Jurisprudence de la Cour administrative d'appel de Bordeaux

COMPETENCE

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Infection nosocomiale contractée dans un hôpital public au décours d’une intervention réalisée par un chirurgien dans le cadre de son activité libérale-compétence de la juridiction administrative

L’article L. 1142-1 du code de la santé publique dispose: « I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ».

Il résulte de ces dispositions que la survenue d’une infection nosocomiale au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient dans les locaux d’un hôpital public engage de plein droit la responsabilité de cet établissement, alors même que les soins auraient été dispensés par un praticien dans le cadre de son activité libérale, sous réserve des dispositions de l’article L.1142-1-1 du code de la santé publique concernant la prise en charge par la solidarité nationale des conséquences les plus graves de telles infections.

Dès lors, il appartient à la juridiction administrative de statuer sur les conclusions d’un patient et d’une caisse de sécurité sociale dirigées contre un hôpital public à raison d’une infection nosocomiale, et la circonstance alléguée que le praticien exerçant à titre libéral ait commis une faute dans la prise en charge de l’infection, si elle est de nature à ouvrir à l’hôpital la possibilité d’une action récursoire, est sans incidence sur cette compétence.

La cour annule donc un jugement ayant rejeté ces conclusions comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, et renvoie l’affaire au tribunal pour qu’il se prononce sur les prétentions des parties.

Arrêt n°21BX03724, 21BX03817 - 31 mai 2022 - 2e chambre - M.B et CPAM de Loir-et-Cher- C+

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Compétence juridictionnelle – indemnisation d’une compagnie aérienne dont l’aéronef a heurté une balise provisoire- usager d’un SPIC- incompétence de la juridiction administrative.

A la suite du heurt d’une balise provisoire par un aéronef, l’assureur de la société concessionnaire de l’aéroport de Toulouse Blagnac a indemnisé la compagnie aérienne par voie de transaction, puis a obtenu du tribunal administratif de Toulouse la condamnation des entreprises chargées de la conception et de l’exécution des travaux de rénovation du balisage des pistes à prendre en charge une partie des indemnités versées.

Cependant la cour juge que les conclusions de l’assureur étaient présentées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, dès lors que les marchés passés par le concessionnaire privé de l’aéroport, dans les droits duquel l’assureur est subrogé, n’étaient pas des marchés publics et que le concessionnaire n’agissait pas pour le compte de l’Etat, et que si l’assureur faisait valoir également être subrogé dans les droits de la compagnie aérienne, celle- ci était usager d’un service public industriel et commercial, la relation relevant alors de la compétence de la juridiction judiciaire.

18BX02944-18BX02945 – 3eme et 7eme chambres réunies, 17 décembre 2020 - Sociétés S. et I. - C+

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Etablissement privé – Délivrance du diplôme de fin d’études d’ostéopathe – Compétence de la juridiction administrative - Existence

Un établissement privé dispensant un enseignement en ostéopathie et délivrant des diplômes permettant d’exercer une activité d’ostéopathe, qui doit être agréé par le ministre de la santé et qui est tenu de respecter les conditions alors prévues à l’article 7 du décret du 25 mars 2007 relatif à la formation des ostéopathes et à l’agrément des établissements de formation, concernant notamment le contenu et la durée des unités de formation, l’engagement dans une démarche d’évaluation de la qualité de l’enseignement dispensé, l’élaboration d’un projet pédagogique et la composition de l’équipe pédagogique, assure une mission de service public. Si un tel établissement n’est pas doté de prérogatives de puissance publique, la délivrance du diplôme de fin d’études d’ostéopathe peut être déférée au contrôle du juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir dès lors que les textes règlementaires déterminent la durée et le contenu des programmes d’enseignement et les conditions de délivrance du diplôme et que cet établissement privé exerce ainsi son activité de service public dans un cadre entièrement prédéfini par le législateur et le pouvoir réglementaire général. Arrêt n° 18BX02898 – 22 octobre 2020 - 1ère chambre - Collège ostéopathique du Pays Basque - C+ Cf CE Section 22/02/2007 Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés (APREI) n° 264541 Publié au Recueil Lebon 2007 avec les conclusions de Mme Vérot p. 92 et s.

