Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure : La société des autoroutes du Sud de la France (ASF) a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la condamnation in solidum du groupement composé des sociétés Eurovia et Eurovia Alpes, ainsi que de la société Egis International, à lui verser la somme de 572 130,74 euros hors taxes, augmentée des intérêts au taux légal capitalisés, en réparation des désordres affectant des écrans acoustiques construits dans le cadre de l’aménagement d’une section de l’autoroute A 10.

Par un jugement n° 1303689 du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné in solidum le groupement d’entreprises composé des sociétés Eurovia et Eurovia Alpes, ainsi que la société Egis International, à verser la somme de 645 157,99 euros TTC à la société ASF, avec les intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2013, capitalisés à compter du 10 octobre 2014 et à chaque échéance annuelle, a mis l’ensemble des frais de procès à la charge des sociétés Eurovia et Eurovia Alpes et de la société Egis international, a condamné les sociétés Eurovia et Eurovia Alpes à garantir la société Egis International à hauteur de 90 % des condamnations prononcées à son encontre et a condamné la société Egis International à garantir les sociétés Eurovia et Eurovia Alpes à hauteur de 10 % de ces mêmes condamnations.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 septembre 2016 et le 27 septembre 2017, les sociétés Eurovia venant aux droits de l’entreprise Jean Lefebvre Sud-ouest et Eurovia Alpes, venant aux droits de l’entreprise Jean Lefebvre Sud-est et de la société Locatelli, représentées par Me Rodier, demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 12 juillet 2016 en tant que le tribunal administratif les a condamnées à verser à la société ASF la somme de 645 157,99 euros, avec les intérêts capitalisés, en réparation des désordres affectant les écrans acoustiques construits dans le cadre de l’aménagement d’une section de l’autoroute A 10 ;

2°) de ramener à la somme de 525 651,55 euros hors taxes le montant de l’indemnité due à la société ASF ;

3°) de ramener la condamnation prononcée au titre des dépens à une indemnité n’excédant pas les frais d’expertise dont la société ASF a fait l’avance ;

4°) de condamner la société Egis International à les garantir à hauteur de 30 % des condamnations prononcées à leur encontre ;

5°) de mettre à la charge de la société Egis International les dépens et la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre des travaux d’aménagement d’une chaussée comportant deux fois trois voies sur la section de l’autoroute A10 de Saint-André de Cubzac à Lormont, la société ASF a, par un acte d’engagement du 3 février 2001, confié la réalisation des travaux d’installation d’écrans acoustiques au groupement solidaire composé de la société Jean Lefebvre Sud-ouest, aux droits de laquelle vient la société Eurovia, mandataire du groupement, de la société Jean Lefebvre Sud-est, aux droits de laquelle vient la société Eurovia Alpes, et de la société Locatelli aux droits de laquelle vient également la société Eurovia Alpes. La maîtrise d’œuvre de l’opération a été confiée, le 7 octobre 1997, à la société Scetauroute, aux droits de laquelle vient la société Egis international. Les travaux ont été réceptionnés avec des réserves le 20 décembre 2001 et les réserves ont été levées le 16 mai 2002. En raison de désordres affectant les écrans acoustiques, la société ASF a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner in solidum le groupement solidaire composé des sociétés Eurovia et Eurovia Alpes et la société Egis international à lui verser la somme de 572 130,74 euros hors taxes avec intérêts au taux légal, capitalisés. Par un jugement n° 1303689 du 12 juillet 2016, le tribunal administratif a condamné in solidum, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, le groupement d’entreprises composé des sociétés Eurovia et Eurovia Alpes et la société Egis international à verser la somme de 645 157,99 euros toutes taxes comprises à la société ASF, avec les intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2013, capitalisés à compter du 10 octobre 2014 et à chaque échéance annuelle, a mis les frais d’expertise à la charge solidaire des mêmes, a condamné les sociétés Eurovia et Eurovia Alpes à garantir la société Egis International à hauteur de 90 % des condamnations prononcées à son encontre et la société Egis International à garantir les sociétés Eurovia et Eurovia Alpes à hauteur de 10 % des condamnations prononcées à leur encontre, et, enfin a mis à la charge du groupement d’entreprises composé des sociétés Eurovia et Eurovia Alpes et de la société Egis International le versement, chacun de la somme de 1 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Par leur requête, les sociétés Eurovia et Eurovia Alpes relèvent appel de ce jugement. Elles demandent à la cour de ramener à la somme de 525 651,55 euros hors taxes le montant de l’indemnité due à la société ASF, de ramener la condamnation prononcée au titre du remboursement des dépens à une indemnité n’excédant pas les frais d’expertise dont la société ASF a fait l’avance, de condamner la société Egis International à les garantir à hauteur de 30 % des condamnations prononcées et de mettre à la charge de cette société la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. La société Egis International demande à la cour de réformer ce même jugement en ramenant à la somme de 525 651,55 euros hors taxes le montant de l’indemnité due à la société ASF, de rejeter l’appel en garantie dirigé contre elle par les sociétés Eurovia et Eurovia Alpes, de condamner ces mêmes sociétés à la garantir de la totalité des condamnations prononcées à son encontre ou, subsidiairement, à hauteur de 95 % de ces condamnations, et de mettre à la charge des parties perdantes la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la somme due à la société ASF au titre des frais de mise en sécurité et de réparation des désordres :

