Responsabilité environnementale - Article L. 110-1 du code de l'environnement - Principe pollueur-payeur
Par mariecath le vendredi 29 avril 2016, 14:37 - ENVIRONNEMENT - Lien permanent
L’article L. 110-1 du code de l'environnement, qui reprend les dispositions introduites par la loi susvisée du 2 février 1995 à l’article L. 200-1 du code rural, dispose : « Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation. / II. - Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants :(...) 3° Le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur ; ». La communauté de communes de Gatine-Autize a confié le marché de remise en état de son réseau routier à la société SGTP Racaud, laquelle s’est fourni pour l’émulsion de bitume nécessaire à ces travaux auprès de la société Interliants qui a mis à sa disposition sur le chantier une citerne permettant le stockage de cette émulsion pendant la durée des travaux. Le 5 octobre 2010, un camion citerne appartenant à la société Lorcy a livré 29 tonnes d’émulsion de bitume sur le chantier. L’opération de transvasement dans la citerne de stockage, a provoqué le déversement accidentel de 18 tonnes d’émulsion dans l’environnement immédiat, notamment dans le lit du ruisseau Fénioux situé en contrebas. Cette pollution qui a justifié ce même jour, le 5 octobre 2010, l’intervention du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) des Deux-Sèvres trouve ainsi son origine dans l’exécution d’un chantier de travaux publics qui avait été confié à la société SGTP Racaud en sa qualité d’entrepreneur. Dans ces conditions, le SDIS des Deux-Sèvres était fondé, en application du principe pollueur-payeur, à mettre à la charge de cette entreprise les frais de son intervention.
Arrêt 14BX02623 – 5ème chambre - 29 avril 2016 - Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS) des Deux-Sèvres
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure :
La SARL SGTP Racaud a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le titre de recettes émis à son encontre le 1er décembre 2011 par le service départemental d'incendie et de secours des Deux-Sèvres pour un montant de 21 110,04 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.
Par un jugement n° 1200394 du 26 juin 2014, le tribunal administratif de Poitiers a annulé ce titre de recettes et déchargé la société SGTP Racaud de l'obligation de payer cette somme.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 août 2014 et 15 mars 2016, le service départemental d'incendie et de secours des Deux-Sèvres, représenté par la SELARL Cornet-Vincent-Segurel, demande à la cour : 1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 26 juin 2014 ;
2°) de mettre à la charge de la société SGTP Racaud la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Considérant ce qui suit :
1. Le service départemental d’incendie et de secours des Deux-Sèvres a été appelé à intervenir le 5 octobre 2010 pour contenir une pollution du ruisseau « Le Fenioux » provenant du déversement accidentel d'une émulsion de bitume. Pour obtenir le remboursement des frais exposés lors de cette intervention, ce service a émis, le 1er décembre 2011, un titre de recettes d’un montant de 21 110,04 euros à l’encontre de la société SGTP Racaud qui a saisi le tribunal administratif de Poitiers d’une demande d’annulation et de décharge de l’obligation de payer cette somme. Le service départemental d’incendie et de secours des Deux-Sèvres relève appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 26 juin 2014 annulant ce titre de recettes et déchargeant la société SGTP Racaud de l’obligation de payer cette somme.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte de l’instruction que le déversement accidentel de l’émulsion de bitume qui a provoqué la pollution du ruisseau « Le Fenioux » s’est produite à l’occasion de la livraison de cette émulsion sur le chantier de réfection d’une route dont l’exécution avait été confiée par la communauté de communes Gâtine-Autize à la société SGTP Racaud. Cette pollution qui a justifié l’intervention du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) des Deux-Sèvres trouve ainsi son origine dans l’exécution d’un chantier de travaux publics. La contestation du titre de recettes, par lequel ce service a mis à la charge de la société SGTP Racaud les frais de son intervention pour faire cesser une pollution générée par un chantier de travaux publics, relève ainsi de la seule compétence du juge administratif. En statuant sur cette contestation, le tribunal administratif de Poitiers n’a dès lors pas entaché son jugement d’irrégularité.
Sur la légalité du titre de recettes :
3. L’article L. 110-1 du code de l'environnement, qui reprend les dispositions introduites par la loi susvisée du 2 février 1995 à l’article L. 200-1 du code rural, dispose : « Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation. / II. - Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants :(...) 3° Le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur ; ».
4. Il résulte de l’instruction que la communauté de communes de Gatine-Autize a confié le marché de remise en état de son réseau routier à la société SGTP Racaud, laquelle s’est fournie pour l’émulsion de bitume nécessaire à ces travaux auprès de la société Interliants qui a mis à sa disposition sur le chantier une citerne permettant le stockage de cette émulsion pendant la durée des travaux. Le 5 octobre 2010, un camion citerne appartenant à la société Lorcy a livré 29 tonnes d’émulsion de bitume sur le chantier. L’opération de transvasement dans la citerne de stockage, a provoqué le déversement accidentel de 18 tonnes d’émulsion dans l’environnement immédiat, notamment dans le lit du ruisseau Fénioux situé en contrebas à l’intérieur du site Natura 2000 de la vallée de l’Autize. Cette pollution qui a justifié ce même jour, le 5 octobre 2010, l’intervention du SDIS des Deux-Sèvres trouve ainsi son origine dans l’exécution d’un chantier de travaux publics qui avait été confié à la société SGTP Racaud en sa qualité d’entrepreneur. Dans ces conditions, le SDIS des Deux-Sèvres était fondé, en application du principe pollueur-payeur, mentionné à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, à mettre à la charge de cette entreprise les frais de son intervention. Dès lors, c’est à tort que le tribunal administratif de Poitiers s’est fondé sur la circonstance que la société SGTP Racaud n’avait pas la qualité de responsable de l’incident au sens de l’article L. 211-5 du code de l'environnement pour annuler le titre exécutoire et décharger ladite société de l’obligation de payer.
