Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’association des hôtes de Bordeaux Nouvelle-Aquitaine a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler la délibération du 7 juillet 2017 du conseil communautaire de Bordeaux Métropole approuvant le règlement municipal de la ville de Bordeaux fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d’usage des locaux d’habitation et déterminant les compensations ainsi que la décision du 6 septembre 2019 du vice-président de Bordeaux Métropole rejetant la demande de l’association requérante tendant à l’abrogation de cette délibération. Elle a également demandé au tribunal d’annuler la délibération du 10 juillet 2017 du conseil municipal de Bordeaux soumettant à déclaration préalable et enregistrement toute location de courte durée d’un local meublé situé à Bordeaux en faveur d’une clientèle de passage n’y élisant pas domicile ainsi que la décision par laquelle le maire de Bordeaux a implicitement rejeté sa demande tendant à l’abrogation de cette délibération.

Par un jugement n° 1905557 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision de Bordeaux Métropole du 6 septembre 2019 rejetant la demande de l’association des hôtes de Bordeaux Nouvelle-Aquitaine tendant à l’abrogation de la délibération du conseil communautaire du 7 juillet 2017, enjoint à l’autorité compétente de Bordeaux Métropole de procéder au réexamen de la demande de l’association tendant à l’abrogation de la délibération du conseil communautaire du 7 juillet 2017 et rejeté le surplus des conclusions de l’association.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 décembre 2021, l’association des hôtes de Bordeaux Nouvelle-Aquitaine, représentée par Me Bouet et Me Caijeo, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 19 octobre 2021 ;

2°) d’annuler la décision implicite de rejet de la demande d’abrogation de la délibération de la commune de Bordeaux du 10 juillet 2017 ;

3°) d’annuler la décision du 6 septembre 2019 par laquelle le vice-président de Bordeaux Métropole en charge de l’habitat, du logement et de la politique de la ville a rejeté la demande d’abrogation de la délibération du 7 juillet 2017 ;

4°) d’abroger la délibération de Bordeaux Métropole n° 2017-488 du 7 juillet 2017 ;

5°) d’abroger la délibération de la commune de Bordeaux n° D- 2017/268 du 10 juillet 2017 ;

6°) le cas échéant, d’enjoindre à Bordeaux Métropole et à la commune de Bordeaux de procéder à l’abrogation des délibérations du 7 et du 10 juillet 2017 ;

7°) d’enjoindre à la commune de Bordeaux et à Bordeaux Métropole de verser au débat tout justificatif tenant au coût et aux modalités de délivrance d’une autorisation de changement d’usage et aux modalités d’exécution du système de compensation incombant aux propriétaires bordelais de résidences secondaires ;

8°) d’enjoindre à la commune de Bordeaux et à Bordeaux Métropole de fournir la liste des logements vacants au jour de l’audience qui seraient disponibles à la compensation dans le secteur concerné ;

9°) d’enjoindre à la commune de Bordeaux et à Bordeaux Métropole de justifier de l’existence d’une pénurie de logements sur le territoire de la commune de Bordeaux et d’apporter tout élément de nature à démontrer un effet inflationniste des locations meublées de courte durée sur le montant des loyers bordelais ;

10°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole et de la commune de Bordeaux une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…..............................................................................................................

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 7 juillet 2017, le conseil communautaire de Bordeaux Métropole a mis en œuvre un régime d’autorisation préalable pour le changement d’usage des locaux d’habitation situés sur le territoire de la commune de Bordeaux, proposés en location meublée de courte durée. L’autorisation préalable est soumise à un principe de compensation par transformation en habitations de locaux ayant un autre usage et correspondant à des unités de logement de qualité et de surface au moins équivalente. Par une délibération du 10 juillet 2017, le conseil municipal de Bordeaux a soumis toute location de locaux d’habitation pour des courtes durées à une déclaration préalable avec enregistrement auprès de la commune. Par jugement du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux, saisi par l’association des hôtes de Bordeaux Nouvelle-Aquitaine, a prononcé l’annulation de la décision du 6 septembre 2019 par laquelle Bordeaux Métropole a refusé d’abroger la délibération du 7 juillet 2017 et a rejeté le surplus des conclusions de l’association, qui demandait l’annulation des deux délibérations et du refus de les abroger. L’association fait appel du jugement du 19 octobre 2021 du tribunal administratif de Bordeaux et demande à la cour, à titre principal, d’annuler la décision de la commune de Bordeaux refusant d’abroger la délibération du 10 juillet 2017 et l’abrogation de celle-ci, ainsi que l’abrogation de la délibération de Bordeaux Métropole du 7 juillet 2017. Par la voie de l’appel incident, Bordeaux Métropole conteste les articles 1er et 2 de ce jugement, par lesquels le tribunal a annulé la décision du 6 septembre 2019 et lui a enjoint de réexaminer la demande d’abrogation présentée par l’association.

