Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par des requêtes n° 1605371 et n° 1605373 enregistrées le 21 décembre 2016, la communauté de communes Latitude Nord Gironde et la commune de Saint-Vivien-de-Blaye ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler l’arrêté du 24 novembre 2016 du préfet de la Gironde portant extension du périmètre de la communauté de communes de Blaye.

Par un jugement n° 1605371, 1605373 du 24 août 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l’arrêté du 24 novembre 2016 du préfet de la Gironde en tant qu’il a étendu le périmètre de la communauté de communes du canton de Blaye (CCCB) aux communes de Générac, Saint Christoly de Blaye, Saint-Vivien de Blaye, Saugon et Saint-Giron d’Aiguevives à compter du 1er janvier 2017.

Procédure devant la cour :

I. Par un recours, un mémoire rectificatif et un mémoire complémentaire, enregistrés le 17 octobre 2018, le 23 novembre 2018 et le 11 décembre 2018 sous le numéro 18BX03674, le ministre de l’intérieur demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 août 2018 ;

2°) de rejeter la demande de la communauté de communes Latitude Nord Gironde et de la commune de Saint-Vivien-de Blaye.

II. Par un recours et des mémoires enregistrés le 17 octobre 2018, le 23 novembre 2018 et le 11 décembre 2018, sous le numéro 18BX03675, le ministre de l’intérieur demande à la cour, sur le fondement des articles R. 811-15 à R. 811-18 du code de justice administrative, de surseoir à l’exécution du jugement du 24 août 2018 du tribunal administratif de Bordeaux.

III. Par une requête enregistrée le 31 octobre 2018 sous le numéro 18BX03791, la communauté de communes du canton de Blaye représentée par Me S=== demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement susmentionné du tribunal administratif de Bordeaux du 24 août 2018 ; 2°) de rejeter la demande de la communauté de communes Latitude Nord Gironde et de la commune de Saint-Vivien de Blaye. 3°) à titre subsidiaire, de différer la prise d’effet de l’arrêt au 1er janvier de l’année suivant la lecture de la décision ; 4°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge respective de la communauté de communes Latitude Nord Gironde et de la commune de Saint-Vivien de Blaye.

IV. Par une requête enregistrée le 31 octobre 2018 sous le numéro 18BX03792, la communauté de communes du canton de Blaye demande à la cour, sur le fondement de l’article R. 811-15 du code de justice administrative, de surseoir à l’exécution du jugement du 24 novembre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux.

Vu : - les autres pièces des dossiers ;

Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ; - le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. P=== P===, - les conclusions de Mme S=== L===, rapporteur public, - et les observations de Mme V=== représentant le ministre de l’Intérieur, de Me Schmidt représentant la communauté de communes du canton de Blaye, de Me Barthélémy représentant la communauté de communes Latitude Nord Gironde et la commune de Saint Vivien de Blaye.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 24 novembre 2016, le préfet de la Gironde a décidé d’étendre le périmètre de la communauté de communes du canton de Blaye (ci après la CCCB) . A la demande de la communauté de communes Latitude Nord Gironde (ci-après la CCLNG) et de la commune de Saint-Vivien de Blaye, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté en tant qu’il étendait le périmètre de la CCCB aux communes de Générac, Saint-Christoly de Blaye, Saint-Vivien de Blaye, Saugon et Saint-Girons d’Aiguevives. Par un recours enregistré sous le n° 18BX03674 et par une requête n° 18BX03791, le ministre de l’intérieur et la CCCB ont fait appel de ce jugement. Par un recours n ° 18BX03675 et une requête n° 18BX03792, ils demandent qu’il soit sursis à l’exécution du jugement. Ces requêtes concernent le même jugement et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur le recours n° 18BX03674 et sur la requête 18BX03791 :

En ce qui concerne la recevabilité du recours du ministre n° 18BX03674 :

2. Le recours du ministre a été régularisé par la communication complète des pièces mentionnées dans l’inventaire joint à ce dernier. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 412-2 du code de justice administrative ne peut qu’être écarté.

