Contravention de grande voirie – Procédure contentieuse – Obligation de communication du premier mémoire en défense, même parvenu après clôture.
Par Administrateur1 le jeudi 28 octobre 2010, 18:00 - DOMAINE - Lien permanent
En matière de contravention de grande voirie, l’article L. 774-3 du code de justice administrative dispose que "La communication à l'administration compétente du mémoire en défense produit par la personne poursuivie et la communication à la personne poursuivie de la réponse faite par l'administration sont effectuées, s'il y a lieu, par le président du tribunal administratif ou par le greffier en chef agissant au nom et par ordre du président". Ces dispositions, qui dérogent à celles de l’article R. 611-1 applicables dans le contentieux général, imposent de communiquer le premier mémoire en défense de la personne poursuivie alors même qu’il est parvenu après la clôture de l’instruction.
arrêt 10BX00669 - 1ère chambre - 28 octobre 2010 – Mme H==
Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour sous le n°10BX00669 le 8 mars 2010, présentée pour Mme H== demeurant ==, par Me Soulas, avocat ;
Mme H== demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0800192 en date du 21 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Fort-de-France, saisi par le préfet de la Martinique, l’a condamnée, pour contravention de grande voirie et lui a enjoint, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à défaut d’exécution des travaux dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, de démolir le hangar à bateaux édifié sur le domaine public maritime dans le prolongement de la parcelle cadastrée section AC n° 306 située dans le quartier “la Prairie” sur le territoire de la commune du François, en autorisant l'administration à procéder d'office à la réalisation des travaux aux frais, risques et périls de la contrevenante, en cas d'inexécution passé un délai de trois mois ;
2°) de la relaxer des fins de la poursuite engagée à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3.000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
............................................................................................................................................ Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code général des propriétés des personnes publiques ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 30 septembre 2010 :
- le rapport de M. Péano, président-assesseur ; - les observations de Me Soulas, avocat de Mme H== ; - et les conclusions de M. Zupan, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;
Considérant qu'un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 12 novembre 2007 à l'encontre de Mme H== pour avoir édifié un hangar à bateaux dans la zone des cinquante pas géométriques et avoir ainsi occupé une partie du domaine public maritime dans le prolongement de la parcelle cadastrée section AC n° 306 située dans le quartier “la Prairie” sur le territoire de la commune du François ; que Mme H== relève appel du jugement n° 0800192 du 21 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Fort de France, saisi par le préfet de la Martinique, l’a condamnée, pour contravention de grande voirie et lui a enjoint, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à défaut d’exécution des travaux dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, de démolir ce hangar à bateaux, en autorisant l'administration à procéder d'office à la réalisation des travaux aux frais, risques et périls de la contrevenante, en cas d'inexécution passé un délai de trois mois ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 774-3 du code de justice administrative, relatif à la procédure spéciale applicable en matière de contravention de grande voirie : “La communication à l'administration compétente du mémoire en défense produit par la personne poursuivie et la communication à la personne poursuivie de la réponse faite par l'administration sont effectuées, s'il y a lieu, par le président du tribunal administratif ou par le greffier en chef agissant au nom et par ordre du président" ; qu’il résulte de ces dispositions, propres à cette procédure répressive et dérogatoires par rapport au droit commun et destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire en défense produit par la personne poursuivie est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité ; qu'il en va autrement dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et des visas du jugement attaqué qu’à défaut d’une ordonnance de clôture, la clôture de l’instruction est intervenue le 14 décembre 2009 à minuit, trois jours francs avant la date de l'audience fixée le 17 décembre et que le premier mémoire en défense de Mme H== a été enregistré au greffe du tribunal administratif le 16 décembre 2009, postérieurement à la clôture de l'instruction ; que toutefois, dans les circonstances de l’espèce, le défaut de communication de ce premier mémoire en défense produit par la personne poursuivie a été de nature, à raison de son caractère, à préjudicier aux droits des parties ; que, dans ces conditions, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens tirés de l’irrégularité du jugement, Mme H== est fondée à soutenir que le tribunal administratif a méconnu les exigences du débat contradictoire et à demander l’annulation du jugement attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la requête présentée par le préfet de la Martinique devant le Tribunal administratif de Fort-de-France ;
Sur la régularité de la poursuite :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative: « Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. La notification est faite dans la forme administrative, mais elle peut également être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La notification indique à la personne poursuivie qu'elle est tenue, si elle veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans le délai de quinzaine à partir de la notification qui lui est faite. Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance » ;
