Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D== ont demandé au tribunal administratif de Toulouse la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007.

Par un jugement n° 1305226 du 22 novembre 2016, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 janvier, 11 septembre, 1er novembre et 11 décembre 2017, M. et Mme D==, représentés par Me Lacombe, avocat, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge demandée ; 3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Considérant ce qui suit :

1. La SARL Delgado, détenue par M. et Mme D==, qui a pour activité l’acquisition et la location de biens immobiliers, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle le service a remis en cause l’option pour le régime fiscal des sociétés de personnes. M. et Mme D== ont fait l’objet d’un contrôle sur pièce à l’issue duquel l’administration a refusé l’imputation des déficits industriels et commerciaux de la SARL sur le revenu global du couple au titre des années 2006 et 2007. Par ailleurs, le service a rehaussé les montants des plus-values déclarées à la suite des cessions en 2006 d’actions et d’obligations de la société Akerys. Les rectifications d’impôt sur le revenu au titre des années 2006 et 2007 ont été notifiées selon la procédure contradictoire par proposition de rectification du 23 décembre 2009. M. et Mme D== relèvent appel du jugement du 22 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur les avis d’impositions supplémentaires relatifs aux prélèvements sociaux :

2. Aux termes de l’article L. 253 du livre des procédures fiscales : « Un avis d’imposition est adressé sous pli fermé à tout contribuable inscrit au rôle des impôts directs (…) dans les conditions prévues aux articles 1658 à 1659 A (du code général des impôts) (…) L’avis d’imposition mentionne le total par nature d'impôt des sommes à acquitter, les conditions d'exigibilité, la date de mise en recouvrement et la date limite de paiement. ». Aux termes de l’article 1658 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l’espèce : « Les impôts directs et les taxes y assimilées sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par arrêté du préfet ou d’avis de mise en recouvrement. / Pour l’application de la procédure de recouvrement par voie de rôle prévue au premier alinéa, le représentant de l’État dans le département peut déléguer ses pouvoirs aux agents de catégorie A désignés par le responsable départemental des finances publiques et détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d’État. La publicité de ces délégations est assurée par la publication des arrêtés de délégation au recueil des actes administratifs de la préfecture ». Aux termes de l’article 1659 du même code : « La date de mise en recouvrement des rôles est fixée par l’autorité compétente pour les homologuer en application de l’article 1658 en accord avec le directeur départemental des finances publiques. Cette date est indiquée sur le rôle ainsi que sur les avis d’imposition délivrés aux contribuables. (…) ». Selon l’article 376-0 bis de l’annexe II du code général des impôts : « Le grade mentionné au second alinéa de l’article 1658 du code général des impôts est celui d’administrateur des finances publiques adjoint ».

3. En premier lieu, il résulte de l’instruction que les rôles relatifs aux impositions litigieuses ont été homologués le 14 décembre 2012, par un agent dont les appelants, dans le dernier état de leurs écritures, ne contestent plus qu’il avait le grade d’administrateur des finances publiques adjoint. La circonstance, par ailleurs, que les états de rôle homologués portent la mention erronée « contrôle fiscal sur place » est sans influence sur la régularité et le bien-fondé des impositions litigieuses. Il suit de là que le moyen tiré du défaut d’homologation du rôle doit être écarté.

4. En deuxième lieu, les appelants soutiennent que l’avis d’imposition ne peut tenir lieu de notification régulière de l’article du rôle individuel, et qu’en l’absence d’une telle notification, les prélèvements sociaux contestés ne seraient pas exigibles. Toutefois et en tout état de cause, ce moyen, qui a trait à l’exigibilité de l’impôt et donc à son recouvrement, ne peut être utilement soulevé devant le juge de l’assiette de l’impôt.

5. En troisième et dernier lieu, si M. et Mme D== font valoir que les avis d’imposition litigieux ne comportent pas la mention de la date d’homologation des rôles supplémentaires, ni la nature des pénalités appliquées, et ne font pas référence aux documents d’assiette, aucune disposition du code général des impôts ou du livre des procédures fiscales n’impose que les avis d’imposition comportent de telles mentions.

Sur la procédure d’imposition :

6. Aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales « L’administration adresse au contribuable proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ».

