Jurisprudence de la Cour administrative d'appel de Bordeaux

LOGEMENT

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Changement d'affectation des locaux à usage d'habitation Autorisations soumises à compensation pour la location de courte durée de locaux meublés - Contrôle du juge

En application de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage. L’article L. 631-7-1 du même code prévoit que les changements d’usage sont soumis à autorisation préalable délivrée par le maire de la commune dans laquelle est situé l'immeuble et que cette autorisation peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage. Une délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunal compétent en matière d’urbanisme fixe les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et déterminées les compensations par quartier, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements. Saisi de la légalité d’une délibération prise en application de ces dispositions au regard notamment du droit de propriété, du principe d’égalité et de la liberté d’entreprendre, le juge administratif contrôle si les mesures prévues sont justifiées par un objectif d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et si ces mesures sont proportionnées à l’objectif. Cf Conseil const. 20 mars 2014 n° 2014-691 DC et CJUE 22 septembre 2020 aff. C-724/18 et C-727/18.

Arrêt n°21BX04629 - 30 janvier 2024 - 5e chambre - Association des hôtes de Bordeaux Nouvelle-Aquitaine. C+

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Constat de carence d’une commune pour non-respect de l’obligation de réaliser des logements sociaux - Prise en compte des logements sociaux en cours de réalisation au titre d’une période triennale.

Il résulte de l’article L. 302-9-1 du code de la construction et de l’habitation (CCH) que la procédure de déclaration de carence vise à constater qu’une commune n’a pas atteint, au terme de la période triennale échue, le nombre de logements locatifs sociaux à réaliser en application du I de l'article L. 302-8 du même code, et que le représentant de l'Etat dans le département prononce la carence de la commune en tenant compte, notamment, « des projets de logements sociaux en cours de réalisation ». Les projets de construction de logements dont l’état d’avancement est suffisant pour garantir leur réalisation peuvent légalement être regardés comme des projets en cours de réalisation au sens de ces dispositions malgré l’absence de commencement des travaux.

Les projets de logements ainsi pris en compte au titre d’une période triennale ne peuvent alors être retenus pour apprécier le respect de l’objectif de la période triennale suivante au cours de laquelle leur réalisation matérielle intervient.

CAA Bordeaux, 5ème chambre, Commune du Pian-Médoc, 5 avril 2022, n°20BX00150. C+

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Respect des obligations des communes en matière de logements sociaux (art. L. 111-24 c. urb.) - Appréciation globale à l’échelle d’un lotissement - Absence - Application à une opération de construction d’une résidence services séniors - Oui

L’article L. 302-9-1-2 du code de la construction et de l’habitation repris à l’article L. 111-24 du code de l’urbanisme impose, dans les communes faisant l’objet d’un arrêté constatant une carence dans leurs obligations en matière de logements sociaux, la réalisation de logements locatifs sociaux à raison d’au moins 30 % des logements familiaux dans toute opération de construction d’immeubles collectifs de plus de douze logements ou de plus de 800 mètres carrés de surface de plancher. Le représentant de l'Etat, sur demande motivée de la commune, peut déroger à cette obligation pour tenir compte de la typologie des logements situés à proximité de l'opération. Le respect de ce quota s’apprécie, aux termes du texte, à l’échelle de chaque « opération de construction », contrairement au respect du quota fixé par le plan local d’urbanisme de la commune qui s’apprécie à l’échelle de chaque « opération » en l’absence de précision dans le plan local d’urbanisme. L’opération de lotissement en litige prévoit notamment la construction de logements sociaux sur un des lots et la construction d’une résidence services séniors comportant un nombre de logements supérieur aux seuils fixés par l’article L. 111-24 du code de l’urbanisme sur un autre lot et aucun élément ne permet de considérer que les deux opérations de construction constituent une même « opération de construction » au sens et pour l’application de l’article L. 111-24 du code de l’urbanisme dès lors qu’elles relèvent de constructeurs distincts et ne sont pas subordonnées l’une à l’autre. Le respect du quota de logements locatifs sociaux imposé par le texte doit donc être apprécié indépendamment pour chacune de ces deux opérations. Par ailleurs, ni le fait qu’il y soit proposé des services collectifs tels que la restauration, ni aucun autre élément du dossier ne permet en l’espèce de retenir que la résidence services séniors, objet du permis de construire en litige, échapperait au droit commun notamment de la copropriété et des baux d’habitation ou relèverait d’une catégorie juridique particulière, tels les logements-foyers régis par les articles L. 633-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation ou les logement pour étudiants financés à l’aide d’un prêt locatif social dont les loyers sont soumis à des plafonds. Aucune pièce du dossier ne permet davantage d’identifier d’autres éléments du régime applicable à la future résidence qui permettraient d’estimer que les logements qui y seront proposés ne présenteraient pas le caractère de « logement familiaux » au sens de l’article L. 111-24 du code de l’urbanisme. Il n’est pas non plus fait état d’une dérogation qui aurait été accordée à la commune par l’autorité préfectorale. Ainsi, le permis d’aménager, ainsi que le permis de construire un immeuble collectif de soixante-douze logements sans aucun logement locatif social, sont considérés comme méconnaissant les dispositions de l’article L. 111-24 du code de l’urbanisme. Arrêt n° 18BX03376 - 3 novembre 2020 – 5ème chambre – Association des amis de Saint-Palais-sur-Mer. C+ Cf CE 24 février 2016 Commune de Pia n° 383079 Publié aux Tables du recueil Lebon 2016 p. 991

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Demandeur d’asile admis au dispositif d’hébergement d’urgence – recours pour excès de pouvoir contre la décision d’y mettre fin : compétence du juge d’appel et contrôle normal du juge

Le juge d’appel est compétent pour connaître d’un litige d’excès de pouvoir concernant l’hébergement d’urgence d’un demandeur d’asile (solution implicite) (1).