Sur l’appel principal :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. Il ne ressort d’aucune pièce du dossier que le tribunal administratif de Bordeaux se serait prononcé au regard de pièces relatives à l’offre de logement au sein de la commune de Bordeaux et sur le territoire de Bordeaux Métropole qui n’auraient pas été soumises au contradictoire ni, en tout état de cause, qu’il aurait statué ultra petita au regard de l’argumentation opposée en défense par la commune de Bordeaux et Bordeaux Métropole.

En ce qui concerne le fond :

3. Si la décision du 6 septembre 2019 de Bordeaux Métropole a été annulée par le tribunal administratif pour un vice de légalité externe tiré de l’incompétence de l’autorité qui l’a édictée, l’association requérante demande en appel, outre l’annulation de la décision refusant d’abroger la délibération du conseil municipal de la commune de Bordeaux et l’abrogation de cette délibération, l’annulation de la décision de Bordeaux Métropole du 6 septembre 2019 en raison de vices de légalité interne dont elle serait entachée, seuls de nature, si l’un ou plusieurs d’entre eux étaient fondés, à conduire la cour à enjoindre à Bordeaux Métropole de procéder à cette abrogation sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative.

4. Aux termes de l’article L. 243-2 du code des relations entre le public et l’administration : « L’administration est tenue d’abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d’objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu’elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l’illégalité ait cessé ».

5. L’effet utile de l’annulation pour excès de pouvoir du refus opposé à la demande tendant à ce que soit abrogé un acte de portée générale réside dans l’obligation, que le juge peut prescrire d’office en vertu de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l’autorité compétente, de procéder à son abrogation. Dans un tel cas, le juge doit apprécier la légalité des dispositions contestées au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.

6. La délibération du 7 juillet 2017 de Bordeaux Métropole instaure, comme il a été dit, un régime d’autorisation préalable des changements d’usage des locaux d’habitation à Bordeaux. Après avoir rappelé les exceptions prévues par la loi notamment en faveur des propriétaires de résidences principales qui louent leur bien pour de courtes durées moins de 120 jours par an, le régime prévoit que les autorisations de changement d’usage en vue de locations pour de courtes durées sont subordonnées à une compensation consistant en la transformation en habitation de locaux ayant un autre usage et correspondant à des unités de logement de qualité et de surface au moins équivalentes à celle faisant l’objet de la demande d’autorisation. Les locaux de compensation, en application du régime institué, doivent être situés dans le centre historique de la ville (zone A dite « intra-cours ») si la demande porte un bien situé dans cette zone, dans les zones A ou B (dite intra-boulevards) si la demande porte sur un bien situé en zone B et dans les zones A, B ou C (reste du territoire communal) si la demande porte sur un bien situé en zone C. Par ailleurs, il est exigé que la transformation du local de compensation intervienne de façon concomitante au changement d’usage demandé. Quant à la délibération de la commune de Bordeaux, elle prévoit que toute location pour de courtes durées d’un local meublé à une clientèle de passage sur le territoire de la commune doit être déclarée à la mairie.

7. La propriété figure au nombre des droits de l’Homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. Aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ». En l’absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l’article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi. En outre, si le principe d’égalité devant les charges publiques, qui résulte de l’article 13 de la Déclaration de 1789, n’interdit pas au législateur de mettre à la charge de certaines catégories de personnes des charges particulières en vue d’améliorer les conditions de vie d’autres catégories de personnes, il ne doit pas en résulter de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

8. Aux termes de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation : « La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants (…). Dans ces communes, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées par l’article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable. (…) Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article. » Aux termes de l’article L. 631-7-1 du même code : « « L’autorisation préalable au changement d’usage est délivrée par le maire de la commune dans laquelle est situé l’immeuble (…). Elle peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage. / (…) Pour l’application de l’article L. 631-7, une délibération du conseil municipal fixe les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et déterminées les compensations par quartier et, le cas échéant, par arrondissement, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements. Si la commune est membre d’un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, la délibération est prise par l’organe délibérant de cet établissement. » L’article L. 631-7-1 A de ce code dispose que : « Une délibération du conseil municipal peut définir un régime d'autorisation temporaire de changement d'usage permettant à une personne physique de louer pour de courtes durées des locaux destinés à l'habitation à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile (…) ».