Au fond :

3. Aux termes de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales : « I. – Dans chaque département, il est établi, au vu d'une évaluation de la cohérence des périmètres et d'un état des lieux de la répartition des compétences des groupements existants et de leur exercice, un schéma départemental de coopération intercommunale prévoyant une couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et la suppression des enclaves et discontinuités territoriales.II. – Ce schéma prévoit également les modalités de rationalisation des périmètres des établissements publics de coopération intercommunale et des syndicats mixtes existants./Il peut proposer la création, la transformation ou la fusion d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, ainsi que la modification de leurs périmètres. Il ne peut cependant pas prévoir de créer plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui seraient entièrement inclus dans le périmètre d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre existant./Il peut également proposer la suppression, la transformation, ainsi que la fusion de syndicats de communes ou de syndicats mixtes./Ces propositions sont reportées sur une carte annexée au schéma comprenant notamment les périmètres des établissements public de coopération intercommunale, des syndicats mixtes, des schémas de cohérence territoriale et des parcs naturels régionaux.III. – Le schéma prend en compte les orientations suivantes :1° La constitution d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant au moins 15 000 habitants (...); 2° La cohérence spatiale des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au regard notamment du périmètre des unités urbaines au sens de l'Institut national de la statistique et des études économiques, des bassins de vie et des schémas de cohérence territoriale ;3° L'accroissement de la solidarité financière et de la solidarité territoriale ;4° La réduction du nombre de syndicats de communes et de syndicats mixtes, en particulier par la suppression des doubles emplois entre des établissements publics de coopération intercommunale ou entre ceux-ci et des syndicats mixtes ;5° Le transfert des compétences exercées par les syndicats de communes ou les syndicats mixtes à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou à un autre syndicat exerçant les mêmes compétences conformément aux objectifs de rationalisation des périmètres des groupements existants et de renforcement de la solidarité territoriale ;6° La rationalisation des structures compétentes en matière d'aménagement de l'espace, de protection de l'environnement et de respect des principes du développement durable ;7° L'approfondissement de la coopération au sein des périmètres des pôles métropolitains et des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux constitués en application des articles L. 5741-1 et L. 5741-4 ;8° Les délibérations portant création de communes nouvelles. »

4. L’article 35 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 prévoit : « II.-Dès la publication du schéma départemental de coopération intercommunale prévu au II de l'article 33 de la présente loi et jusqu'au 15 juin 2016, le représentant de l'Etat dans le département définit par arrêté, pour la mise en œuvre du schéma, la modification du périmètre de tout établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. / Le représentant de l'Etat dans le département peut également proposer une modification de périmètre ne figurant pas dans le schéma, dans les mêmes conditions et sous réserve du respect des objectifs mentionnés aux I et II de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales et de la prise en compte des orientations définies au III du même article L. 5210-1-1, après avis de la commission départementale de la coopération intercommunale. La commission départementale dispose d'un délai d'un mois à compter de sa saisine pour se prononcer. A défaut de délibération dans ce délai, l'avis est réputé favorable. Le projet de périmètre intègre les propositions de modification du périmètre adoptées par la commission départementale dans les conditions de majorité prévues au quatrième alinéa du IV dudit article L. 5210-1-1. /L'arrêté portant projet de modification de périmètre dresse la liste des communes intéressées./ Cet arrêté est notifié par le représentant de l'Etat dans le département au président de chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre intéressé afin de recueillir l'avis de son organe délibérant et, concomitamment, au maire de chaque commune incluse dans le projet de périmètre afin de recueillir l'accord de chaque conseil municipal. A compter de la notification, les organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et les conseils municipaux disposent d'un délai de soixante-quinze jours pour se prononcer. A défaut de délibération dans ce délai, l'avis est réputé favorable./ La modification de périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est prononcée par arrêté du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements concernés après accord des conseils municipaux des communes incluses dans le projet de périmètre. Cet accord doit être exprimé par la moitié au moins des conseils municipaux des communes intéressées, représentant la moitié au moins de la population totale de celles-ci, y compris le conseil municipal de la commune dont la population est la plus nombreuse si cette dernière représente au moins le tiers de la population totale. /A défaut d'accord des communes et sous réserve de l'achèvement des procédures de consultation, le ou les représentants de l'Etat dans le ou les départements concernés peuvent modifier le périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, par décision motivée, après avis favorable de la commission départementale de la coopération intercommunale lorsqu'il s'agit d'un projet ne figurant pas au schéma, ou avis simple lorsqu'il s'agit d'un projet figurant au schéma. Avant de rendre son avis, la commission départementale entend, de sa propre initiative ou à leur demande, les maires des communes intéressées et les présidents des établissements publics de coopération intercommunale à même d'éclairer ses délibérations. La commission départementale dispose d'un délai d'un mois à compter de sa saisine pour se prononcer. A défaut de délibération dans ce délai, l'avis est réputé favorable. L'arrêté de modification intègre les propositions de modification du périmètre adoptées par la commission départementale dans les conditions de majorité prévues au quatrième alinéa du IV de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales./La modification de périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est prononcée par arrêté du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements intéressés, avant le 31 décembre 2016./L'arrêté de modification du périmètre emporte retrait des communes intéressées des autres établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres./Le II de l'article L. 5211-18 du même code est applicable. »