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Responsabilité de l’Etat recherchée à raison d’une faute commise par un praticien hospitalier agissant dans le cadre d’une procédure judiciaire – compétence des juridictions de l’ordre judiciaire

Sauf dispositions législatives contraires, la responsabilité qui peut incomber à l’État ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative. En revanche, celle-ci ne saurait connaître de demandes tendant à la réparation d’éventuelles conséquences dommageables des actes indissociables du fonctionnement du service public de la justice. En particulier, les actes intervenus au cours d'une procédure judiciaire se rattachant directement à celle-ci ne peuvent être appréciés, soit en eux-mêmes, soit dans leurs conséquences, que par l'autorité judiciaire.

En l’espèce, la cour était saisie d’un litige dans lequel était demandée la condamnation d’un centre hospitalier à réparer les préjudices subis du fait de l’absence de prescription d’un traitement post-viol. En effet, la requérante avait été conduite par les policiers au service des urgences de ce centre hospitalier au motif qu’elle venait d’être victime d’un viol et afin d’être examinée par un médecin sur réquisition d’un officier de police judiciaire agissant sur instruction du procureur de la République. La cour en a inféré que le praticien hospitalier qui a conduit cet examen a agi comme collaborateur occasionnel du service public de la justice. Par conséquent, elle a jugé que la faute résultant de l’absence de prescription d’un traitement prophylactique n’était pas détachable de la procédure judiciaire à l’occasion de laquelle ce médecin est intervenu et qu’il n’appartient qu’aux juridictions judiciaires de connaître du litige ainsi soulevé.

Arrêt 17BX03822 – 2ème chambre – 30 juillet 2019 –Mme C===

Voir : Tribunal des conflits 27 novembre 1952 « préfet de la Guyane » n° 01420 p. 642 : le juge judiciaire est seul compétent pour connaître des litiges mettant en cause l’exercice du service public de la justice, le juge administratif l’étant en ce qui concerne l’organisation de celui-ci. Ainsi, l’activité d’une collaboratrice occasionnelle du service public de la justice désignée par des juges aux affaires familiales de différents tribunaux de grande instance pour procéder à des enquêtes sociales et à des expertises relève du fonctionnement de ce service public (voir Tribunal des conflits 12 février 2018 n° 4111) Conseil d’État Section 11 octobre 1957 « commune de Grigny » Recueil Lebon p. 524 : les médecins requis, qui sont tenus de déférer aux réquisitions de l’autorité publique et sont passibles au pénal d’une amende s’ils ne le font pas (article L. 4163-7 du code de la santé publique), ont la qualité de collaborateur du service public de la justice. Retenant également la compétence judiciaire s’agissant de la faute commise par un médecin requis : Cour de cassation 4 février 2003 n° 02-81720

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conséquences dommageables subies par des tiers à raison de la levée d’une mesure d’hospitalisation sans consentement dans un établissement de santé de droit privé. – absence de mise en œuvre de prérogatives de puissance publique

Dans sa décision n°352747 du 20 décembre 2013 (1), le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de rappeler que l’autorité judiciaire est seule compétente pour statuer sur l’ensemble des conséquences dommageables d’une mesure d’hospitalisation à la demande d’un tiers. En revanche, il n’a jamais eu l’occasion de se prononcer relativement à la compétence de l’autorité judiciaire pour statuer sur l’ensemble des conséquences dommageables d’une levée de cette mesure, en particulier pour les tiers.

En premier lieu et selon une jurisprudence constante du Tribunal des conflits, il n’appartient qu’aux juridictions judicaires de connaître des litiges opposant des personnes physiques et morales de droit privé sauf lorsque sont mises en œuvre des prérogatives de puissance publique.

En second lieu, les dispositions de l’article L. 3212-4 du code de la santé publique prévoient que la levée d’une mesure d’admission en soins psychiatriques d’un patient est proposée par le psychiatre qui participe à la prise en charge de la personne malade et que le directeur de l’établissement de santé est tenu de faire droit à cette proposition.

Par cet arrêt la cour juge que la levée d’une mesure d’hospitalisation d’office ne caractérise pas la mise en œuvre d’une prérogative de puissance publique.