En vertu des articles L. 345-2 et suivants du code de l’action sociale et des familles, toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a le droit d’accéder à une structure d’hébergement d’urgence et de s’y maintenir, dès lors qu’elle en manifeste le souhait et que son comportement ne rend pas impossible sa prise en charge ou son maintien dans une telle structure. Le représentant de l’Etat ne peut mettre fin contre son gré à l’hébergement d’urgence d’une personne qui en bénéficie que pour l’orienter vers une structure d’hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation, ou si elle ne remplit plus les conditions précitées pour en bénéficier.

En l’espèce, le préfet a mis fin au droit d’un demandeur d’asile à bénéficier du dispositif d’hébergement d’urgence auquel il avait été admis, sans lui proposer une orientation vers une structure d’hébergement ou de soins ou vers un logement, au motif qu’il n’était plus en situation de détresse. Estimant que le préfet s’est livré à une appréciation erronée de la situation de l’intéressé, la cour annule cette décision.

(1) Rapp. CE n° 415313 du 26 avril 2018 publié aux Tables du recueil Lebon

Arrêt 18BX01990 – 3ème chambre – 11 avril 2019 – M. S== - C+
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Élections des représentants des locataires au conseil d’administration des organismes HLM – non admission d’une liste de candidats présentée par une association

Liste refusée aux motifs que les éléments fondateurs de l’association seraient incompatibles avec le rôle et les missions impartis à un bailleur social.

En application des dispositions de l’article R. 421-7 du code de la construction et de l’habitation, le tribunal administratif de Toulouse était compétent pour connaître de la réclamation présentée par l’association « fédération Droit au logement » (DAL) à l’encontre des opérations électorales du 9 décembre 2014 organisées en vue de désigner les représentants des locataires au conseil d’administration de l’OPH Habitat Toulouse et pour se prononcer sur le grief tenant à l’illégalité de la décision de cet office refusant d’admettre la participation aux élections de la liste de candidats de l’association « fédération Droit au logement » (DAL) au motif que cette dernière ne remplirait pas les conditions prévues à l'article L. 421-9 du code de la construction et de l’habitation (1).

S’il est constant que l’association DAL peut être amenée à mener des actions collectives contraires aux lois et règlements telles que « l’occupation, le campement et la réquisition citoyenne », ainsi qu’évoquées dans sa charte, ces circonstances ne suffisent pas à démontrer, compte tenu de son objet social, qu’elle poursuivrait des intérêts contraires à la réalisation des objectifs du logement social fixés par le code de la construction et de l'habitation, et notamment par les articles L. 411 et L. 441, de nature à lui interdire la possibilité de présenter une liste de candidats à l’élection des administrateurs représentants les locataires.

Arrêt 15BX01291 – 2ème chambre – 12 décembre 2017 - Office public de l’habitat de Toulouse

(1) cf Conseil d’Etat, n° 397853 et 397882 du 13 octobre 2017, Office public de l’habitat « Terres du sud Habitat »
Le pourvoi formé contre cette décision n’a pas été admis. Arrêt n°418099 du 2 août 2018

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Prêt à taux zéro pour l’acquisition d’une résidence principale (article 244 quater J du CGI) – action en restitution par le bénéficiaire de l’avantage indûment perçu - prescription

Lorsqu’il s’avère que le bénéficiaire d’un prêt à taux zéro ne satisfait pas aux conditions de ressources permettant de bénéficier de ce prêt, le crédit d’impôt qui en est la contrepartie pour l’établissement prêteur est reversé par ce dernier ; mais l’Etat peut aussi se retourner contre le bénéficiaire du prêt lui-même si ce dernier n’a pas justifié de ses ressources dans les délais impartis.

Il résulte du 1 du II de l’article 199 ter I du CGI que, tant que le prêt n’a pas été intégralement remboursé, aucun délai de prescription ne saurait courir quant à l’action de l’Etat tendant à la reprise de l’avantage correspondant. Dès lors, si, à la date à laquelle a été émis le titre exécutoire tendant à la restitution par le bénéficiaire du prêt de l’avantage qu’il a indûment perçu, ce prêt n’est pas encore remboursé, la créance de l’Etat objet de ce titre ne peut être atteinte par la prescription.

Arrêt 14BX02556 – 15 mars 2016 – 3ème chambre – M. S==
Lire les conclusions du rapporteur public Un recours en cassation a été formé sous le n° 401244

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