7. La proposition de rectification du 23 décembre 2009 indique les motifs des rehaussements d’impôt envisagés, leur fondement légal, la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés ainsi que les années d’imposition concernées. Le tableau figurant en pages 5 et 6, intitulé « historique des titres cédés », récapitule l’origine des titres, le montant de chaque opération d’acquisition, de transformation et de cession, ainsi que le prix des titres à l’unité. Il précise ainsi que l’opération réalisée le 6 janvier 2004 est un échange de titres, que la plus-value dégagée à cette occasion bénéficie du régime de sursis de paiement de l’article 150-0 B du code général des impôts et que, « en cas de cession ultérieure des titres reçus en échange, la plus-value imposable est calculée à partir du prix d’acquisition originel des titres remis à l’échange ». Quant au tableau figurant en page 7, intitulé « calcul des plus-values », il procède à ce calcul en retenant comme prix d’acquisition le prix originel des titres échangés. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisante motivation de la proposition de rectification, s’agissant du chef de redressement relatif à la plus value de cession de titres, doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la plus-value de cessions de titres

8. Aux termes de l’article 150-0 A du code général des impôts : « I. - 1. (…) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux (…) de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 15°000 euros par an. ». Aux termes de l’article 150-0 B du même code : « Les dispositions de l'article 150-0 A ne sont pas applicables, au titre de l'année de l'échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre (...) d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés. (…) » Enfin, aux termes de l’article 150-0 D du même code : « 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci (…) 9. En cas de vente ultérieure (…) de titres reçus à l'occasion d'une opération mentionnée à l'article 150-0 B (…) le gain net est calculé à partir du prix ou de la valeur d'acquisition des titres échangés, diminué de la soulte reçue ou majoré de la soulte versée lors de l'échange. ».

9. Il résulte de l’instruction que M. et Mme D== ont procédé en 2002 à l’acquisition de titres de la société Financière Gratte-Ciel (FGC), pour un prix unitaire de 18,29 euros. En 2004, selon le traité d’apport d’actions de la société FGC à la société Groupe Gratte-ciel (GGC) du 6 janvier 2004, les requérants ont apporté 3 610 actions de la société FGC et obtenu en échange de cet apport 19 999 actions de la société GGC d’une valeur nominale, selon le traité d’apport, de 10 euros et 29 999 obligations convertibles en actions de la société GGC d’une valeur nominale, selon le traité d’apport, de 10 euros également. Ils ont ainsi échangé 3 610 actions de la société FGC, d’une valeur à l’unité de 18,29 euros, soit un total de 66 026 euros, contre 49 998 titres de la société GGC, soit 1,32 euros le titre. Ils ont ultérieurement converti 11 520 obligations convertibles en actions en 11 520 actions de la société GGC, se trouvant ainsi propriétaires de 31 519 actions de cette société. En 2006, M. et Mme D== ont cédé 22 384 actions de la société GGC sur les 31 519 qu’ils détenaient, au prix de 1 225 076 euros, soit une valeur unitaire de 54,73 euros, et ont calculé la plus-value de cession de valeurs mobilières qu’ils ont déclarée en retenant comme prix d’acquisition la valeur nominale de 10 euros qui était celle des titres lors de l’échange de 2004. Toutefois, l’administration fiscale, constatant que la plus-value dégagée lors de l’échange de 2004 relevait du sursis de paiement de l’article 150-0 B du code général des impôts, a recalculé la plus-value de cession de titres afférente à 2006 en retenant comme prix d’acquisition le prix d’acquisition des titres échangés, soit 1,32 euros le titre, en application du 9 de l’article 150-0 D du code général des impôts.

10. En premier lieu, M. et Mme D== se prévalent du dernier alinéa de l’article 150-0 B du code général des impôts, qui dispose que « Les échanges avec soulte demeurent soumis aux dispositions de l'article 150-0 A lorsque le montant de la soulte reçue par le contribuable excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus. ». Ils soutiennent que l’opération réalisée en 2004 n’était pas éligible au sursis d’imposition de l’article 150-0 B, dès lors qu’ils ont reçu lors de l’échange de titres non seulement des actions, mais également des obligations convertibles en actions. Or, celles-ci constitueraient, selon eux, un véritable prix et devraient être regardées comme une soulte dont le montant excédait 10 % de la valeur nominale des titres reçus, dès lors que les obligations représentent des titres de créance. Toutefois, les dispositions en cause ne font aucune distinction, au sein des titres qu’elles visent, entre les actions et les obligations convertibles en actions, et il est constant que l’opération réalisée en 2004 n’a dégagé aucune liquidité. Par suite, les obligations reçues par M. et Mme D== en échange d’une partie des 3 610 actions de la société FGC ne peuvent être regardées comme une soulte au sens du dernier alinéa de l’article 150-0 B du code général des impôts.

11. En second lieu, M. et Mme D== ne peuvent utilement se prévaloir, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l’instruction référencée 7 H-232 du 1er septembre 1999, laquelle est relative aux droits d’enregistrement.

En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers :

12. Aux termes de l’article 124 du code général des impôts : « Sont considérés comme revenus au sens du présent article, lorsqu'ils ne figurent pas dans les recettes provenant de l'exercice d'une profession industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, ou d'une exploitation minière, les intérêts, arrérages, primes de remboursement et tous autres produits : (…) 2° Des dépôts de sommes d'argent à vue ou à échéance fixe, quel que soit le dépositaire et quelle que soit l'affectation du dépôt (…) ». Il résulte en outre de la combinaison des articles 124 B, 125 A et 238 septies du code général des impôts que la prime de remboursement des sommes visées au 2° de l’article 124 du même code est imposable au taux progressif, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, et calculée à partir du prix ou de la valeur d’acquisition des titres ou droits remis à l’échange.



