Obligation de réclamation préalable à l'introduction d'une requête tendant au versement d'une somme d'argent – Absence lorsque la demande tend à la condamnation d’une personne privée non investie d’une mission de service public
Par Benoît le mardi 22 octobre 2019, 10:05 - PROCEDURE - Lien permanent
Constatant l’apparition de fissures à l’intérieur de sa maison, et les imputant aux travaux réalisés par la société des travaux publics de Roumegoux (STPR) pour le compte de la communauté d’agglomération de l’Albigeois, Mme P=== a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse d’une demande d’expertise, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 8 janvier 2015. Le 17 mai 2016 le rapport d’expertise a été déposé.
Mme P===, considérant qu’il résultait de ce rapport que les désordres constatés avaient été provoqués et/ou aggravés par les travaux précités, a saisi le tribunal administratif de Toulouse d’une demande de condamnation de la STPR, qui a été rejetée par ordonnance, comme irrecevable faute de réclamation préalable.
L’article R. 421-1 du code de justice administrative prévoit que : « Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. »
La cour annule l’ordonnance contestée au motif que la requête de Mme P=== était dirigée contre une personne privée, laquelle n’était en tout état de cause pas chargée d’une mission de service public, et que cette règle n’était donc pas applicable. Par conséquent, elle estime cette requête, qui ne relève de la compétence du juge administratif qu’en raison de ce qu’elle porte sur la réparation de dommages causés par l’exécution de travaux publics, recevable et en renvoie le jugement au tribunal administratif.
Arrêt n° 19BX02225 – 7ème chambre – 17 octobre 2019 – Mme P=== - C+
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme P== a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la société des travaux publics de Roumegoux (STPR) à lui verser, dans le délai d’un mois à compter de la décision à venir, la somme totale de 114 037,45 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices causés par les désordres constatés sur son habitation à la suite de travaux de réhabilitation des réseaux réalisés par ladite société pour le compte de la communauté d’agglomération de l’Albigeois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Par une ordonnance n° 1901082 du 20 mai 2019, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
1°) d’annuler cette ordonnance du 20 mai 2019 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) à titre principal, de renvoyer l’affaire devant le tribunal administratif de Toulouse ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner la société des travaux publics de Roumegoux (STPR) à lui verser, dans le délai d’un mois à compter de la décision à venir, la somme totale de 119 234,95 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices causés par les désordres constatés sur son habitation à la suite de travaux de réhabilitation des réseaux réalisés par ladite société pour le compte de la communauté d’agglomération de l’Albigeois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la STPR une somme de 1 500 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Constatant l’apparition de fissures à l’intérieur de sa maison, sise à Albi, au cours du mois de février 2013, et les imputant aux travaux réalisés par la société des travaux publics de Roumegoux (STPR) pour le compte de la communauté d’agglomération de l’Albigeois, Mme Pogin a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse d’une demande d’expertise, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 8 janvier 2015. Le 17 mai 2016 le rapport d’expertise a été déposé.
2. Mme P==, considérant qu’il résultait de ce rapport que les désordres constatés avaient été provoqués et/ou aggravés par les travaux précités, a saisi le tribunal administratif de Toulouse d’une demande de condamnation de la STPR. Elle relève appel de l’ordonnance du 20 mai 2019 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande comme irrecevable.
3. Aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction résultant du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative : « La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ».
4. Il résulte des dispositions précitées que la recevabilité d’une requête tendant au versement d’une somme d’argent est subordonnée à l’existence d’une décision de l’administration à la date à laquelle le juge statue. Toutefois, il est constant qu’en l’espèce la requête de Mme P== était dirigée contre une personne privée, laquelle n’était en tout état de cause pas chargée d’une mission de service public. Par suite, c’est à tort que le premier juge a estimé que cette requête, qui ne relève de la compétence du juge administratif qu’en raison de ce qu’elle porte sur la réparation de dommages causés par l’exécution de travaux publics, était irrecevable en l’absence d’une décision prise sur une demande formée devant l’administration.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme P== est fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée.
6. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de renvoyer Mme P==devant le tribunal administratif de Toulouse pour qu’il y soit à nouveau statué sur sa demande.
7. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la STPR la somme que demande Mme P== sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : L’ordonnance n° 1901082 du 20 mai 2019 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse est annulée.
Article 2 : L’affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Toulouse pour qu’il soit statué sur la demande de Mme P==.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme P== au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.