Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. Pascal B== a demandé au tribunal administratif de L== de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire (CHU) de L== et son assureur, la société hospitalière d’assurances mutuelles (SHAM), à lui verser une somme totale de 62 815,83 euros en réparation des préjudices qu’il impute à sa prise en charge au sein de cet établissement, et de mettre à la charge solidaire du CHU de L== et de la SHAM les frais d’expertise et une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Loir-et-Cher a demandé au tribunal de condamner solidairement le CHU de L== et la SHAM au paiement des honoraires de la médiation et à lui verser une somme 91 890,46 euros, avec les intérêts, au titre de ses débours, ainsi qu’une somme de 1 098 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion, et de mettre à la charge solidaire du CHU de L== et de la SHAM une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900905 du 5 août 2021, le tribunal administratif de L== a rejeté la requête de M. B== et les conclusions présentées par la CPAM du Loir-et-Cher et mis à la charge définitive de M. B== les frais de l’expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal d’un montant de 1 756,80 euros.

Procédure devant la cour :

I) Sous le n° 21BX03724, par une requête, enregistrée le 17 septembre 2021, M. B==, représenté par Me G==, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 5 août 2021 du tribunal administratif de L== ; 2°) de condamner solidairement le CHU de L== et la SHAM à lui verser une somme totale de 62 815,83 euros ;

3°) de mettre à la charge solidaire du CHU de L== et de la SHAM les frais d’expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 756, 80 euros, et une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II) Sous le n° 21BX03817, par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 septembre 2021 et 3 février 2022, la CPAM de Loir-et-Cher, représentée par Me M==, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 5 août 2021 du tribunal administratif de L== ; 2°) de condamner solidairement le CHU de L== et la SHAM à lui verser une somme totale de 91 890, 46 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2021, ainsi qu’une somme de 1 114 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) de mettre à la charge solidaire du CHU de L== et de la SHAM les honoraires du médiateur et une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Considérant ce qui suit :

1. M. B==, qui souffrait d’un cancer de la prostate, a subi au centre hospitalier universitaire de L==, le 1er octobre 2015, une prostatectomie totale avec curage ganglionnaire et pose d’une sonde vésicale. A la suite de cette intervention, réalisée par un praticien de l’établissement exerçant en secteur libéral, il a présenté une infection urinaire à pseudomonas aeruginosa qui, malgré la mise en place d’un traitement antibiotique, a évolué en infection osseuse au niveau du bassin. L’intéressé, qui conserve des séquelles de ces complications infectieuses, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de L== qui, par une ordonnance du 17 septembre 2018, a ordonné une expertise médicale, dont le rapport a été remis le 19 novembre 2018.

2. M. B== a demandé au tribunal administratif de L== de condamner solidairement le CHU de L== et son assureur, la société hospitalière d’assurances mutuelles (SHAM), à lui verser une somme totale de 62 815,83 euros en réparation des préjudices qu’il imputait à sa prise en charge au sein de cet établissement et de mettre à la charge solidaire du CHU de L== et de la SHAM les frais de l’expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal. La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Loir-et-Cher a demandé au tribunal de condamner solidairement le CHU de L== et la SHAM au paiement des honoraires de la médiation qui avait été proposée par la juridiction et à lui verser une somme de 91 890,46 euros au titre de ses débours ainsi que l’indemnité forfaitaire de gestion. Par un jugement du 5 août 2021, le tribunal administratif a rejeté les conclusions indemnitaires de M. B== et de la CPAM du Loir-et-Cher comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, a mis à la charge définitive de M. B== les frais de l’expertise d’un montant de 1 756,80 euros et a rejeté les conclusions de la caisse relatives aux frais de médiation. Par leurs requêtes enregistrées sous les n° 21BX03724 et 21BX03817, M. B== et la CPAM du Loir-et-Cher relèvent appel de ce jugement.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le CHU de L== et la SHAM :

3. L’article L. 221-3-1 du code de la sécurité sociale prévoit que le directeur général de la caisse nationale de l’assurance maladie « est notamment chargé pour ce qui concerne la gestion de la caisse nationale et du réseau des caisses régionales, locales et de leurs groupements : (…) 3° De prendre les mesures nécessaires à l’organisation et au pilotage du réseau des caisses du régime général ; il peut notamment définir les circonscriptions d’intervention des organismes locaux, prendre les décisions prévues aux articles L. 224-11, L. 224-12, L. 224-13 et L. 281-2, et confier à certains organismes, à l’échelon national, interrégional, régional ou départemental, la charge d’assumer certaines missions ».

