Vu la requête enregistrée le 19 mai 2014 présentée pour Mme C==, par Me Teissonnière ;

Mme C== demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1202109 du 20 mars 2014 du tribunal administratif de Poitiers, qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 16 mars 2012 par laquelle le ministre de la défense et des anciens combattants a rejeté sa demande d’indemnisation présentée au titre de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français ;

2°) d’annuler cette décision ;

3°) d’enjoindre au ministre de la défense de saisir le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) pour l’évaluation des préjudices de toute nature subis par son mari ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de l’instance ;

…………………………………………………………………………………………

1. Considérant que M. C==, caporal puis caporal-chef dans l’armée de l’air, a été affecté à la base aérienne d’In Ecker du Centre d’expérimentation militaire des oasis entre le 10 octobre 1962 et le 27 juillet 1963 ; qu’il a été atteint d’un cancer du côlon, diagnostiqué en 2003 et dont il est décédé en 2009 ; que sa veuve a présenté une demande d’indemnisation sur le fondement de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français ; que, lors de sa séance du 13 décembre 2011, le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) a estimé que le risque attribuable aux essais nucléaires dans la survenue de cette maladie pouvait être considéré comme négligeable ; que, suivant cette recommandation, le ministre de la défense et des anciens combattants a rejeté la demande d’indemnisation de Mme C== par décision du 16 mars 2012 ; que Mme C== relève appel du jugement du 20 mars 2014 du tribunal administratif de Poitiers, qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 5 janvier 2010 susvisée : « Toute personne souffrant d’une maladie radio-induite résultant d’une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d’Etat conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi. » ; qu’aux termes de l’article 2 de cette loi dans sa rédaction en vigueur à la date de à la décision contestée : « La personne souffrant d’une pathologie radio-induite doit avoir résidé ou séjourné : 1° Soit entre le 13 février 1960 et le 31 décembre 1967 au Centre saharien des expérimentations militaires, ou entre le 7 novembre 1961 et le 31 décembre 1967 au Centre d'expérimentations militaires des oasis ou dans les zones périphériques à ces centres (…) » ; que, selon l’article 4 de cette loi : « I. - Les demandes individuelles d’indemnisation sont soumises à un comité d’indemnisation (…). / II. - Ce comité examine si les conditions de l’indemnisation sont réunies. Lorsqu’elles le sont, l’intéressé bénéficie d’une présomption de causalité à moins qu’au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable. Le comité procède ou fait procéder à toute investigation scientifique ou médicale utile, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel. Il peut requérir de tout service de l’Etat, collectivité publique, organisme gestionnaire de prestations sociales ou assureur communication de tous renseignements nécessaires à l’instruction de la demande. (...) / III. - (…) le comité présente au ministre de la défense une recommandation sur les suites qu’il convient de (…) donner. (…) le ministre, au vu de cette recommandation, notifie son offre d’indemnisation à l’intéressé ou le rejet motivé de sa demande. (…) » ; que l’article 7 du décret susvisé n° 2010-653 du 11 juin 2010 en vigueur à la date de la décision contestée dispose que : « La présomption de causalité prévue au II de l’article 4 de la loi du5 janvier 2010 susvisée bénéficie au demandeur lorsqu’il souffre de l’une des maladies radio-induites mentionnées à l’annexe du présent décret et qu’il a résidé ou séjourné dans l’une des zones définies à l’article 2 de la loi du 5 janvier 2010 susvisée et à l’article 2 du présent décret. Cette présomption ne peut être écartée que si le risque attribuable aux essais nucléaires peut être considéré comme négligeable au regard de la nature de la maladie et des conditions de l’exposition aux rayonnements ionisants. Le comité d’indemnisation détermine la méthode qu’il retient pour formuler sa recommandation au ministre en s’appuyant sur les méthodologies recommandées par l’Agence internationale de l’énergie atomique. (…) » ; que l’article 6 de ce décret précise : « Le comité peut faire réaliser des expertises. (…) » ;

3. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées que le législateur a instauré une présomption de causalité au profit de la personne s’estimant victime des essais nucléaires si celle-ci souffre d’une maladie radio-induite inscrite sur la liste annexée au décret du 11 juin 2010 et a séjourné, au cours d’une période déterminée, dans l’une des zones géographiques de retombées ; que, toutefois, alors même que le demandeur remplit les conditions d’indemnisation fixées par l’article 1er de la loi du 5 janvier 2010, cette présomption peut être écartée s’il est établi, au vu notamment des éléments présentés au comité d’indemnisation, à qui la demande a été soumise, que le risque attribuable aux essais nucléaires peut être considéré comme négligeable au regard de la nature de la maladie et des conditions d’exposition aux rayonnements ionisants ;