Au cas d’espèce, le directeur de 1'association hospitalière Sainte-Marie de Rodez, établissement de santé privé, a prononcé la levée d’une mesure d’admission en soins psychiatriques sans consentement d’un patient le 4 octobre 2013, mesure qui n’a pu intervenir que sur proposition du psychiatre qui participe à la prise en charge de ce patient. Le 6 décembre 2013, celui-ci s’est introduit au domicile de la famille D== et a asséné 25 coups de couteau à A== R==, âgée de 14 ans, entraînant son décès.

Est ainsi confirmée l’ordonnance n° 1705361 du 14 décembre 2017 par laquelle la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse avait rejeté comme présentée devant une juridiction incompétente pour en connaître la demande des consorts D== tendant à la condamnation de 1'association hospitalière Sainte-Marie de Rodez, personne morale de droit privée, à indemniser les préjudices qu’ils ont subis à raison du décès d’A== R==.

Arrêt 18BX00275 - 2ème chambre – 24 juillet 2018 – Consorts D==
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(1) Décision du Conseil d’Etat du 20/12/2013 n°352747 publiée aux tables du recueil Lebon p. 510, 511, 735 et 846

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Marchés publics de services contenant des clauses imposant le recours à l’arbitrage : conditions de la licéité de ces clauses et conséquences de celles-ci

Le syndicat mixte des aéroports de Charente et la société Ryanair Limited ont conclu le 8 février 2008 deux conventions ayant pour objet le développement et la promotion d’une liaison aérienne régulière entre les aéroports de Londres-Stansted et d’Angoulême, assorties de clauses imposant le recours à l’arbitrage auprès du tribunal d’arbitrage international de Londres pour le règlement de tout différend non résolu à l’amiable, concernant notamment la résiliation des conventions. Celles-ci, qui ont la nature de marchés publics de services, génèrent des mouvements transfrontaliers de personnes, de services, de biens et de capitaux, et doivent donc être regardées comme portant sur des opérations relevant du commerce international. Or, selon la convention européenne sur l’arbitrage commercial international du 21 avril 1961, ratifiée par la France, les personnes morales de droit public ont la faculté de conclure valablement des conventions d’arbitrage pour le règlement de litiges afférents à des opérations de commerce international. Les clauses compromissoires assortissant les conventions conclues avec Ryan Air Limited sont donc licites dès lors que, par ailleurs, ces conventions n’ont pas été conclues en méconnaissance des règles impératives du droit public français et qu’elles ne comportent pas de clauses contraires à ces mêmes règles. Dans ces conditions, la juridiction administrative est incompétente pour se prononcer au fond sur le litige relatif aux conditions de résiliation des conventions du 8 février 2008 et à ses conséquences financières, porté devant lui par le syndicat mixte des aéroports de Charente.

Arrêt 13BX02331 - 1ère et 2ème chambres réunies – 12 juillet 2016 - Syndicat mixte des aéroports de Charente

Les conclusions de M. David Katz, ont été publiées dans la RFDA nov.-déc. 2016, p. 1145.

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Rejet par le directeur de l’ARS d’une demande tendant à déclarer démissionnaires d’office des élus d’une union régionale des professionnels de santé et à ne plus les convoquer aux réunions de cet organisme–Compétence de la juridiction administrative.

Les unions régionales des professionnels de santé, créées par loi « Hôpital, Patients, Santé, Territoires » du 21 juillet 2009, sont des associations régies par la loi de 1901. Elles participent notamment à la préparation du projet régional de santé et à sa mise en œuvre. Les élections de leurs membres sont placées sous le contrôle du juge judiciaire par les dispositions du code de la santé publique. Un élu d’une union régionale des professionnels de santé, qui avait obtenu de la Cour de cassation, après les élections, l’annulation d’un jugement du tribunal d’instance rétractant son précédent jugement qui avait invalidé la liste adverse, a demandé au directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) de ne plus convoquer aux réunions et de déclarer démissionnaires d’office les élus de cette liste adverse. Il a déféré sans succès au tribunal administratif la décision du directeur général de l’ARS rejetant cette demande. Cette autorité administrative ne dispose d’aucun pouvoir en matière d’organisation et de fonctionnement des unions régionales des professionnels de santé. Les résultats des élections n’ont pas été contestés devant les juridictions judiciaires. La cour en déduit que la juridiction administrative est compétente pour connaître de cette décision de refus de s’immiscer dans le fonctionnement d’une association, qui ne se rattache pas aux opérations électorales. Elle estime que le directeur général de l’ARS ne pouvait que rejeter la demande et confirme le jugement du tribunal administratif.

