Procédure devant la cour :

Par cette requête, enregistrée le 25 janvier 2023 au greffe de la cour, et un mémoire complémentaire, enregistré le 2 mars 2023, le syndicat Union des travailleurs guyanais (UTG), demande à la cour :

1°) d’annuler cette décision de la directrice des entreprises, du travail, de la consommation et de la concurrence (DETCC) de Guyane portant validation implicite de l’accord collectif précité ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2022 au greffe du tribunal administratif de la Guyane et le 25 janvier 2023 au greffe de la cour, et un mémoire, enregistré le 15 mars 2023 qui n’a pas été communiqué, l’établissement public « société du Grand port maritime de la Guyane », représenté par Me G== et Me F==, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du syndicat UTG la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion conclut au rejet de la requête.

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Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de son projet stratégique de modernisation de l’ensemble de ses activités pour la période 2019/2023, l’établissement public dénommé « société du Grand port maritime de la Guyane (GPM – Guyane) » qui employait 47 salariés a, le 28 février 2022, informé l’administration du travail de l’ouverture d'une négociation en vue de la signature d'un accord déterminant le contenu d'une rupture conventionnelle collective dans le cadre des dispositions des articles L. 1237-19 et suivants du code du travail. Les négociations ont abouti à la signature d’un accord collectif, le 21 juillet 2022, conclu entre le directeur général de l’établissement public et la confédération française de l’encadrement – confédération générale des cadres (CFE-CGC). Le syndicat Union des travailleurs guyanais (UTG), autre organisation syndicale représentative, n'a pas signé cet accord. Le 22 juillet 2022, l’établissement public a déposé une demande de validation de l'accord collectif portant rupture conventionnelle collective auprès de la direction des entreprises, du travail, de la consommation et de la concurrence (DETCC) de Guyane qui a déclaré le dossier complet le 29 juillet suivant. Par une décision née du silence gardé par l’administration pendant quinze jours conformément à l’article L. 1237-19-4 du code du travail, la directrice des entreprises, du travail, de la consommation et de la concurrence de Guyane a implicitement validé cet accord collectif. Le syndicat UTG a demandé au tribunal administratif de la Guyane d’annuler cette décision implicite. Le tribunal n’ayant pas statué dans le délai de trois mois prévu à l’article L. 1235-7-1 du code du travail, son président a, par une ordonnance du 25 janvier 2023, transmis à la cour la demande du syndicat UTG, en application de l’article R. 351-3 du code de justice administrative.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. D’une part, aux termes de l’article L. 1237-19 du code du travail : « Un accord collectif peut déterminer le contenu d'une rupture conventionnelle collective excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppression d'emplois. / L'administration est informée sans délai de l'ouverture d'une négociation en vue de l'accord précité. ». Aux termes de l’article L. 1237-19-1 de ce code : « L'accord portant rupture conventionnelle collective détermine : / 1° Les modalités et conditions d'information du comité social et économique, s'il existe ; / 2° Le nombre maximal de départs envisagés, de suppressions d'emplois associées, et la durée pendant laquelle des ruptures de contrat de travail peuvent être engagées sur le fondement de l'accord ; / 3° Les conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier ; / 4° Les modalités de présentation et d'examen des candidatures au départ des salariés, comprenant les conditions de transmission de l'accord écrit du salarié au dispositif prévu par l'accord collectif ; / 4° bis Les modalités de conclusion d'une convention individuelle de rupture entre l'employeur et le salarié et d'exercice du droit de rétractation des parties ; / 5° Les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié, qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement ; / 6° Les critères de départage entre les potentiels candidats au départ ; / 7° Des mesures visant à faciliter l'accompagnement et le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents, telles que le congé de mobilité dans les conditions prévues aux articles L. 1237-18-1 à L. 1237-18-5, des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion ou des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ; / 8° Les modalités de suivi de la mise en œuvre effective de l'accord portant rupture conventionnelle collective. ».