4. Considérant qu’il est constant que M. C== a séjourné dans une des zones définies par les dispositions précitées, pendant une période prévue par ces mêmes dispositions et qu’il a été atteint d’une maladie radio-induite inscrite sur la liste annexée au décret du 11 juin 2010 ; que, pour rejeter sa demande d’indemnisation, le ministre a fait valoir que le risque attribuable aux essais nucléaires français était négligeable, conformément à la recommandation du CIVEN, qui avait indiqué que, compte tenu du niveau de l’exposition aux rayonnements ionisants de l’intéressé, la probabilité, évaluée selon les recommandations de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), d’une relation de causalité entre cette exposition et la maladie dont il était atteint était très inférieure à 1 % ;

5. Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, la méthode utilisée par le CIVEN pour apprécier le risque attribuable aux essais nucléaires français et pour recommander, lorsqu’il estime que ce risque doit être regardé comme négligeable, au ministre de rejeter la demande d’indemnisation, ne repose pas exclusivement sur la constatation de la dose reçue par l’intéressé mais fait intervenir la prise en compte d’autres facteurs ; que son utilisation ne peut, dès lors, être regardée comme contraire aux dispositions de la loi du 5 janvier 2010 qui excluent l’institution d’un dispositif d’indemnisation fondé sur la notion de seuil d’exposition aux rayons ionisants mesurée par dosimétrie mais qui ne prohibent pas pour autant la prise en compte de la dose de rayonnements ; qu’il n’est pas contesté que cette méthode s’appuie sur les méthodologies, fondées sur la notion de probabilité de causalité, recommandées par l’AIEA ; que la requérante n’apporte pas, à l’appui de ses affirmations selon lesquelles ces méthodologies seraient inadaptées à l’évaluation des effets d’essais nucléaires militaires ou ne seraient pas fiables en regard des données scientifiques les plus récentes, d’éléments de nature à permettre d’en apprécier le bien fondé ; qu’en particulier, elle ne propose pas de méthode alternative et reconnue comme préférable par la communauté scientifique internationale ; que la circonstance que certains dosimètres pourraient être défectueux, insuffisamment précis ou sensibles, ou encore, mal utilisés est sans incidence sur la validité de cette méthodologie ; qu’il est vrai que celle-ci n’implique pas systématiquement le recours aux résultats d’examens destinés à mesurer, non seulement, l’irradiation externe, mais aussi, la contamination interne, par ingestion ou inhalation ; que toutefois, elle n’exclut pas la prise en compte de tels résultats et il appartient à l’administration de rapporter la preuve de ce que les conditions d’exposition aux effets des essais nucléaires de la personne dont elle rejette la demande d’indemnisation en l’absence de résultats d’examens effectués au titre de la surveillance de la contamination interne étaient de nature à justifier cette absence ; que lorsque la situation des intéressés a conduit à les soumettre à une surveillance de la contamination, il incombe à l’administration de prouver que les résultats de cette surveillance n’ont pas été négligés ; qu’enfin le parti de regarder comme caractérisant un risque négligeable une probabilité de causalité très inférieure à 1 % n’est pas davantage de nature à faire mettre en doute la validité de cette méthodologie ; que, par suite, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la méthodologie du CIVEN serait inadmissible dans son principe même ;

6. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, comme il est dit au point 1, M. C== a été affecté à la base aérienne d’In Ecker du Centre d’expérimentation militaire des oasis entre le 10 octobre 1962 et le 27 juillet 1963 ; que sur la base des résultats reconstitués de la dosimétrie d’ambiance de la base et des autres facteurs envisagés par sa méthodologie, qui, ainsi qu’il vient d’être dit, n’est pas inadmissible dans son principe même, le CIVEN a retenu une probabilité de causalité très inférieure à 1 % ;

7. Considérant que le ministre de la défense fait valoir, sans être utilement, contredit que les fonctions d’ambulancier exercées par M. C== lors de son affectation au Centre d’expérimentation militaire des oasis ne l’ont pas exposé à des risques d’irradiation interne ; que s’il était présent lors du tir « Améthyste », qui n’a pas été entièrement confiné, il ne ressort d’aucune des pièces du dossier que le secteur où il était affecté aurait été contaminé, qu’il aurait été amené à se rendre dans un secteur contaminé ou qu’il aurait été en contact avec des personnes ou des objets susceptibles d’avoir été contaminés ; que si le tir « Béryl » a également donné lieu à incidents, il s’était déroulé plusieurs mois avant l’affectation du mari de la requérante ; que dès lors, l’administration doit être regardée comme établissant que les conditions de l’exposition de M. C== n’appelaient pas la mise en œuvre de mesures particulières de surveillance d’une éventuelle contamination interne ; qu’ainsi c’est à bon droit que les premiers juges ont estimé que l’administration avait rapporté la preuve de ce que le risque d’attribution de la maladie de M. C== aux essais nucléaires français pouvait être regardé comme négligeable et que son épouse n’était pas en droit de bénéficier de la présomption de causalité instaurée par la loi du 5 janvier 2010 ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme C== n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement du 20 mars 2014, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application des articles L.761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de ces articles font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de Mme C== tendant à leur application ;

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme C== est rejetée.