5. Il ressort du schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI) arrêté le 29 mars 2016 qu’en Haute-Gironde, l’arrondissement de Blaye comportait alors cinq communautés de communes, dont trois d’une population inférieure au seuil de 15 000 habitants défini par la loi NOTRe du 7 août 2015 : communauté de communes de Latitude Nord Gironde (CCLNG, d’une population municipale de 23 210 habitants), du Cubzaguais (23 399 habitants ), du canton de Blaye (14 867 habitants), du canton de Bourg (13 511 habitants) et de l’Estuaire-canton de Saint-Ciers sur Gironde (12 471 habitants).

6. A la suite des amendements adoptés par la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) le 12 février 2016, le SDCI a notamment préconisé une nouvelle délimitation du périmètre de la communauté de communes du canton de Blaye permettant de porter la population de cet établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI) à 20 369 habitants pour 21 communes et résultant de trois opérations : en premier lieu, au nord, le détachement de 5 communes à inclure dans le périmètre de la communauté de communes de l’Estuaire-canton de Saint-Ciers, en vue de porter la population de l’EPCI à 15 457 habitants ; en deuxième lieu, au sud, le rattachement de 7 communes de la communauté de communes de Bourg appelée à être dissoute ; enfin, à l’est, l’extension du périmètre de la CCCB par rattachement de cinq communes de la CCLNG : Générac, Saint-Christoly de Blaye, Saint-Girons d’Aiguevives, Saint-Vivien de Blaye et Saugon.

7. Le projet d’extension du périmètre de la CCCB présenté par le préfet sur la base du SDCI a recueilli l’avis défavorable d’une majorité des communes concernées mais il n’a pas pu être amendé à la majorité qualifiée par la CDCI. Par suite, ainsi que le prévoyait l’alinéa 6 du II de l’article 35 de la loi NOTRe, précité, le nouveau périmètre de la communauté de communes de Blaye a été institué par arrêté préfectoral du 24 novembre 2016. L’arrêté a été contesté devant le tribunal administratif de Bordeaux par la CCLNG et par l’une des cinq communes concernées par la modification du périmètre de la CCLNG, la commune de Saint-Vivien de Blaye.