2. Il résulte de l’instruction, et il n’est d’ailleurs pas contesté par les parties, que le coût des travaux destinés à remédier aux désordres pour lesquels la société ASF a demandé réparation s’élève, en valeur hors taxes, à la somme de 500 000 euros et que le coût des travaux de mise en sécurité réalisés par la société ASF s’élève, en valeur hors taxes, à la somme de 25 651,65 euros. La société ASF elle-même, dans ses écritures en défense, indique qu’elle n’a pas demandé au tribunal administratif de majorer de la taxe sur la valeur ajoutée les sommes correspondant aux travaux de mise en sécurité et de réparation des désordres. Les sociétés Eurovia et Eurovia Alpes sont, par suite, fondées à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu’il les a condamnées à verser à la société ASF une somme excédant 525 651,65 euros, entendue hors taxes, au titre desdits travaux, cette somme portant intérêts avec capitalisation dans les conditions déjà définies par le tribunal administratif.

3. La société Egis International, codébiteur solidaire qui voit sa situation aggravée par la réduction de la condamnation prononcée à l’encontre des autres codébiteurs solidaires, est recevable et fondée, par la voie de l’appel provoqué, à demander que la condamnation prononcée à son encontre au titre desdits travaux soit ramenée à la somme de 525 651,65 euros, cette somme portant intérêts avec capitalisation dans les conditions déjà définies par le tribunal administratif.

Sur les frais exposés par la société ASF à l’occasion des opérations de l’expertise ordonnée en référé :

En ce qui concerne les frais de déplacement du personnel :

4. Les frais de déplacement que la société ASF a engagés pour un montant total de 1 423,53 euros afin de permettre à ses salariés chargés de la représenter d’être présents aux réunions auxquelles elle a été convoquée par l’expert désigné en référé ne sont pas, comme l’a jugé le tribunal administratif, au nombre des chefs de préjudice consécutifs aux désordres litigieux, mais doivent être regardés comme faisant partie des dépens. Les deux sociétés requérantes, ainsi que la société Egis International par la voie de l’appel provoqué, sont, dès lors, fondées à demander que la somme allouée à ce titre par le tribunal administratif soit retranchée des chefs de préjudice indemnisables.

En ce qui concerne les frais d’avocat liés aux opérations d’expertise :

5. La société ASF a demandé au tribunal administratif de lui accorder, au titre de son préjudice, une somme de 15 055, 21 euros correspondant aux frais qu’elle a exposés pour être assistée, au cours des opérations de l’expertise ordonnée en référé, par un cabinet d’avocat, chargé d’assister aux réunions d’expertise et de rédiger des dires dans l’intérêt de la société à l’intention de l’expert. Le tribunal administratif a inclus ces frais dans l’indemnité allouée à la société en réparation de son préjudice. Toutefois, la société ASF ayant présenté devant le tribunal administratif des conclusions sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, dont elle pouvait légalement bénéficier, les frais dont il s’agit devaient être inclus dans la somme allouée au titre de ces dispositions. Les deux sociétés requérantes, ainsi que la société Egis International par la voie de l’appel provoqué, sont, dès lors, fondées à demander que la somme de 15 055,21 euros allouée par le tribunal administratif soit retranchée des chefs de préjudice indemnisables.