13. Il résulte de l’instruction qu’en 2006 M. et Mme D== ont cédé 18 479 obligations convertibles en actions, non converties, et acquises par échange en 2004 ainsi qu’il a été exposé au point 9 du présent arrêt. Ils ont calculé la prime de remboursement issue de cette cession en retenant comme prix d’acquisition la valeur nominale de 10 euros qui était celle des titres lors de l’échange de 2004, et l’administration fiscale, constatant que le gain dégagé lors de l’échange de 2004 relevait du sursis de paiement de l’article 150-0 B du code général des impôts, a recalculé la prime de remboursement issue de la cession de titres intervenue en 2006 en retenant comme prix d’acquisition celui des titres échangés, soit 1,32 euros le titre, en application du 9 de l’article 150-0 D du code général des impôts. Pour les motifs exposés au point 10, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que l’opération réalisée en 2004 ne serait pas éligible au sursis d’imposition de l’article 150-0 B du code général des impôts.

En ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux :

14. Aux termes de l’article 8 du code général des impôts : « Sous réserve des dispositions de l’article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l’impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (…) Il en est de même, sous les mêmes conditions : (…) 3° Des membres des sociétés à responsabilité limitée qui ont opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues (…) par l'article 239 bis AA. ». Aux termes de l’article 239 bis AA du même code : « Les sociétés à responsabilité limitée exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, et formées uniquement entre personnes parentes en ligne directe ou entre frères et sœurs, ainsi que les conjoints et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil, peuvent opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes mentionné à l'article 8. ».

15. Le législateur a entendu réserver l’option pour le régime fiscal des sociétés de personnes à des SARL de famille exerçant une activité de la nature de celles qu’il a limitativement énumérées et en exclure les SARL de famille exerçant une activité d’une autre nature, à moins, le cas échéant, qu’une telle activité ne présente un caractère accessoire et ne constitue le complément indissociable d’une activité industrielle, commerciale ou artisanale exercée par la société. La condition tenant à la nature de l’activité doit être satisfaite tant au moment de la notification de l’option que pendant toutes les années au titre desquelles la société prétend au bénéfice de ce régime.

16. Il résulte de l’instruction qu’à l’issue de la vérification de comptabilité dont la SARL Delgado a fait l’objet, le service a remis en cause le bénéfice du régime des sociétés de personnes pour lequel la société avait opté, au motif que la SARL Delgado n’exerçait pas une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole au sens de l’article 239 bis AA. En conséquence, l’administration a refusé à M. et Mme D== l’imputation des déficits de la société sur leur revenu global des années 2006 et 2007.

17. La SARL Delgado, constituée le 19 décembre 2002, a pour activité l’acquisition et la location de biens immobiliers. Elle a acquis, le 7 février 2003, trois maisons, dont deux maisons d’habitation et une maison à usage mixte d’habitation et de commerce, sur lesquelles elle a procédé à d’importants travaux, avant de les donner en location, pour partie nues et pour partie meublées. Elle a également acquis, le 30 décembre 2003, quatre appartements qu’elle a donnés en bail commercial et loués en meublés. Comme le relève le ministre en défense, à compter du 30 décembre 2003, la société exerçait à la fois une activité civile de location nue et une activité commerciale de location meublée. Il ne résulte pas de l’instruction que l’activité civile présenterait un caractère accessoire et constituerait le complément indissociable de l’activité commerciale, nonobstant la circonstance, à la supposer établie, que la SARL avait l’intention de ne se livrer qu’à des locations meublées mais qu’elle s’est trouvée dans l’obligation de renouveler les locations nues en vertu de la législation sur les baux d’habitation. Il suit de là que c’est à bon droit que l’administration a refusé aux contribuables l’imputation sur leur revenu global des déficits de la SARL Delgado.

Sur les pénalités :

18. Aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : « Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (…) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (…) ».

19. En relevant, dans la proposition de rectification du 23 décembre 2009, que les contribuables avaient fait l’objet d’un examen de situation fiscale personnelle au titre d’années antérieures, au cours desquels des redressements similaires leur avaient été notifiés en matière de plus-values de cession de titres, qu’une réponse aux observations du contribuable leur avait alors été adressée le 2 mars 2007, détaillant le sort fiscal de ces plus-values et leurs modalités de calcul, ainsi qu’en mentionnant l’importance du montant d’impôt éludé, l’administration apporte la preuve qui lui incombe du caractère délibéré des manquements litigieux.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D== ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D== est rejetée.