8. Pour annuler partiellement l’arrêté du préfet de la Gironde du 24 novembre 2016, en tant que cinq communes de la communauté de communes Latitude Nord Gironde se trouvaient incluses dans le périmètre de la communauté de communes de Blaye, le tribunal administratif a retenu trois moyens. En premier lieu, il a jugé que, dès lors que la population de la communauté de communes de Blaye avait dépassé le seuil de 15 000 habitants par l’extension de son périmètre à une partie des communes de la communauté de communes de Bourg, dissoute, l’inclusion des cinq communes de la CCLNG n’était plus nécessaire pour atteindre l’objectif fixé par le 1° du III de l’article L. 5210-1-1 précité et que le préfet ne pouvait donc plus l’imposer. En deuxième lieu, il a estimé que ce dernier transfert n’était pas susceptible d’accroître la solidarité financière ou la solidarité territoriale intercommunale. Enfin, il a affirmé qu’il n’était pas non plus établi que l’arrêté prenait en compte l’une des orientations fixées du 4° au 8° du III du même article et considéré que l’arrêté ne poursuivait aucune rationalisation du périmètre des établissements publics de coopération intercommunale concernés.

9. Les arrêtés portant création ou transformation d’établissements publics de coopération intercommunale qui sont destinés à assurer la mise en œuvre du schéma départemental prévu par les dispositions précitées du I de l’article L 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales doivent, comme le schéma lui même, prendre en compte les orientations définies par le III du même article. Par suite, alors même que le schéma départemental, qui ne constitue pas avec ces arrêtés une opération complexe, ne pourrait plus être contesté par la voie de l’exception, la méconnaissance de ces orientations peut être invoquée à l’appui d’une demande d’annulation pour excès de pouvoir des arrêtés.

En ce qui concerne le seuil de population :

10. Il résulte des dispositions précitées de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales que le législateur a entendu imposer un seuil minimal de 15 000 habitants, abaissé à 5 000 habitants dans certaines circonstances, pour tout établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et que ce seuil doit être interprété strictement.

11. En revanche, l’orientation fixée au 1° du III de l’article L. 5210-1-1, qui doit être interprétée en fonction de l’économie de cet article, n’a nullement pour finalité de limiter les possibilités d’extension du périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre à la première opération permettant de doter un EPCI d’au moins 15 000 habitants, ou 5 000 habitants dans certaines circonstances, alors que la modification des périmètres des EPCI doit être déterminée en vue de rechercher une cohérence dans la couverture intégrale du territoire par de tels EPCI prenant en compte les différentes orientations fixées par le III de l’article L. 5210-1-1.

12. C’est donc à tort que les premiers juges ont estimé que l’extension du périmètre de la CCCB, déjà réalisée avec le rattachement d’une partie des communes de la communauté de communes de Bourg permettant de doter la CCCB d’au moins 15 000 habitants, suffisait à priver de justification l’extension supplémentaire du périmètre de la CCCB à cinq communes de la communauté de communes Latitude Nord Gironde et méconnaissait ainsi l’orientation fixée par le 1° du III de l’article L. 5210-1-1, sans rechercher si la détermination du nouveau périmètre de la CCCB, portant la population de cet EPCI à 20 369 habitants, répondait à l’objectif de cohérence spatiale devant être appréciée compte tenu également de la restructuration du périmètre de trois autres EPCI de l’arrondissement de Blaye après disparition de la communautés de communes de Bourg.

13. Enfin, la circonstance que le préfet, dans la lettre de transmission de l’arrêté attaqué, motive le recours à la procédure dite de « passer outre » prévue au 6ème alinéa du II de l’article 35 de la loi du 7 août 2015 sans évoquer les autres orientations fixées par le III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales ne signifie pas que celles-ci n’auraient pas été prises en compte.

En ce qui concerne la cohérence spatiale des établissements publics de coopération intercommunale :

14. Le 2° du III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales précise que la cohérence spatiale des EPCI doit être appréciée au regard notamment du périmètre des « unités urbaines » au sens de l’Institut national de la statistique et des études économiques, des « bassins de vie » et des schémas de cohérence territoriale.

15. En premier lieu, au sens de l’INSEE, une « unité urbaine » est une zone de bâti continu qui compte au moins 2 000 habitants. Le « bassin de vie » se définit comme le plus petit territoire sur lequel les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants. Il en résulte que la cohérence spatiale des EPCI, en vue de renforcer la démocratie de proximité, doit être appréciée notamment en fonction des lieux d’habitat et de vie de la population.

