Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 13 avril 2012 présenté pour M. et Mme A== T== P== par Me Rochedy ;

M. et Mme T== P== demandent à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0805538 du 14 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant, d’une part, à la décharge des pénalités pour manœuvres frauduleuses et des intérêts de retard qui ont été appliqués aux impositions supplémentaires qui leur ont été assignées au titre des années 1999, 2000 et 2001, et d’autre part à la décharge des suppléments de contributions sociales qui leur ont été réclamés au titre des mêmes années ;

2°) de prononcer la décharge des majorations de 80% pour manœuvres frauduleuses prévues par l’article 1729-1 du code général des impôts en litige, soit 69 533 euros au titre de l’année 1999, 116 943 euros au titre de l’année 2000 et 144 076 euros au titre de l’année 2001 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

1. Considérant que M. et Mme T== P== ont fait l’objet en mai 2002 d’un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur la période du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2001 à l’issue duquel l’administration a taxé, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, les détournements de fonds opérés par Mme T== P== au préjudice de plusieurs sociétés appartenant au groupe GEENS, dont elle était la directrice administrative ; qu’il en est résulté des suppléments d’impôt sur le revenu et de contributions sociales établis au nom de « M. ou Mme T== P== A== » ; que ce complément d’impôt a été assorti des pénalités au taux de 80% prévues par l’article 1729 du code général des impôts en cas de manœuvres frauduleuses ; que par jugement du 14 février 2012, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande des époux T== P== tendant à la décharge, d'une part, des pénalités pour manœuvres frauduleuses et des intérêts de retard qui leur ont été appliqués et, d’autre part, des suppléments de contributions sociales qui leur ont été réclamés ; que M. et Mme T== P== font appel de ce jugement en tant qu’il a refusé de les décharger des majorations pour manœuvres frauduleuses appliquées aux redressements, soit des montants de 69 533 euros au titre de l’année 1999, de 116 943 euros au titre de 2000 et de 144 076 euros au titre de 2001 ;

2. Considérant qu’aux termes du 1. de l’article 6 du code général des impôts : « (…) les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles (…) » ; qu'aux termes du 1. de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d’imposition : « Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti (…) d'une majoration (…) de 80 p. 100 s'il s'est rendu coupable de manœuvres frauduleuses (…) » ; qu’en application de ces dispositions, et tout en reconnaissant que seule Mme T== P== s’était rendue coupable de manœuvres frauduleuses, l’administration a assigné la majoration correspondante aux deux époux ;

3. Considérant que M. et Mme T== P== invoquent, à titre principal, le paragraphe 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes duquel : « Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie » ; qu’il résulte de ces stipulations, qui garantissent la présomption d’innocence, un principe de personnalité des peines, invocable à l’encontre de toute accusation en matière pénale au sens de l’article 6 de la convention, et par suite, invocable notamment à l’encontre des pénalités fiscales ; que M. et Mme T== P==, eu égard à leur argumentation, doivent être regardés comme excipant de l’incompatibilité avec ce principe des dispositions du 1. de l’article 6 du code général des impôts en tant qu’il a pour effet l’application des pénalités fiscales aux deux époux à raison des agissements de l’un d’entre eux seulement ;

4. Considérant, toutefois, qu’un système d’imposition se fondant principalement sur les déclarations établies par les contribuables ne saurait préserver les intérêts financiers légitimes de l’Etat sans un régime de sanctions efficace ; que la nécessité de préserver le caractère effectif et dissuasif des pénalités fiscales impose ainsi d’appliquer le principe de personnalité des peines en tenant compte du principe d’une imposition commune des couples mariés ;

5. Considérant qu’en outre, en vertu de l’article 1417 du code civil, qui traite du passif de la communauté matrimoniale, la communauté a droit à récompense, déduction faite, le cas échéant, du profit retiré par elle, quand elle a payé les amendes encourues par un époux, en raison d'infractions pénales, ou les réparations et dépens auxquels il avait été condamné pour des délits ou quasi-délits civils ; que par conséquent, et à supposer même que les époux T== P== soient mariés sous un régime de communauté, il serait toujours loisible à M. T== P==, en cas de dissolution de cette communauté, de préserver devant le juge civil ses intérêts patrimoniaux propres des conséquences fiscales des agissements frauduleux de son épouse ;

6. Considérant que par suite et eu égard aux objectifs de prévention et de répression de la fraude et de l’évasion fiscale auxquels répondent les pénalités fiscales, le principe de la personnalité des peines ne fait pas obstacle à ce que les pénalités fiscales encourues à raison des agissements de l’un seulement des membres d’un couple marié soient mises à la charge commune des membres de ce couple ; que dès lors l’exception tirée de l’incompatibilité du 1. de l’article 6 du code général des impôts au paragraphe 2 de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne peut qu’être écartée ;

7. Considérant que M. et Mme T== P== soutiennent, à titre subsidiaire, que le service ne pouvait appliquer les pénalités à l’ensemble des redressements mais que seuls les redressements trouvant leur origine dans des faux de nature à égarer le pouvoir de vérification de l'administration soit une somme totale ne dépassant pas 365 000 francs sont susceptibles d'entrer dans le champ d'application du 1 de l'article 1729 du code général des impôts ; que toutefois, il résulte de l’instruction que l’ensemble des rectifications auxquelles l’administration a procédé résultent de l’ouverture et de l’utilisation frauduleuse par Mme T== P== de comptes bancaires inscrits au nom de tiers ; que ces agissements de nature à égarer ou restreindre le pouvoir de contrôle de l’administration constituent des manœuvres frauduleuses au sens de l’article 1729 du code général des impôts ; que c’est donc à bon droit que l’administration a appliqué les majorations en litige à l’ensemble des redressements ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. et Mme T== P== ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge de la majoration de 80% prévue par l'article 1729 du code général des impôts dont ont été assortis les droits résultant des redressements apportés au revenu global qu'ils avaient déclaré au titre des années 1999, 2000 et 2001 ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante la somme que M. et Mme T== P== demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme T== P== est rejetée.