Sur les appels en garantie croisés présentés, d’une part, par les sociétés Eurovia et Eurovia Alpes, d’autre part, par la société Egis international :

6. Après avoir cité l’article 24 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux approuvé par décret du 21 janvier 1976, l’article 3-1 du cahier des clauses administratives particulières du marché de maîtrise d’œuvre et les articles pertinents du cahier des clauses techniques particulières du marché de travaux des écrans acoustiques et du cahier des clauses techniques particulières du marché de contrôle extérieur, le tribunal administratif a relevé qu’ « il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise, que les désordres sont imputables, dans une large mesure, au groupement d’entreprises, qui doit répondre des manquements de son sous-traitant, qui n’a pas réalisé la phase liante des panneaux dans les règles de l’art et a également manqué à son devoir de contrôle « intérieur » de leur qualité en ne mettant pas en œuvre, de manière effective, la démarche qualité contractuellement prévue au CCTP du marché d’écrans acoustiques », « que le groupement d’entreprises, qui doit assumer les fautes commises par son sous-traitant, ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance qu’il a, pour sa part, remis au maître d’œuvre le plan d’assurance qualité du fabricant », « que les désordres sont également imputables, dans une moindre mesure, au maître d’œuvre, qui a rédigé le CCTP du marché de « contrôle extérieur Laboratoire » sans prévoir un contrôle spécifique de la fabrication des parements en bois posés sur le support en béton et à qui il appartenait, en vertu des dispositions et stipulations précitées, d’une part, de s’assurer de l’application effective de la démarche qualité, et, d’autre part, d’effectuer le contrôle extérieur qui lui incombait dans la mesure où la société Sores était placée sous sa propre responsabilité », « qu’il a également signé le 31 juillet 2001 le procès-verbal de réception du marché de contrôle extérieur en indiquant que les prestations avaient été réalisées « conformément aux spécifications du contrat », « qu’en se bornant à faire valoir qu’il lui appartenait seulement de vérifier la bonne mise en œuvre du contrôle intérieur et qu’il n’est pas démontré qu’un meilleur contrôle extérieur aurait permis de déceler un défaut de fabrication, la société Egis International n’établit pas qu’elle a bien mis en œuvre un contrôle qualité » et qu’enfin, « l’expert a souligné qu’il n’avait trouvé « aucune trace du contrôle extérieur (…) qui aurait dû être mis en place ». Le tribunal administratif en a déduit que « dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues en fixant à 90 % la part incombant au groupement d’entreprises et à 10 % la part incombant à la société Egis International ». Il y a lieu, par adoption de ces motifs, qui ne sont pas valablement contestés en appel, de confirmer la répartition des responsabilités telle qu’elle a été ainsi faite par le tribunal.

Sur les dépens :

7. Aux termes de l’article R. 761-1 du code de justice administrative : « Les dépens comprennent les frais d’expertise, d’enquête et de toute autre mesure d’instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l’Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l’affaire justifient qu’ils soient mis à la charge d’une autre partie ou partagés entre les parties (…) ».

8. Les frais de l’expertise ordonnée en référé, liquidés et taxés pour un montant de 12 762,60 euros TTC par une ordonnance du président du tribunal administratif de Bordeaux du 16 mai 2013 doivent être mis à la charge du groupement constitué des sociétés Eurovia et Eurovia Alpes à hauteur de 90 % et de la société Egis International à hauteur de 10 %.

9. Dès lors que la société ASF justifie, par la production de factures, avoir exposé des frais de déplacement pour permettre à ses représentants d’assister aux réunions d’expertise auxquelles elle a été convoquée, et que leur montant n’apparaît pas excessif, elle est en droit d’obtenir que ces frais soient mis à la charge des sociétés Eurovia, Eurovia Alpes et Egis International, selon le partage indiqué au point 8, pour le montant de 1 423,53 euros revendiqué.

