Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2013 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 16 janvier 2013, présentée pour M. et Mme P=== H=== K===-A=== demeurant===, par Me Morand-Monteil, avocat ;

M. et Mme K===-A=== demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1004600, 1202257 du 13 novembre 2012 en tant qu’il n’a pas fait droit à leur demande tendant à la décharge de la contribution sociale généralisée ainsi que du prélèvement social et de la contribution additionnelle auxquels ils ont été assujettis sur leurs revenus mobiliers des années 2009 et 2010 ;

2°) de leur accorder la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros à leur profit en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


1. Considérant que M. et Mme K===-A===, ressortissants néerlandais domiciliés dans le département de la Dordogne, ont déclaré au titre des revenus des années 2009 et 2010, les sommes de, respectivement, 18 784 euros et 17 366 euros dans la catégorie des revenus de valeurs et de capitaux mobiliers ; qu’ils ont été assujettis à la contribution sociale généralisée, à la contribution pour le remboursement de la dette sociale, au prélèvement social et à la contribution additionnelle sur ces sommes ; que, saisi d’une contestation de l’ensemble de ces impositions, le tribunal administratif de Bordeaux a, par jugement du 13 novembre 2012, déchargé les époux K===-A=== des droits qui leur ont été assignés au titre de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, mais rejeté leur demande dirigée contre les contributions sociales généralisées, les prélèvements sociaux et les contributions additionnelles ; que ces derniers relèvent appel du jugement en tant qu’il n’a pas fait droit à l’intégralité de leur demande de décharge ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 411-1 du code de justice administrative, rendu applicable aux instances devant le juge d’appel par l’article R. 811-13 de ce code : « La requête (…) contient l’exposé des faits et moyens, ainsi que l’énoncé des conclusions soumises au juge » ;

3. Considérant qu’après avoir rappelé leur situation et les motifs par lesquels le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les conclusions tendant à la décharge des droits qui leur ont été assignés au titre de la contribution sociale généralisée et du prélèvement social ainsi que de la contribution additionnelle à ce prélèvement, les époux K===-A=== exposent dans leur requête que la législation française de sécurité sociale ne leur est pas opposable au regard du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, en particulier de son article 13 tel qu’interprété par la Cour de justice des communautés européennes, en invoquant la jurisprudence administrative ; que la requête expose ainsi les faits et les moyens sur lesquels les intéressés ont entendu se fonder pour critiquer le jugement et contester les impositions en litige ; qu’elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions précitées de l’article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l’économie et des finances, tirée du défaut de motivation de la requête, doit être écartée ;

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 1600-0 C du code général des impôts : « La contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine est établie, contrôlée et recouvrée conformément aux dispositions de l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale », selon lequel les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l’établissement de l’impôt sur le revenu, notamment, des revenus de capitaux mobiliers ; que cette contribution, qui a été instaurée par l’article 132 de la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990 de finances pour 1991, introduite dans le code de la sécurité sociale par la loi n° 93-936 du 22 juillet 1993, est perçue au profit de la caisse nationale des allocations familiales, du fonds de solidarité vieillesse et des régimes obligatoires d’assurance maladie ; qu’aux termes de l’article 1600-0 F bis du code général des impôts : « I. Le prélèvement social sur les revenus du patrimoine est établi conformément aux dispositions de l’article L. 245-14 du code de la sécurité sociale » qui prévoit que les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B du code général des impôts sont assujetties à un prélèvement social sur les revenus et les sommes visés à l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ; qu’en application de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles, ces mêmes personnes sont également redevables d’une contribution additionnelle à ce prélèvement social ; que ledit prélèvement a été instauré par la loi n° 97-1164 du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale pour 1998 au profit de la caisse nationale d’allocations familiales et de la caisse nationale d’allocations vieillesse des travailleurs salariés ;

5. Considérant qu’aux termes de l’article 13 du règlement n° 1408/71 susvisé : « 1. Sous réserve de l'article 14 quater, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul Etat membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre » ; que, par l’arrêt C-623/13 du 26 février 2015 susvisé, la cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que le règlement (CEE) n° 1408/71 du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifié et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1606/98 du Conseil du 29 juin 1998, devait être interprété en ce sens que les contributions et prélèvements fiscaux, auxquels les dispositions législatives précitées soumettent les revenus de capitaux mobiliers perçus par les personnes résidant en France et relevant sur le plan fiscal de cet Etat, présentent, lorsqu’ils participent au financement des régimes obligatoires de sécurité sociale, un lien direct et pertinent avec certaines des branches de sécurité sociale énumérées à l’article 4 dudit règlement et relèvent par suite du champ d’application de ce règlement, alors même que ces contributions et prélèvements sont assis sur les revenus du patrimoine des personnes assujetties, indépendamment de l’exercice par ces dernières de toute activité professionnelle ; qu’il résulte de ce qui précède qu’alors même qu’ils sont fiscalement domiciliés en France, les ressortissants communautaires, qui doivent être soumis à une seule législation de sécurité sociale par application du règlement (CEE) n° 1408/71, ne peuvent être assujettis à la contribution sociale généralisée, au prélèvement social sur les revenus du patrimoine et à la contribution additionnelle à ce prélèvement s’ils dépendent, en vertu dudit règlement, de la législation de sécurité sociale d’un autre Etat membre de l’Union ;

6. Considérant qu’il résulte de l’instruction et qu’il n’est pas contesté que M. K===-A=== , fonctionnaire des Pays-Bas à la retraite, et son épouse sont affiliés au régime de sécurité sociale néerlandais en vertu de la législation de cet Etat, conformément au règlement (CEE) n° 1408/71 ; que les intéressés justifient d’ailleurs qu’au titre des années 2009 et 2010, ils étaient chacun redevables à l’organisme néerlandais compétent, au titre de l’assurance « soins de santé », de contributions déterminées en fonction de leurs revenus ; que dans ces conditions, l’assujettissement de M. et Mme K===-A=== à la contribution sociale généralisée et au prélèvement social, comme à la contribution additionnelle à ce prélèvement, méconnaît la règle de l’unicité de la législation de sécurité sociale applicable, énoncée à l’article 13 du règlement (CEE) n° 1408/71 ; qu’à cet égard, est indifférente la circonstance que la contribution sociale généralisée et le prélèvement social présentent le caractère d’imposition de toute nature, et non celui de cotisation de sécurité sociale, au sens des dispositions constitutionnelles et législatives nationales, dès lors qu’en tant qu’elles ont pour objet de financer le régime de sécurité sociale français, ces impositions entrent dans le champ d’application des règlements communautaires régissant le droit d’assujettir à des cotisations sociales les ressortissants communautaires résidant en France mais pris en charge par un régime de sécurité sociale d’un autre Etat membre ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, M. et Mme K===-A=== sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge des contributions sociales généralisées, des prélèvements sociaux et des contributions additionnelles auxquels ils ont été assujettis sur les revenus du patrimoine qu’ils ont perçus en 2009 et 2010 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat, le versement à M. et Mme K===-A=== d’une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : M. et Mme K===-A=== sont déchargés des droits auxquels ils ont été assujettis sur leurs revenus du patrimoine en 2009 et 2010 au titre de la contribution sociale généralisée, de prélèvement social et de la contribution additionnelle à ce prélèvement.

Article 2 : Le jugement n° 1004600, 1202257 du 13 novembre 2012 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L’Etat versera à M. et Mme K===-A=== une somme globale de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.