16. En revanche, la notion « d’aire urbaine » est définie comme un ensemble de communes d’un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de plus de 10 000 emplois, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40% de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci. L’ aire urbaine permet d’appréhender la polarisation du territoire en fonction des activités économiques de la population, plutôt que sa répartition et l’organisation spatiale de la vie des personnes prenant en compte d’autres éléments que l’emploi et qui sont particulièrement pertinents pour l’application des dispositions de la loi NOTRe, tels que notamment les services de proximité.

17. Il ressort des pièces du dossier que l’élargissement du périmètre de la CCCB a pour objectif de renforcer cet EPCI et la centralité de Blaye dans un souci de rééquilibrage des zones de développement de la Haute-Gironde. La redéfinition des périmètres des EPCI en litige contribue par conséquent à contrebalancer l’excessive polarisation du territoire girondin autour de l’aire urbaine de Bordeaux. Si donc le législateur n’a pas exclu qu’il puisse être recouru à d’autres critères que ceux non limitativement énumérés au 2° du III de l’article L. 5210-1-1, celui de l’aire urbaine n’est pas pertinent en l’espèce. Par conséquent, la circonstance que les communes détachées du périmètre de la CCLNG appartiendraient à l’aire urbaine de Bordeaux ne fait pas obstacle à leur rattachement à la CCCB, quand bien même aucune des autres communes membres de cet EPCI n’appartiendrait à l’aire urbaine bordelaise.

18. En deuxième lieu, le 2° du III de l’article 5210-1-1 précité n’impose pas de déterminer le périmètre d’un EPCI en fonction seulement du périmètre du bassin de vie des habitants des communes qui lui sont rattachées, alors au demeurant qu’une même commune peut relever de deux ou plusieurs bassins de vie différents et que les périmètres des bassins de vie peuvent ainsi se recouper. Par suite, la circonstance que les habitants des communes de Générac, Saugon, Saint-Christoly de Blaye ou de Saint-Girons d’Aiguevives auraient accès plus rapidement aux équipements et services de la commune de Saint-Savin, commune de 3088 habitants, ou de la commune de Cézac, commune de 2 500 habitants, plutôt qu’à ceux de la commune de Blaye, comptant 4 750 habitants ou d’autres communes de la CCCB, ne saurait être retenue comme un facteur exclusif ou même déterminant de rattachement de ces communes à la CCLNG ou à la CCCB.

19. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l’opération contestée par la CCLNG et la commune de Saint-Vivien de Blaye a notamment pour finalité, non seulement de doter la CCCB d’une taille critique mais encore d’en renforcer les capacités financières par inclusion dans son périmètre de communes situées dans sa périphérie immédiate au nord et au sud, après le détachement de 4 communes nécessaire pour doter la communauté de communes de l’Estuaire- canton de Saint-Ciers d’une population de plus de 15 000 habitants. De plus, la Haute-Gironde comporte deux bassins de vie principaux : Blaye, d’une part, et Saint-André de Cubzac (10 422 habitants), d’autre part. Or, les cinq communes antérieurement membres de la CCLGN rattachées au périmètre de la CCCB, situées comme Blaye à l’ouest de l’autoroute A10 qui sectionne le tissu urbain du nord de la Gironde, sont plus proches du bassin de vie de Blaye que de celui de Saint-André de Cubzac. Toutes sont distantes de 10 à 20 km de Blaye et facilement reliées à cette ville. Il n’est pas contesté que leurs habitants y disposent de tous les services équivalents à ceux disponibles à Saint-Savin ou Cézac. Même s’il est vrai que la modification des périmètres des EPCI perturbe les liens de solidarité créés entre communes membres au sein de la CCLNG, le rattachement des cinq communes affectées par l’arrêté en litige, en continuité territoriale avec les autres communes de la CCCB, ne peut ainsi être regardé comme étant manifestement dénué de cohérence avec le renforcement du pôle de Blaye et le rééquilibrage de l’organisation territoriale de la Haute-Gironde.