10. La décision par laquelle le juge met, en vertu des dispositions de l’article R. 761-1 du code de justice administrative, les dépens à la charge d’une partie a le caractère d’une condamnation à une indemnité au sens de l’article 1231-7 du code civil. La somme allouée à ce titre ne peut être productive d’intérêts qu’à compter de l’intervention de la décision juridictionnelle qui se prononce sur la charge définitive des dépens et ne peut ouvrir droit au paiement d’intérêts moratoires à une date antérieure à cette décision. Le bénéficiaire d’une somme accordée au titre des dépens ne saurait donc obtenir que cette somme soit majorée des intérêts aux taux légal à compter de la date à laquelle il a présenté ses demandes indemnitaires au juge. Si le tribunal administratif de Bordeaux a majoré la somme de 12 762,60 euros qu’il a accordé au titre des dépens des intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2013, date d’enregistrement de la demande devant le tribunal, ni les sociétés Eurovia et Eurovia Alpes ni la société Egis International n’ont présenté de conclusions tendant à la réformation du jugement en ce qu’il a procédé à cette majoration et il n’appartient pas à la cour de procéder d’office à une telle réformation. En revanche, les principes qui viennent d’être rappelés s’opposent à ce que la somme supplémentaire de 1 423,53 euros allouée à la société ASF par le présent arrêt au titre des dépens fasse l’objet d’une majoration des intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle la société ASF a présenté ses demandes indemnitaires au tribunal administratif de Bordeaux.

11. Il résulte de tout ce qui précède que l’indemnité que les sociétés Eurovia, Eurovia Alpes et Egis International ont été solidairement condamnées à payer à la société ASF par l’article 3 du jugement attaqué doit être ramenée de 645 157, 99 euros à 525 651,65 euros et que, à la somme de 12 797, 60 euros avec intérêts capitalisés mentionnée à l’article 4 du même jugement au titre des dépens, doit s’ajouter une somme de 1 423, 53 euros qui ne sera productive d’intérêts qu’à compter du prononcé du présent arrêt, la totalité des dépens devant être partagés ainsi qu’il a été dit au point 8, le jugement étant seulement réformé en ce qu’il a de contraire.




Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ».

13. La société ASF ne demande pas à la cour, même à titre subsidiaire, de rehausser le montant de la somme qui lui a été allouée par le tribunal administratif en application des dispositions précitées. Au titre de l’instance d’appel, elle réclame une somme de 3 000 euros sur le fondement de ces dispositions, de sorte que la cour ne peut lui accorder une somme plus importante sur ce fondement. Les dépens sont mis entièrement à la charge des sociétés Eurovia, Eurovia Alpes et Egis International. Dès lors, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de ces sociétés le versement à la société ASF de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, selon le partage indiqué au point 8.

14. Les conclusions présentées, au titre des dispositions précitées, par les sociétés Eurovia et Eurovia Alpes à l’encontre de la société Egis International ne peuvent qu’être rejetées dès lors que, dans les relations entre ces sociétés, la société Egis International ne peut être regardée comme la partie perdante au titre de ces dispositions. Les conclusions des sociétés Eurovia, Eurovia Alpes et Egis International en tant qu’elles sont présentées à l’encontre de la société ASF ne peuvent qu’être rejetées dès lors que, ainsi qu’il a été dit, ces sociétés doivent intégralement supporter la charge des dépens.

DECIDE :

Article 1er : L’indemnité que les sociétés Eurovia, Eurovia Alpes et Egis International ont été condamnées solidairement à verser à la société ASF par l’article 3 du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 juillet 2016 est ramenée à 525 651,65 euros.

Article 2 : A la somme de 12 797, 60 euros avec intérêts capitalisés mentionnée à l’article 4 du même jugement au titre des dépens, s’ajoute une somme de 1 423,53 euros qui ne sera productive d’intérêts qu’à compter du prononcé du présent arrêt. Les dépens sont mis à la charge du groupement constitué des sociétés Eurovia et Eurovia Alpes à hauteur de 90 %, et de la société Egis International à hauteur de 10 %.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1303689 du 12 juillet 2016 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : En application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, les sociétés Eurovia et Eurovia Alpes verseront la somme de 2 700 euros à la société ASF et la société Egis International la somme de 300 euros.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.