5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par la société SGTP Racaud devant le tribunal administratif de Poitiers.
6. En premier lieu, aux termes de l’article L. 80D du livre des procédures fiscales : « Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. ». La décision du service départemental d’incendie et de secours des Deux-Sèvres mettant à la charge de la société SGTP Racaud le remboursement des frais exposés lors de l’intervention du 5 octobre 2010 ne constitue pas une décision mettant à sa charge une sanction fiscale. Par suite cette société ne saurait se prévaloir d’une méconnaissance des dispositions de l’article L. 80 D précité du livre des procédures fiscales.
7. Toutefois, un état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la dette, alors même qu’il est émis par une personne publique autre que l’Etat pour lequel cette obligation est expressément prévue par l’article 81 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement de la comptabilité publique. En application de ce principe, un service départemental d’incendie et de secours ne peut mettre en recouvrement une somme due au titre du remboursement des frais exposés au cours d’une intervention sans indiquer, soit dans le titre lui même, soit par référence à un document joint à l’état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge du recevable. En invoquant le caractère insuffisant des indications portées sur le titre exécutoire contesté pour en connaître le fondement juridique, la société SGTP Racaud doit être regardée comme invoquant la méconnaissance de cette obligation de motivation. Il résulte cependant des termes mêmes du titre exécutoire que celui-ci précise qu’il a été pris « conformément à la loi du 2 /02/95 art. 1 relative au renforcement de la protection de l’environnement et à la délibération n°4 du bureau du C.A.S.D.I.S 79 du 17/12/09 » et indique que cette délibération est annexée en pièce jointe ainsi qu’une facture détaillée. Il est vrai que l’article 1er de la loi du 2 février 1995 n’était alors plus en vigueur. Toutefois, ces dispositions qui fondent le titre exécutoire avaient été reprises à l’article L. 110-1 du code de l'environnement. Par suite le moyen tiré de l’insuffisante motivation du titre exécutoire n’est pas fondé et doit être écarté.
8. En deuxième lieu, le préfet des Deux-Sèvres, faisant application des dispositions de l’article L. 211-5 du code de l'environnement, a par un premier arrêté daté du 6 octobre 2010, mis la société SGTP Racaud en demeure de mettre fin à la cause de danger d'atteinte au milieu aquatique et d'y remédier dans un délai de quinze jours à compter de la notification, puis par un second arrêté du 8 octobre 2010, mis en demeure cette société de prendre les mesures nécessaires à l'exécution du précédent arrêté dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification. D’une part, le titre exécutoire contesté, qui a pour objet de mettre à la charge de la société les frais de l'intervention réalisée le 5 octobre 2010 par le service départemental d'incendie et de secours des Deux-Sèvres, ,ne porte pas sur des frais d’interventions qui auraient été nécessaires pour pallier à la carence éventuelle de la société SGTP Racaud dans l'exécution des deux arrêtés des 6 et 8 octobre 2010. Par suite l'absence de mise en œuvre d'une procédure contradictoire préalable à l'édiction de ces décisions est sans incidence sur la légalité du titre exécutoire. D’autre part, la circonstance que l’intervention du SDIS n’aurait pas été précédée de mises en demeure requises dans le cadre de l’application de l’article L. 211-5 du code de l'environnement est sans incidence sur la légalité du titre exécutoire qui n’est pas fondé sur cet article mais sur le principe pollueur-payeur.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : « Les services d'incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. Ils concourent avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l'évaluation et à la prévention des risques technologiques et naturels ainsi qu'aux secours d'urgence. Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : (…) 3° La protection des personnes, des biens et de l'environnement (...) ». Aux termes de l'article L. 1424-42 dudit code : « Le service départemental d’incendie et de secours n’est tenu de procéder qu’aux seules interventions qui se rattachent directement à ses missions de service public définies à l’article L. 1424-2. S’il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à l’exercice de ses missions, il peut demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération du conseil d’administration (...) ». . Il résulte de ces dispositions que les services départementaux d'incendie et de secours doivent supporter la charge de l'intervention des sapeurs-pompiers lorsque ces derniers exercent, dans l'intérêt général, les missions dont ils sont investis en vue, notamment, de la protection des personnes, des biens et de l'environnement. En revanche, en vertu du principe pollueur-payeur, ils sont fondés, comme c’est le cas dans le présent litige, à poursuivre le remboursement des frais exposés pour les prestations particulières à l'égard des personnes responsables de sinistres ayant nécessité des interventions destinées à pallier un risque de pollution de l'eau ou à lutter contre les effets d'une telle pollution. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de gratuité des interventions du service départemental d’incendie et de secours est inopérant.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le service départemental d'incendie et de secours des Deux-Sèvres est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé le titre exécutoire du 1er décembre 2011 et déchargé la société SGTP Racaud de l'obligation de payer la somme de 21 110,04 euros.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours des Deux-Sèvres, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société SGTP Racaud au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de cette société une somme de 1 500 euros à verser au service départemental d'incendie et de secours des Deux-Sèvres au même titre.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1200394 du 26 juin 2014 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : La demande de la société SGTP Racaud devant le tribunal ainsi que ses conclusions devant la cour tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La société SGTP Racaud versera la somme de 1 500 euros au service départemental d'incendie et de secours des Deux-Sèvres, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.