20. Enfin, contrairement à ce que soutient la CCLNG, cet EPCI n’est nullement démantelé à la suite de l’extension du périmètre de la CCCB alors qu’il conserve une population de 18 775 habitants. Dans ces conditions, l’arrêté attaqué ne peut pas être regardé comme entaché d’erreur manifeste d’appréciation au regard du 2° du III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales.

En ce qui concerne la solidarité financière et la solidarité territoriale : 21. L’orientation énoncée au 3° du III de l’article L. 5210-1-1, relative à l’accroissement de la solidarité financière et de la solidarité territoriale, doit être appréciée à la lumière de l’objectif de cohérence spatiale d’ensemble de l’organisation territoriale de la République et du réseau des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre que le législateur a entendu promouvoir. De plus, le seul accroissement des charges des habitants résultant du retrait de certaines communes d’un établissement public de coopération intercommunale ne suffit pas à caractériser une atteinte à la solidarité financière entre collectivités publiques.

22. Or, il résulte de l’arrêté du 26 novembre 2016 en litige que la redéfinition des périmètres des EPCI de l’arrondissement de Blaye a pour objet de substituer à cinq EPCI dont trois ont une population inférieure au seuil minimal de 15 000 habitants, quatre EPCI regroupant chacun une population supérieure à 15 000 habitants : au nord, la communauté de communes de l’Estuaire et du canton de Saint-Ciers-sur-Gironde, par rattachement de 4 communes de la CCCB sans affectation du périmètre de la CCLNG (15 457 habitants pour 15 communes), à l’ouest, la CCCB dont la population est portée à 20 369 habitants pour 21 communes, à l’est la CCLNG qui, ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, conserve 18 775 habitants pour 11 communes et au sud la communauté de communes du Cubzaguais élargie à 8 communes de l’ancienne communauté de communes de Bourg et comptant désormais 32 857 habitants pour 18 communes.

23. Il est vrai que la modification des périmètres des EPCI de Haute-Gironde, si elle entraîne un renforcement du potentiel fiscal de trois des EPCI subsistants, a pour conséquence de restreindre la taille et le potentiel fiscal de la CCLNG, du fait notamment du rattachement des communes de Saugon et de Saint-Christoly-de-Blaye à la CCCB, et de diminuer la dotation d’intercommunalité de la CCLNG. Néanmoins, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cohérence propre de cet EPCI et ses capacités financières seraient compromises à la suite du rattachement de cinq communes membres à la communauté de communes du canton de Blaye alors que la CCLNG regroupe encore 11 communes et une population nettement supérieure au seuil critique des 15 000 habitants et que, si la CCLNG perd 19 % de sa population, ses ressources diminuent seulement dans une proportion comparable et même dans une moindre proportion s’il est tenu compte des autres ressources dont elle bénéficie. De plus, les emprunts contractés par la CCLNG pour le financement des équipements de loisirs à réaliser sur le territoire de la commune de Saint-Christoly ont été transférés à cette commune qui en supportera la charge financière et non cet EPCI et la CCLNG ne justifie pas non plus que le détachement de son périmètre des cinq communes en cause compromettrait le financement d’autres projets communautaires importants ou serait susceptible d’entraîner un grave déséquilibre financier.

24. Enfin, la légalité de l’arrêté du préfet de la Gironde ne saurait être appréciée au regard des seules incidences financières négatives dont la commune de Saint-Vivien de Blaye se prévaut, mais en fonction des effets de la décision sur l’ensemble des conditions de la solidarité financière et territoriale des collectivités concernées. Le fait que l’arrêté est susceptible d’entraîner une augmentation de la pression fiscale dans cette commune d’environ 330 habitants, aussi regrettable soit-il, ne suffit pas à établir que l’arrêté serait entaché d’erreur manifeste d’appréciation au regard du 3° du III de l’article L. 5210-1-1 précité.

