturels et dans ces conditions, le préfet a pu légalement refuser de faire droit à la demande d'expropriation sans méconnaître les dispositions de l’article L. 561-1 du code de l'environnement.

Arrêt 15BX01289 - 5ème chambre - 13 décembre 2016 - Mme D===

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Evaluation mentionnée à l'article 5 du décret n° 84-617 du 17 juillet 1984, pour les grands projets d'infrastructure au sens de l'article L. 511-1 du code des transports – Evaluation suffisante en l'espèce.

Arrêtés du 30 novembre 2011 et du 23 mars 2012 du préfet de la Gironde déclarant d’utilité publique les travaux nécessaires, d’une part, la création de la ligne D, d’autre part, à la création de la ligne « tram-train du Médoc » du tramway de l’agglomération bordelaise, et emportant mise en compatibilité du plan local d’urbanisme de la communauté urbaine de Bordeaux. L’étude d’évaluation jointe au dossier soumis à enquête publique qui s’est déroulée du 30 mai au 13 juillet 2011, qui ne comprend pas d’éléments inexacts ou d’insuffisances ayant pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative, comporte, avec une précision suffisante compte tenu de l’état d’avancement du projet, l’ensemble des informations requises par l’article 4 du décret du 17 juillet 1984.Par suite, c’est à tort que, pour annuler ces arrêtés préfectoraux, le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que l’évaluation socio-économique avait été établie en méconnaissance de cet article 4 et que les données exposées dans ce document avaient conduit à fausser substantiellement l’appréciation du public sur l’opportunité du projet . Sur le fond la cour juge légaux les arrêtés du 30 novembre 2011 et du 23 mars 2012 du préfet de la Gironde.

Arrêt 14BX03468 - 14BX03631 - 5ème chambre 21 juillet 2015 - Communauté urbaine de Bordeaux et Ministre de l’intérieur. Arrêt 14BX03454 - 14BX03455 - 14BX03632 - 5ème chambre - 21 juillet 2015 - Communauté urbaine de Bordeaux et Ministre de l’intérieur.

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Utilité publique - projet de construction de la nouvelle route du littoral à la Réunion

L’opération d’infrastructure routière projetée est destinée à remplacer le route actuelle reliant les agglomérations de Saint-Denis et de La Possession qui expose les usagers à des risques mortels, notamment du fait d’éboulements imprévisibles et récurrents de la falaise qui le surplombe et dont le coût d’entretien est significatif. Cette opération, consistant en une voie sur digue d’une longueur cumulée d’environ 6900 mètres et d’un viaduc d’une longueur de l’ordre de 5300 mètres, permettra d’assurer une circulation sécurisée sur une liaison routière majeure très empruntée du territoire réunionnais à un coût inférieur à d’autres projets précédemment envisagés. Elle comprendra une triple voie de circulation sécurisée dans les deux sens, d’un gabarit nettement supérieur à l’ancienne route et dimensionné pour favoriser les transports en commun et, à terme, l’aménagement d’une liaison ferrée. Ainsi qu’il ressort de l’évaluation économique et sociale jointe au dossier d’enquête, son financement est partagé entre la région Réunion, l’Etat, et l’Union européenne, l’enveloppe demeurant à la charge de la région s’élevant, en valeur 2010, à la somme de 669 000 000 euros sur un total de 1 660 000 000 euros. Ce projet, conçu pour que tant les sections sur digue que le tablier du viaduc soient hors d’atteinte de la houle centennale, prend en considération, sur la base de plusieurs études scientifiques, l’hypothèse d’une surélévation du niveau de la mer de 50 centimètres. Si l’opération se traduira par une augmentation de certaines nuisances, notamment la pollution atmosphérique et le bruit, portera nécessairement une atteinte au milieu naturel marin au droit de l’ouvrage et accroîtra les difficultés de circulation pendant la phase de construction, ni ces incidences négatives, ni le coût de l’opération ne sont excessifs au regard de l’importance qu’il présente pour la sécurité des usagers sur cet axe majeur de l’Ile, essentiel à son développement économique ; que, dès lors, les inconvénients qu’il comporte ne retirent pas davantage au projet son caractère d’utilité publique.

Arrêt 14BX00039 - 5ème chambre - 28 avril 2015 - M. V=== et autres

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