Exonération des bénéfices prévue par l’article 44 quindecies du CGI – acquisition d’un tiers des parts d’une société civile professionnelle : absence de reprise d’entreprise au sens de cet article 44 quindecies
Par Benoît le lundi 24 décembre 2018, 13:11 - CONTRIBUTIONS ET TAXES - Lien permanent
Une personne physique a acquis un tiers des parts d’une société civile professionnelle regroupant trois associés afin d’exercer en commun la profession d’huissier. Cette opération a abouti au remplacement d’un associé par la personne ayant acquis ces parts. Cette dernière a revendiqué le bénéfice de l’exonération d’impôt sur le revenu prévue par l’article 44 quindecies en cas de reprise d’entreprise dans une zone de revitalisation rurale.
Cependant et eu égard aux dispositions de la loi du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles et notamment à celles de ses articles 1, 4 et 14 (en vertu desquelles, notamment, ces sociétés jouissent de la personnalité morale et les rémunérations de leurs associés, qui ne peuvent exercer à titre individuel leur profession, constituent des recettes de ces dernières), seule la société civile professionnelle, et non chacun de ses associés pris individuellement, peut être regardée comme constituant une entreprise au sens des dispositions de l’article 44 quindecies du code général des impôts. Par conséquent, la personne qui se borne à acquérir un tiers des parts d’une société civile professionnelle ne peut être regardée comme ayant repris une entreprise au sens de ces dispositions.
Question inédite au niveau du Conseil d’État et des cours.
Arrêt 16BX01784 - 2ème chambre - 18 décembre 2018 – M. F==
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. S== F== a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de lui accorder la décharge de la cotisation d’impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 2013.
Par un jugement n° 1405142 du 5 avril 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er juin 2016 et le 21 mars 2018 M. F==, représenté par Me Cabare et Me Lavergne, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 avril 2016 ;
2°) de lui accorder la décharge de la cotisation d’impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l’État le paiement d’une somme de 3 000 euros.
Considérant ce qui suit :
1. M. F==, qui exerce depuis 2012 une activité d’huissier de justice au sein de la SCP Montaudric-Franconie à Cahors (Lot), a demandé à l’administration fiscale, par réclamation du 4 août 2014, le bénéfice de l’exonération d’impôt sur les bénéfices prévue par l’article 44 quindecies du code général des impôts pour les entreprises créées ou reprises dans les zones de revitalisation rurale. À la suite du rejet de sa réclamation, il a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge de la cotisation d’impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 2013. Il demande l’annulation du jugement du 5 avril 2016 par lequel ledit tribunal a rejeté sa demande.
2. En premier lieu et d’une part, aux termes du I de l’article 44 quindecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l’espèce : « Dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A, les entreprises qui sont créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2013, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale, artisanale au sens de l'article 34 ou professionnelle au sens du 1 de l'article 92, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui de leur création ou de leur reprise et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A ».
3. D’autre part, qu’aux termes de l’article 1 de la loi du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles : « Il peut être constitué, entre personnes physiques exerçant une même profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, et notamment entre officiers publics et ministériels, des sociétés civiles professionnelles qui jouissent de la personnalité morale et sont soumises aux dispositions de la présente loi. Ces sociétés civiles professionnelles ont pour objet l'exercice en commun de la profession de leurs membres, nonobstant toute disposition législative ou réglementaire réservant aux personnes physiques l'exercice de cette profession (…) ». Aux termes de l’article 4 de la même loi : « Sauf disposition contraire du décret particulier à chaque profession, tout associé ne peut être membre que d'une seule société civile professionnelle et ne peut exercer la même profession à titre individuel ». Et aux termes de l’article 14 de cette loi : « Les rémunérations de toute nature, versées en contrepartie de l'activité professionnelle des associés, constituent des recettes de la société et sont perçues par celle-ci (…) ». 4. Par un acte du 11 juillet 2012, M. F== a acquis, auprès de M. D==, 264 des 800 parts sociales constituant le capital de la société civile professionnelle Montaubric-Dommerc, société de personnes créée le 27 juin 1981 dont les associés sont personnellement soumis à l’impôt sur le revenu et qui a pour objet l’exercice en commun de la profession d’huissier dans l’office de Cahors. L’appelant soutient que l’acquisition de 33 % du capital social de la société civile professionnelle Montaubric-Dommerc constitue une reprise d’entreprise au sens de l’article 44 quindecies du code général des impôts. 5. Cependant, si les bénéfices réalisés par une société civile professionnelle sont, en vertu de l’article 35 de la loi du 29 novembre 1966, soumis à l’impôt sur le revenu entre les mains de ses associés, en principe au prorata de leurs apports en capital, il résulte des dispositions précitées de cette loi que seule la société civile professionnelle, et non chacun de ses associés pris individuellement, peut être regardée comme constituant une entreprise au sens des dispositions de l’article 44 quindecies du code général des impôts. Il suit de là que M. F== en se bornant à acquérir un tiers des parts de la société civile professionnelle citée au point 4, ne pouvait, en tout état de cause, être regardé comme ayant repris une entreprise au sens de ces dispositions. Par suite c’est à bon droit que les premiers juges ont refusé de lui accorder le bénéfice de l’exonération prévue par celles-ci.
6. Il résulte de ce qui précède que M. F== n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge de la cotisation d’impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 2013.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F== est rejetée.