Arrêt 13BX02082 - 2ème chambre - 7 juillet 2015 - M. L===

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Atteinte portée à une propriété privée par le gestionnaire, même privé, d’un ouvrage public - Réparation du préjudice résultant de l’emprise irrégulière - Compétence du juge administratif

Sauf dispositions législatives contraires, la responsabilité qui peut incomber aux personnes morales de droit public ou aux personnes privées gestionnaires d’ouvrages publics en raison des dommages imputés à ces ouvrages est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative. Cette compétence ne vaut toutefois que sous réserve des matières dévolues à l'autorité judiciaire par des règles ou principes à valeur constitutionnelle. Dans le cas de l’implantation d’un ouvrage public portant atteinte à une propriété privée, implantation qui ne peut être regardée comme procédant d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose le gestionnaire de l’ouvrage, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation de la décision d’implanter un ouvrage public et, le cas échéant, pour adresser des injonctions au gestionnaire tendant notamment au déplacement d’un tel ouvrage, l’est également pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de son implantation sans titre, hormis le cas où elle aurait pour effet l’extinction du droit de propriété.

Arrêt 13BX00121 - 1ère chambre – 13 novembre 2014 - Mme B===
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Comparer TC n°3911 M. Bergoend c/Société ERDF Annecy Léman
TC n°3931 Epoux Panizzon c/ Commune de St Palais-sur-Mer

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Accident survenu à un poulain confié à l’institut français du cheval et de l’équitation : le litige opposant cet institut au propriétaire du poulain relève de la compétence du juge administratif

L’institut français du cheval et de l’équitation qui est un établissement public à caractère administratif a pour objet notamment la promotion de l’élevage des équidés. Il concourt à leur protection et veille à la conservation et à l’amélioration des races. Les activités de poulinage et d’hébergement d’une jument suitée de son poulain se rattachent, comme la monte des étalons, à la mission de service public dévolue à cet établissement. Il appartient dès lors à la juridiction administrative de connaître de l’action en responsabilité contractuelle engagée par le requérant à la suite de l’accident dont a été victime le poulain dont il était propriétaire et qu’il avait confié à un établissement géré par l’Institut français du cheval et de l’équitation. Arrêt 14BX00580 - 4ème chambre - 10 juillet 2014 - M. C=== Monte des étalons : Voir TC du10 avril 1994 n° 02956 Martin c/ Haras de Vaulx-Milieu.

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Décision d'un maire de ne plus faire figurer un établissement commercial dans le guide annuel recensant les commerces, entreprises, services publics et associations de la commune – Compétence du juge judiciaire

Relève de la compétence du juge judiciaire le litige opposant le gestionnaire d’un établissement commercial à la commune qui diffuse un guide des commerces, services publics et associations qui ne se rattache par son objet au service public d’information municipale, à la suite de la décision prise par le maire de ne plus mentionner cet établissement dans la nouvelle édition de cette brochure.

Rappr. CE, 31 mai 2006, Office du tourisme de Luchon, n° 287501

Arrêt 13BX00026 - 2ème chambre - 3 juin 2014 - Commune de Sadirac

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Recouvrement de l’impôt - Mesures conservatoires.

Si les juridictions de l’ordre judiciaire sont compétentes pour connaître des responsabilités que l’Etat peut avoir encourues en raison de fautes commises au cours de la procédure tendant à solliciter des mesures conservatoires du juge judiciaire en application des dispositions de l’article 67 de la loi du 9 juillet 1991, le juge administratif est en revanche seul compétent pour connaître de la mise en jeu de la responsabilité de l’Etat à l’occasion d’une faute lourde commise par le service du recouvrement de l’impôt lorsqu’il décide de recourir à de telles mesures.

arrêt 09BX02180 - 3ème chambre - 25 mai 2010 – M. et Mme D==

Rappr. TC, 22 février 1960, Bernard, n° 1710 p. 861 et CE 30 mars 1960, Duval, n° 46811 p. 240


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