3. D’autre part, aux termes de l’article L. 2232-12 du code du travail : « La validité d'un accord d'entreprise ou d'établissement est subordonnée à sa signature par, d'une part, l'employeur ou son représentant et, d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants. / Si cette condition n'est pas remplie et si l'accord a été signé à la fois par l'employeur et par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des élections mentionnées au premier alinéa, quel que soit le nombre de votants, une ou plusieurs de ces organisations ayant recueilli plus de 30 % des suffrages disposent d'un délai d'un mois à compter de la signature de l'accord pour indiquer qu'elles souhaitent une consultation des salariés visant à valider l'accord. (…) ». Aux termes de de l’article L. 2232-13 de ce code : « La représentativité reconnue à une organisation syndicale catégorielle affiliée à une confédération syndicale catégorielle au titre des salariés qu'elle a statutairement vocation à représenter lui confère le droit de négocier toute disposition applicable à cette catégorie de salariés. / Lorsque la convention ou l'accord ne concerne qu'une catégorie professionnelle déterminée relevant d'un collège électoral, sa validité est subordonnée à sa signature par, d'une part, l'employeur ou son représentant et, d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives dans ce collège au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants. / Les règles de validité de la convention ou de l'accord sont celles prévues à l'article L. 2232-12. Les taux de 30 % et de 50 % mentionnés au même article sont appréciés à l'échelle du collège électoral. (…) ». Selon l’article L. 2232-16 du même code : « La convention ou les accords d'entreprise sont négociés entre l'employeur et les organisations syndicales de salariés représentatives dans l'entreprise. (…) ». Aux termes de l’article L. 2232-17 de ce code : « La délégation de chacune des organisations représentatives parties à des négociations dans l'entreprise comprend le délégué syndical de l'organisation dans l'entreprise (…) ».

4. Enfin, selon l’article L. 1237-19-3 du code du travail : « L'accord collectif mentionné à l'article L. 1237-19 est transmis à l'autorité administrative pour validation. / L'autorité administrative valide l'accord collectif dès lors qu'elle s'est assurée : / 1° De sa conformité au même article L. 1237-19 ; / 2° De la présence des clauses prévues à l'article L. 1237-19-1 ; / 3° Du caractère précis et concret des mesures prévues au 7° du même article L. 1237-19-1 ; / 4° Le cas échéant, de la régularité de la procédure d'information du comité social et économique. ». Aux termes de l’article L. 1237-19-4 de ce code : « L'autorité administrative notifie à l'employeur la décision de validation dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l'accord collectif mentionné à l'article L. 1237-19. / (…) Le silence gardé par l'autorité administrative à l'issue du délai prévu au premier alinéa vaut décision d'acceptation de validation. (…) ». Enfin, selon l’article D. 1237-9 du même code : « Le délai prévu à l'article L. 1237-19-4 court à compter de la réception du dossier complet par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. / Le dossier est complet lorsqu'il comprend l'accord prévu à l'article L. 1237-19, ainsi que les informations permettant de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles il a été conclu et, le cas échéant, la mise en œuvre effective de l'information du comité social et économique prévue au 1° de l'article L. 1237-19-1. (…) ». 5. En premier lieu, il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points 2 à 4 qu’il appartient à l’autorité administrative, saisie d’une demande de validation d’un accord collectif déterminant le contenu d'une rupture conventionnelle collective, de vérifier, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, que l'accord qui lui est soumis a été régulièrement signé pour le compte d’une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au regard des conditions de validité des accords d’entreprise définies aux articles L. 2232-12 et L. 2232-13 du code du travail. Cette vérification implique de contrôler que les signataires de l'accord avaient qualité pour engager leur organisation syndicale lors de la négociation et la conclusion de cet accord dans les conditions prévues aux articles L. 2232-16 à L. 2232-20 du même code.

6. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que, le 28 février 2022, l’établissement public GPM – Guyane a informé l’administration de l’ouverture d'une négociation en vue de la signature d'un accord déterminant le contenu d'une rupture conventionnelle collective au sein de l’entreprise comprenant au maximum cinq départs volontaires et trois suppressions d’emplois associés parmi les 47 salariés, employés, agents de maîtrise et cadres, de l’entreprise. A l’issue de la dernière réunion de négociation avec les deux organisations syndicales représentatives, le syndicat UTG qui avait obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés dans le collège électoral « employés » lors des dernières élections des membres de la délégation du personnel au comité social et économique tenues le 5 décembre 2019, a informé la direction de l’établissement public qu’elle ne souhaitait pas signer le projet d’accord d’entreprise. Ce dernier a été modifié en conséquence pour ne s’appliquer qu’aux seuls salariés relevant des catégories « agents de maîtrise » et « cadres ». Dans ces conditions, l’organisation syndicale CFE-CGC qui a obtenu, lors des mêmes élections professionnelles, plus de 50% des suffrages exprimés dans le collège électoral dont relèvent ces deux catégories de personnel, remplissait la condition de représentativité, prévue à l’article L. 2232-13 du code du travail, pour signer l’accord en litige, lequel intéresse les seules catégories que cette organisation représente.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l’accord en litige conclu avec la direction de l’établissement public GPM – Guyane a été signé par M. C== qui avait été désigné, le 12 décembre 2019, délégué syndical, conformément à l’article L. 2143-3 du code du travail, par le syndicat national de l’encadrement des personnels sédentaires des compagnies de navigation (SNPSCN) CFE-CGC, affilié à la fédération nationale CFE-CGC transports et à la confédération française de l’encadrement – CGC, organisation syndicale représentative dans l’entreprise à la suite des élections professionnelles lors desquelles il avait été élu sous l’étiquette « CFE-CGC ». En cette qualité, M. C== était habilité, en vertu de l’article L. 2232-17 du même code, à participer aux négociations et signer cet accord. La circonstance que, à compter du 4 juillet 2022, l’affiliation de la section syndicale de cette organisation au sein de l’entreprise a été transférée à la fédération des ports CFE – CGC est sans incidence sur le mandat de délégué syndical exercé par l’intéressé, ainsi que l’indique le président de cette fédération dans un courrier électronique, adressé le même jour au directeur général de l’établissement et confirmant l’intéressé dans ses fonctions. Il s’ensuit que M. C==, dont le mandat de délégué syndical du syndicat SNPSCN CFE-CGC n’a pris fin que le 26 juillet 2022, avait qualité pour engager l’organisation syndicale CFE-CGC lors de la conclusion, le 21 juillet précédent, de l’accord litigieux.

8. En dernier lieu, il résulte des dispositions, citées au point 4, de l’article L. 1237-19-3 du code du travail que l'autorité administrative ne peut valider un accord collectif portant rupture conventionnelle collective que s’il est conforme à l’article L. 1237-19 de ce code, qu’il comporte les clauses prévues à l'article L. 1237-19-1, qu’il contient des mesures, prévues au 7° du même article L. 1237-19-1, précises et concrètes, et que, le cas échéant, la procédure d’information du comité social et économique a été régulière. En outre, il résulte des mêmes dispositions qu’elle ne peut valider un tel accord s’il est entaché de nullité, notamment en raison de ce que des vices, propres à entacher l’accord de nullité, ont affecté les conditions de sa négociation.

9. Il ressort des pièces du dossier que trois réunions de négociation se sont tenues les 7 mars, 29 avril et 1er juin 2022 avec les deux organisations syndicales représentatives au sein de l’établissement public, dont le syndicat requérant, en vue de la conclusion de l’accord collectif portant rupture conventionnelle collective. Par courrier électronique du 15 juillet 2022, le directeur général de l’établissement public a invité les délégués syndicaux désignés par chacune des organisations syndicales à signer le projet d’accord avant le 20 juillet suivant à midi. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que, à la suite du refus du syndicat UTG de signer, le projet d’accord d’entreprise a été modifié pour ne s’appliquer qu’aux seuls agents de maîtrise et cadres de l’établissement. Si le syndicat requérant fait valoir que cette nouvelle version de l’accord n’a pas été précédée d’une nouvelle négociation, cette circonstance ne saurait être regardée comme un vice affectant la négociation de cet accord catégoriel, qui serait de nature à entacher ce dernier de nullité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de validation attaquée serait, pour ce motif, entachée d’illégalité, doit être écarté.

10. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le syndicat UTG n’est pas fondé à soutenir que l’administration aurait, en validant implicitement l’accord collectif portant rupture conventionnelle collective de l’établissement public GPM-Guyane, commis une erreur de droit. Par suite, ses conclusions tendant à l’annulation de cette décision de validation doivent être rejetées.

Sur les frais d’instance :

11. Les dispositions de l’article L. 761 1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que réclame le syndicat UTG, lequel n’a, au demeurant, pas eu recours au ministère d’avocat, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n’y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de l’établissement public « GPM-Guyane » présentées sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête du syndicat UTG est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l’établissement public « GPM – Guyane » présentées sur le fondement de l’article L. 761 1 du code de justice administrative sont rejetées.