4. Il résulte de l’instruction que par une décision du 1er janvier 2020, régulièrement publiée, le directeur général de la caisse nationale d’assurance maladie a confié à la CPAM de Loir-et-Cher la prise en charge de l’activité de recours contre les tiers concernant, notamment, les bénéficiaires de la caisse de l’Indre. Il en résulte que, contrairement à ce que soutiennent le CHU de L== et la SHAM, la CPAM de Loir-et-Cher est habilitée à agir au nom et pour le compte de la CPAM de l’Indre auprès de laquelle M. B== est assuré.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Aux termes de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique : « I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ». Aux termes de l’article L. 1142-1-1 du même code : « Ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d’infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l’article L. 1142-1 correspondant à un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; / (…) ». Doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial au sens de ces dispositions une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge. L’article L. 1142-22 du même code prévoit que l’ONIAM est chargé de l’indemnisation au titre de la solidarité nationale, dans les conditions définies à l’article L. 1142-1-1, des dommages occasionnés par la survenue d’une infection nosocomiale. Il résulte de ces dispositions que les dommages consécutifs à des infections nosocomiales et correspondant à un déficit fonctionnel permanent d’un taux supérieur à 25 %, déterminé par référence au barème figurant à l’annexe 11-2 du code de la santé publique, ouvrent droit à réparation par l’ONIAM au titre de la solidarité nationale, que ces dommages aient été subis par les patients victimes de telles infections ou par leurs proches. Lorsque le taux de déficit fonctionnel permanent est au plus égal à 25 %, ces dommages engagent la responsabilité de l’établissement de soins, sauf si celui-ci rapporte la preuve d’une cause étrangère.

6. Aux termes de l’article L. 6154-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : « Dès lors que l'exercice des missions de service public définies à l'article L. 6112-1 dans les conditions prévues à l'article L. 6112-3 n'y fait pas obstacle, les praticiens statutaires exerçant à temps plein dans les établissements publics de santé sont autorisés à exercer une activité libérale dans les conditions définies au présent chapitre ». Les rapports qui s'établissent entre les malades admis à l'hôpital et les médecins, chirurgiens et spécialistes à temps plein auxquels ils font appel dans les conditions prévues par les dispositions précitées relèvent du droit privé. Si l’hôpital peut être rendu responsable des dommages subis par de tels malades lorsqu’ils ont pour cause un mauvais fonctionnement résultant soit d’une mauvaise installation des locaux, soit d’un matériel défectueux, soit d’une faute commise par un membre du personnel auxiliaire de l’hôpital mis à la disposition des médecins, chirurgiens et spécialistes, ceux-ci doivent répondre des dommages causés par leurs propres manquements dans les conditions du droit privé.

7. Il résulte des dispositions précitées que la survenue d’une infection nosocomiale au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient dans les locaux d’un hôpital public engage de plein droit la responsabilité de cet établissement, alors même que les soins auraient été dispensés par un praticien dans le cadre de son activité libérale.

8. En l’espèce, M. B== a recherché devant le tribunal administratif de L== la responsabilité du CHU de L== à raison de l’infection nosocomiale contractée lors de sa prise en charge au sein de cet établissement public. Compte tenu de ce qui a été dit au point 7, une telle demande relève de la compétence de la juridiction administrative alors même que les soins ont été prodigués par un praticien exerçant en secteur libéral. Si le CHU de L== et la SHAM font valoir que ce praticien a commis une faute dans la prise en charge de l’infection, cette circonstance, qu’il est loisible au centre hospitalier d’invoquer dans le cadre d’une action récursoire contre ce praticien, est sans incidence sur la compétence de la juridiction administrative pour connaître de la demande présentée par M. B== et, au titre de sa subrogation, par la CPAM de Loir-et-Cher.

9. Il résulte de ce qui précède que les appelants sont fondés à demander l’annulation du jugement attaqué qui a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître la demande de M. B== tendant à la réparation des préjudices subis du fait de cette infection nosocomiale et celle de la CPAM de Loir-et-Cher tendant au remboursement des débours exposés au profit de son assuré et au versement de l’indemnité forfaitaire de gestion.

10. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de renvoyer les demandes de M. B== et de la CPAM de Loir-et-Cher devant le tribunal administratif de L==, y compris leurs conclusions accessoires relatives aux dépens et aux frais de médiation, pour qu’il y statue à nouveau.

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. B== et la CPAM de Loir-et-Cher au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1900905 du 5 août 2021 du tribunal administratif de L== est annulé.

Article 2 : Les demandes de M. B== et de la CPAM de Loir-et-Cher sont renvoyées devant le tribunal administratif de L== pour qu’il y soit statué.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.