Considérant que la circonstance que le procès-verbal établi le 12 novembre 2007 n'a été notifié à Mme H== que le 22 avril 2008 n'a pas affecté la régularité de la procédure dès lors, d'une part, que le délai de 10 jours prévu à l'article L. 774-2 du code de justice administrative n'est pas prescrit à peine de nullité, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que le délai avec lequel le procès-verbal a été notifié aurait eu, en l'espèce, pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ; qu’il en va de même de la circonstance que le préfet de la Martinique n’a pas produit l’acte de notification dressé par l’huissier de justice ainsi que les annexes à cet acte lors de la saisine du tribunal administratif, qui est sans influence sur la régularité de la procédure dès lors qu’il n’est ni établi ni même allégué que Mme H== n’aurait pu, de ce fait, bénéficier des garanties de la procédure contradictoire ou que les droits de la défense auraient été méconnus ;
Considérant qu’il ressort des mentions du procès-verbal, qui font foi jusqu’à preuve du contraire, qu’il a été établi le 12 novembre 2007 sur la base des constatations effectuées par son auteur sur les lieux le jour même ; que le procès-verbal, dont aucune disposition législative ou réglementaire n'exige qu'il soit dressé à la suite d'une enquête approfondie, comporte des indications permettant d'identifier la nature, les circonstances et l’auteur de la contravention et de connaître les motifs de droit et de fait de l'infraction reprochée à Mme H== ; qu’ainsi cette dernière n'est pas fondée à soutenir que l’agent verbalisateur, dont l’impartialité n’est pas sérieusement mise en doute, n’a pas été témoin des faits rapportés et que le procès-verbal établi le 12 novembre 2007 n'autorisait pas le préfet de la Martinique à la déférer au Tribunal administratif de Fort de France comme prévenue d'une contravention de grande voirie ;
Sur le bien-fondé de la poursuite :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : « Le domaine public maritime naturel de l’Etat comprend : 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles (…) 3° Les lais et relais de la mer (…) 4° la zone bordant le littoral définie à l’article L. 5111-1 dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion » ; qu’aux termes de l’article L. 5111-1 du même code : « La zone comprise entre la limite du rivage de la mer et la limite supérieure de la zone dite des cinquante pas géométriques définie à l’article L. 5111-2 fait partie du domaine public maritime de l’Etat » ; qu’aux termes de L. 5111-2 de ce code : « La réserve domaniale dite des cinquante pas géométriques est constituée par une bande de terrain délimitée dans les départements de la Réunion, de la Guadeloupe et de la Martinique (…) » ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques : « Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende. Nul ne peut en outre, sur ce domaine, procéder à des dépôts ou à des extractions, ni se livrer à des dégradations » ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment des documents et plans versés au dossier, que le hangar à bateau édifié dans le prolongement de la parcelle cadastrée section AC n° 306 occupée par Mme H== au quartier « La Prairie » sur le territoire de la commune du François a été érigé sur la parcelle cadastrée sous le n°9710 AC306 dans la zone des cinquante pas géométriques faisant partie du domaine public de l’Etat ; que, devant la juridiction, Mme H== n'apporte aucun d'élément de nature à remettre en cause les faits rapportés par le procès-verbal concernant particulièrement la situation de ce hangar et le fait qu'il a été implanté sur le domaine public ;
Considérant que le maintien sans autorisation de cette construction dans la zone des cinquante pas géométriques, ainsi que l’occupation du domaine public en résultant, constituent la contravention de grande voirie prévue par l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques ; que ce seul motif justifie légalement l’engagement de la poursuite intentée à l’encontre de Mme H== devant le tribunal administratif alors même que le procés verbal fait état de façon surabondante de l’existence le long du hangar d’un accès à la mer bétonné dont la réalisation ne lui est pas imputable ; que la circonstance que des autorisations auraient été délivrées à Mme H== au titre de la législation de l’urbanisme est sans incidence sur le bien-fondé de la poursuite engagée au titre de la législation relative au domaine public ;
Considérant que la circonstance Mme H== a reconstruit le hangar à bateaux à la suite d’un cyclone qui avait détruit un précédent abri est sans influence sur la matérialité de la contravention de grande voirie et n'est, en tout état de cause, pas de nature à l’exonérer de la poursuite diligentée en cette matière par le préfet de la Martinique ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d'enjoindre à Mme H== de démolir le hangar à bateaux édifié sur le domaine public maritime dans le prolongement de la parcelle cadastrée section AC n° 306 située dans le quartier “la Prairie” sur le territoire de la commune du François, à l’exception de l’accès à la mer bétonné réalisé le long de ce hangar, en autorisant l'administration à procéder d'office à la réalisation des travaux aux frais, risques et périls de la contrevenante, en cas d'inexécution passé un délai de trois mois ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Mme H== de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0800192 du Tribunal administratif de Fort-de-France en date du 21 décembre 2009 est annulé ;
Article 2 : Il est enjoint à Mme H== de démolir le hangar à bateaux édifié sur le domaine public maritime dans le prolongement de la parcelle cadastrée section AC n° 306 située dans le quartier « la Prairie » sur le territoire de la commune du François.
Article 3 : Les conclusions de Mme H== tendant au bénéfice des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : L'Etat est autorisé à procéder d'office à la réalisation des travaux prescrits à l’article 2 aux frais et risques et périls de Mme H==, en cas d'inexécution passé un délai de trois mois.