En ce qui concerne les autres orientations fixées par le III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales :

25. Pas plus en appel que devant le tribunal, la communauté de communes Latitude Nord Gironde et la commune de Saint-Vivier de Blaye n’allèguent ni a fortiori ne justifient avec des précisions qui permettraient d’en apprécier le bien-fondé que les orientations fixées du 5° au 8° du III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales auraient été méconnues par le préfet.

26. De plus, s’agissant de la prise en compte de l’orientation fixée par le 4° du III du même article, celle-ci n’impose pas que toute extension du périmètre d’un EPCI entraîne la suppression de syndicats. Ainsi, le fait que l’arrêté ferait obstacle à la suppression du syndicat du collège de Saint-Yzan de Soudiac dont les communes membres appartiennent désormais, pour les unes à la CCLNG et pour les autres à la CCCB élargie, n’est pas de nature à caractériser une erreur manifeste d’appréciation au regard du 4° de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales.

27. Il résulte de tout ce qui précède que c’est à tort que le tribunal a estimé que l’arrêté du préfet de la Gironde était entaché d’erreur manifeste d’erreur manifeste d’appréciation au regard des orientations fixées par l’article L. 5210-1-1 du code général de collectivités territoriales en ce qui concerne la détermination du nouveau périmètre de la CCCB incluant cinq communes détachées du périmètre de la CCLNG.

28. Toutefois, il appartient à la cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par les intimés devant le tribunal administratif de Bordeaux.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par la CCLNG et la commune de Saint-Vivien de Blaye :

29. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 9 du présent arrêt que la CCLNG et la commune de Saint-Vivien de Blaye ne peuvent utilement invoquer à l’appui de leur recours pour excès de pouvoir contre l’arrêté du 24 novembre 2016 les vices de procédure dont aurait été entachée l’élaboration du schéma départemental de coopération intercommunale arrêté le 29 mars 2016, en particulier les conditions dans lesquelles la commission départementale de coopération intercommunale a délibéré sur un amendement au projet de schéma départemental de coopération intercommunale le 12 février 2016 prévoyant le rattachement de cinq communes membres de la CCLNG à la CCCB.

30. En second lieu, le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué aurait méconnu le principe de coopération intercommunale énoncé à l’article L. 5210-1 du code général des collectivités territoriales ne peut qu'être écarté dès lors qu’il résulte de ce qui vient d’être dit qu’il est légalement intervenu en application de l'article L. 5210-1-1 du même code.

31. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner la régularité du jugement ni la recevabilité des demandes de la CCLNG et de la commune de Saint-Vivien de Blaye, que le ministre de l’intérieur et la CCCB sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé partiellement l’arrêté du préfet de la Gironde du 24 novembre 2016.

Sur le recours n° 18BX03675 et la requête n° 18BX03792 :

32. Dès lors que le présent arrêt statue sur le recours n° 18BX03674 et la requête n° 18BX03791 tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 août 2018, les conclusions du recours n° 18BX03675 et de la requête n° 18BX03792 tendant au sursis à exécution de ce même jugement sont devenues sans objet.

Sur les conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

33. L’Etat et la CCCB n’étant pas les parties perdantes dans la présente instance, les conclusions de la CCLNG et de la commune de Saint-Vivien-de-Blaye au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées. En revanche, il y a lieu de mettre respectivement à la charge de la CCLNG et de la commune de Saint-Vivien de Blaye une somme de 1 000 euros au titre des frais de procès exposés par la CCCB.

DECIDE :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur le recours n° 18BX03675 et sur la requête n°18BX03792.

Article 2 : Le jugement n° 1605371, 1605373 du 24 août 2018 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 3 : Les demandes présentées par la communauté de communes Latitude Nord Gironde et la commune de Saint-Vivien de Blaye devant le tribunal administratif de Bordeaux sont rejetées.

Article 4 : La communauté de communes Latitude Nord Gironde et la commune de Saint-Vivien de Blaye verseront chacune à la communauté de communes du canton de Blaye une somme de 1000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.