Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCP Silvestri-Baudet, agissant en qualité de mandataire-liquidateur de la SARL Centre informatique arcachonnais, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d’une part de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt auxquelles la société a été assujettie au titre des exercices clos en 2000, 2001 et 2002, et, d’autre part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société pour la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002.

Par un jugement n° 0703595, 0703596 du 8 mars 2011, le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé la décharge des suppléments d’impôt sur les sociétés résultant de la réintégration aux résultats de l’exercice clos en 2000 d’un « profit sur le Trésor » et des pénalités pour absence de bonne foi dont ont été assortis les redressements correspondants aux dépenses d’immobilisations comptabilisées à tort parmi les charges déductibles des exercices clos en 2000, 2001 et 2002, et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par une décision n° 368473 du 19 juillet 2016, le Conseil d’État a annulé l’arrêt du 12 mars 2013 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté la requête de la SCP Silvestri-Baudet tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu’il n’a que partiellement fait droit à sa demande, et renvoyé l’affaire à cette cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 12 mai 2011, 9 janvier 2012, 25 octobre 2016, 14 novembre 2016, 15 novembre 2016 et 30 décembre 2016, la SCP Silvestri-Baudet, mandataire-liquidateur, puis M. R== M==, liquidateur amiable de la société Centre informatique arcachonnais, représentés par Me Zamour, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 mars 2011 en tant qu’il a rejeté le surplus de ses demandes ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt auxquelles la société a été assujettie au titre des exercices clos en 2000, 2001 et 2002 restant en litige, de dire qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2003, et de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2002 ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Considérant ce qui suit :

1. La SARL Centre Informatique Arcachonnais (CIA) qui a pour activité la distribution de logiciels, la réalisation de prestations informatiques et d’activités Internet à Arcachon, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 à l’issue de laquelle lui ont été notifiés des suppléments d’impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2000, 2001 et 2002 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2001 au 11 juin 2003. Par jugement n° 0703595, 0703596 du 8 mars 2011, le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé la décharge des suppléments d’impôt sur les sociétés résultant de la réintégration aux résultats de l’exercice clos en 2000 d’un « profit sur le Trésor » et des pénalités pour absence de bonne foi dont ont été assortis les redressements correspondants aux dépenses d’immobilisations comptabilisées à tort parmi les charges déductibles des exercices clos en 2000, 2001 et 2002, et rejeté le surplus des conclusions de la demande. La SARL CIA, représentée par M. M==, en sa qualité de liquidateur amiable, relève appel de ce jugement en tant qu’il a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur les conclusions à fin de non-lieu partiel :

2. Le liquidateur amiable de la société CIA n’est pas fondé à demander, d’ailleurs pour la première fois en appel, que la cour prononce un non-lieu à statuer à hauteur de 5 975 euros relatif aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés au titre de l’année 2003 dès lors que l’administration a abandonné ledit rappel par décision du 27 juin 2007, antérieure à l’enregistrement le 12 mai 2011 de la requête d’appel.

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

3. En premier lieu, aux termes de la charte du contribuable, dans sa rédaction applicable en l’espèce et dont les termes sont opposables à l’administration fiscale en application des dispositions de l’article L. 10 du livre des procédures fiscales : « (…) 5 … Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaires par l’inspecteur principal. … Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l’interlocuteur départemental qui est un fonctionnaire de rang élevé spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur (…) ». Il résulte des termes mêmes de ce paragraphe de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié que des éclaircissements supplémentaires ne peuvent être fournis par l’inspecteur principal, supérieur hiérarchique du vérificateur, qu’après que ce dernier, en application des dispositions du dernier alinéa de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales, a répondu aux observations du contribuable et informé celui-ci de la persistance du désaccord et des motifs de celui-ci.

4. A l’appui de sa contestation de la régularité de la procédure d’imposition en l’absence d’entretien avec l’inspecteur principal, supérieur hiérarchique du vérificateur, le liquidateur amiable de la société CIA ne peut utilement se prévaloir ni des termes de sa lettre du 27 janvier 2004, par laquelle elle a présenté ses observations sur la proposition de rectification du 24 décembre 2003, qui en outre demandait seulement à être entendu par l’interlocuteur départemental, ni s’agissant des rectifications concernant les exercices clos en 2001 et 2002, des termes de sa lettre du 18 mai 2004, antérieure à ses observations sur la proposition de rectification concernant ces exercices et à la réponse de l’administration datée du 3 juin 2004, qui n’a pas été suivie de sa part, d’une réitération de sa demande de mise en œuvre des dispositions précitées de la charte du contribuable. En revanche, après que l’administration ait répondu le 21 avril 2004 à ses observations sur la proposition de redressement relative à l’exercice clos en 2000 et confirmé le maintien des redressements, la société requérante a le 18 mai 2004 sollicité « la saisine des interlocuteurs visés par l’avis de vérification. ». Elle doit être regardée comme ayant ainsi, à tout le moins, demandé de manière régulière à rencontrer l’inspecteur principal, supérieur hiérarchique du vérificateur. Il est constant que l’administration fiscale, qui n’a organisé qu’un entretien avec l’interlocuteur départemental, n’a pas fait droit à cette demande et a ainsi privé le contribuable de la faculté expressément admise par la charte du contribuable de saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur. Cette méconnaissance des garanties offertes au contribuable constitue une irrégularité substantielle de nature à vicier la procédure d’imposition relative aux redressements pour l’exercice clos en 2000. Par suite, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens relatifs aux redressements opérés sur les résultats de l’exercice clos en 2000, le liquidateur amiable de la société CIA est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions concernant les redressements relatifs à l’exercice clos en 2000.

5. En second lieu, aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l’espèce : « L’administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…). Lorsque l’administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ». En vertu de l’article L. 59 du même livre, lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l’administration soumet le litige à l’avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires de sa propre initiative ou sur la demande du contribuable. Il résulte de ces dispositions que l’administration ne peut estimer qu’un désaccord subsiste, ni soumettre celui-ci à l’avis de la commission départementale, tant que le contribuable n’a pas reçu d’elle une réponse motivée, rejetant les observations qu’il a formulées dans le délai de trente jours suivant la réception de la notification de redressement. Toutefois, lorsque l’administration, au vu des observations du contribuable, a saisi la commission avant que sa réponse motivée ne soit parvenue à ce dernier, une telle erreur n’entache d’irrégularité la procédure d’imposition que lorsqu’elle a eu pour effet de priver le contribuable de l’une des garanties de procédure dont il était en droit de bénéficier. Enfin, aux termes de l’article R. 60-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : « Lorsque le litige est soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, en application de l'article L. 59 A, le contribuable est convoqué trente jours au moins avant la date de la réunion. Le rapport et les documents mentionnés à l'article L. 60 doivent être tenus à sa disposition, au secrétariat de la commission, pendant le délai de vingt jours qui précède la réunion de cette commission. »

6. Il résulte de l’instruction que l’administration fiscale a envoyé le 3 juin 2004 au contribuable, qui en a accusé réception le 10 juin 2004, la réponse à ses observations sur la proposition de rectification du 21 avril 2004 concernant les exercices clos en 2001 et 2002. Si l’administration a saisi la commission départementale des impôts par lettre du 27 mai 2004, avant que le contribuable n’ait été destinataire de la réponse à ses observations, celle-ci lui est parvenue plus de vingt jours avant la réunion de la commission. Dans ces conditions, la circonstance que la commission départementale des impôts ait été saisie avant que le contribuable n’ait été destinataire de la réponse à ses observations ne l’a privé d’aucune des garanties entourant la procédure de saisine de ladite commission ni ne révèle de la part de l’administration fiscale un manquement à son obligation de loyauté. Enfin le moyen tiré d’une méconnaissance du délai fixé par les dispositions de l’article R. 60-1 du livre des procédures fiscales précitées entre la date à laquelle le rapport de l’administration est mis à la disposition du contribuable au secrétariat de la commission et la réunion de celle-ci manque en fait, un délai de vingt-deux jours s’étant écoulé.

Sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires au titre des exercices clos en 2001 et 2002 :

En ce qui concerne la qualification des redevances versées en application de la concession de droits de propriété intellectuelle :

7. Aux termes du 2 de l’article 38 du code général des impôts, applicable en matière d’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 du même code : « Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt… L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ». S’agissant des droits tirés de la concession d’un brevet ou de droits de la propriété intellectuelle, ne doivent suivre le régime fiscal des éléments incorporels de l'actif immobilisé de l'entreprise que les droits constituant une source régulière de profits, dotés d'une pérennité suffisante et susceptibles de faire l’objet d’une cession.

8. Par contrat conclu le 1er octobre 1993 M. J== M== a cédé à la société CIA « les droits d’utilisation et de commercialisation » des versions exécutables de trois programmes informatiques moyennant, outre le versement du prix convenu de 3 millions de francs, le versement d’une redevance annuelle de 400 000 francs hors taxes. Ces droits sont ainsi destinés à être utilisés pour les besoins de l’exploitation de la société CIA et lui permettre d’accomplir son objet social consistant à distribuer des logiciels et assurer des prestations de services informatiques. Aucune des stipulations de ce contrat n’interdit ni ne limite la cession des droits ainsi concédés. Par suite ces droits, pour lesquels la société CIA s’acquitte d’une redevance annuelle, sont cessibles sans qu’y fasse obstacle la circonstance, invoquée par la société requérante en s’appuyant sur les stipulations de l’article 3 de la convention, que le contrat ne porte pas sur les droits liés à la version source des programmes qui restent la propriété exclusive de M. J== M==. Il n’est pas contesté que ces droits, concédés sans limitation de durée ni de secteur géographique par un contrat dépourvu de clauses de résiliation, constituent une source régulière de profits, dotés d'une pérennité suffisante. Le liquidateur amiable de la société CIA n’est ainsi pas fondé à soutenir qu’ils n’ont pas constitué pour cette dernière un élément incorporel d’actif immobilisé acquis moyennant le versement d’une redevance, laquelle ne peut dès lors revêtir le caractère d’une charge d’exploitation.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2002 :

9. Pour demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2002, le mandataire-liquidateur de la société CIA reprend en appel le moyen déjà soulevé en première instance et tiré de l’absence de discordance des chiffres d’affaires déclarés. Il ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges. 10. Il résulte de tout de ce qui précède que le liquidateur amiable de la société CIA est seulement fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions concernant les redressements relatifs à l’exercice clos en 2000. Par suite, elle est fondée à demander le versement par l’État d’une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE

Article 1er : Il est accordé à M. R== M==, agissant en qualité de liquidateur amiable de la société Centre informatique arcachonnais, la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt auxquelles la société a été assujettie au titre de l’exercice clos en 2000.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 0703595,0703596 du 8 mars 2011 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L’État versera la somme de 1 500 euros à M. R== M== en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.