9. Par ailleurs, aux termes de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme : « « I. - Pour l’application du présent article, les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois. / II. - Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé. / Cette déclaration préalable n’est pas obligatoire lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi n° 89 462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. / III. - Par dérogation au II, dans les communes où le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d’un meublé de tourisme (…) ».

10. Ainsi que l’a jugé la Cour de justice de l’Union européenne, saisie par la Cour de cassation d’une question préjudicielle relative à la compatibilité des dispositions précitées des articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation avec les dispositions des articles 6 et 13 de la directive 2006/123/CE, dans son arrêt du 22 septembre 2020, Cali Apartments SCI et HX (affaires C-724/18 et C- 727/18), les autorités nationales peuvent adopter des réglementations imposant une autorisation préalable pour l’exercice d’activités de location de locaux meublés pour de courtes durées, dès lors qu’elles sont conformes aux exigences figurant aux articles 9 et 10 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Il s’ensuit qu’il revient au juge administratif de contrôler si cette réglementation est, d’une part, justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et, d’autre part, proportionnée à l’objectif poursuivi, en ce que celui-ci ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle. Par ailleurs, si la réglementation nationale instaure une obligation de compensation, sous la forme d’une transformation accessoire et concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, celle-ci doit être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général, proportionnelle à cet objectif, non discriminatoire, instituée dans des termes clairs, non ambigus et rendus publics à l’avance, et cette obligation devra pouvoir être satisfaite dans des conditions transparentes et accessibles.

11. Le dispositif de lutte contre la pénurie de logements destinés à la location mis en œuvre par les dispositions des articles L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation et L. 324-1-1 du code du tourisme poursuit un objectif d’intérêt général, en particulier dans le centre-ville des agglomérations telles que Bordeaux qui sont en « zone tendue », où il existe un déséquilibre entre l’offre et la demande de logements. Le programme d’orientations et d’actions du plan local d’urbanisme en matière d’habitat de Bordeaux Métropole évoque notamment la nécessité de « maintenir la population résidente » dans le cœur historique et détaille les objectifs de mixité sociale poursuivis par la métropole. Le nombre des offres de location de courte durée, évoqué dans la délibération attaquée du 7 juillet 2017 qui souligne que 6 000 logements sont proposés à la location pour le seul site AirBnB, la croissance du nombre de logements proposés ces dernières années ainsi que l’estimation de 20 000 demandes de logements non satisfaites évoquée dans le rapport sur le règlement municipal de la ville de Bordeaux, justifient la limitation au droit de propriété des propriétaires de résidences principales et secondaires dans cette ville. Cette atteinte est proportionnée à l’objectif poursuivi, dès lors notamment que le dispositif mis en œuvre d’autorisation préalable au changement d’usage ne s’applique pas aux propriétaires qui louent leur résidence principale moins de 120 jours par an et qu’il n’interdit pas aux propriétaires de résidence secondaire toute location pour de courtes durées. Le mécanisme de compensation prévu par la délibération en cause, s’il est de nature à rendre plus difficile la location de courte durée dans le cœur historique de Bordeaux, répond à l’objectif poursuivi et contribue à maintenir le caractère résidentiel du centre-ville, davantage sollicité pour la location de courte durée. Si les besoins en logements concernent notamment les étudiants, ils intéressent aussi les familles, les offres de logements n’ayant pas à être exclusivement localisées en périphérie et à proximité des établissements universitaires, dont certains sont d’ailleurs également implantés en centre-ville. Enfin, l’obligation pour tout propriétaire qui entend offrir à la location un meublé de tourisme d’en faire préalablement la déclaration en mairie ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété, dès lors que ce dispositif ne limite pas en tant que tel le droit des propriétaires à louer leur bien pour une courte durée.

12. Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. Les propriétaires de résidences principales louant leur bien pour une courte durée plus de 120 jours par an et les propriétaires de résidences secondaires au sein de la commune de Bordeaux sont placés dans une situation particulière ainsi qu’il a été mentionné au point 11, laquelle peut justifier par elle-même l’application d’une réglementation spécifique, notamment le mécanisme de compensation prévu par l’article L. 631 7 du code de la construction et de l’habitation, sans que l’ensemble de la collectivité ait à en assumer la charge. De même, la ville de Bordeaux se trouve dans une situation différente des autres communes de la métropole, en sa qualité d’agglomération située en zone tendue et en raison du nombre de biens proposés en location de courte durée en centre-ville, de sorte que Bordeaux Métropole n’a pas méconnu le principe d’égalité en mettant en œuvre le dispositif prévu par l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation sur le seul territoire de la commune de Bordeaux. L’association requérante n’apporte au surplus aucun élément de nature à démontrer que d’autres communes de la métropole se trouveraient dans des situations comparables à celle de Bordeaux, en particulier de son centre-ville. Ensuite, les locataires ne sont pas placés dans une situation identique à celle des propriétaires, de sorte que Bordeaux Métropole n’était pas tenue d’intégrer les locataires sous-louant leur logement pour une courte durée au dispositif mis en œuvre. Par ailleurs, la délibération du 7 juillet 2017, qui résulte de l’application de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, constitue le socle du dispositif de régulation des locations meublées de courte durée et nécessite, pour cette raison, une application identique aux loueurs particuliers et professionnels. Enfin, les propriétaires de locaux commerciaux ayant modifié la destination de leurs locaux en habitation ne sont, par hypothèse, pas placés dans la même situation que les propriétaires de résidences principales ou secondaires réalisant des opérations de location meublée de courte durée, de sorte que Bordeaux Métropole a pu valablement prendre la délibération contestée sans porter atteinte au principe d’égalité. Enfin, ainsi qu’il a été dit au point 11 du présent arrêt, si le mécanisme de compensation prévu par la délibération du 7 juillet 2017 est de nature à rendre plus difficile la location de courte durée dans le cœur historique de Bordeaux il répond à l’objectif d’intérêt général poursuivi et contribue à maintenir le caractère résidentiel du centre-ville, de sorte que Bordeaux Métropole n’a pas commis d’erreur d’appréciation en mettant en œuvre ce dispositif.

13. Ensuite, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la délibération du 7 juillet 2017 adoptant le règlement applicable à Bordeaux, qui cite le contenu du seul article L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation, que le dispositif contesté ne régit, comme le soutient en défense Bordeaux Métropole, que le régime d’autorisation prévu par les articles L. 631-7 et L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation et non le régime d’autorisation temporaire prévu par l’article L. 631-7-1 A de ce code. En ne précisant pas à quel type de propriétaires s’appliquait ce dispositif, Bordeaux Métropole a entendu viser tant les personnes morales que les personnes physiques, comme elle pouvait légalement le faire, en l’absence de restrictions du législateur sur ce point s’agissant de l’autorisation prévue à l’article L. 631-7-1 du code.

14. Enfin, il résulte de l’arrêt du 22 septembre 2020 de la Cour de justice de l’Union européenne (affaires C-724/18 et C- 727/18) que le régime d’autorisation mis en place par l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation n’est pas incompatible avec la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, dite directive « services », du 12 décembre 2006. Il n’est pas davantage de nature à porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre, dès lors que l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation a été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2014-691 DC du 20 mars 2014 et que le mécanisme de compensation, prévu par la loi, est gradué en fonction des zones géographiques concernées par la délibération du 7 juillet 2017. Ainsi, et dès lors que, comme il a été dit, le régime issu des délibérations critiquées est justifié par un motif d’intérêt général et proportionné à l’objectif poursuivi, ces délibérations ne méconnaissent pas davantage la directive « services » et ne portent pas une atteinte excessive à la liberté d’entreprendre. Enfin, si le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2019-772 QPC du 5 avril 2019, a déclaré non conformes à la Constitution les dispositions du sixième alinéa de l’article L. 651-6 du code de la construction et de l’habitation, qui autorise les agents du service municipal du logement, en cas de refus ou d’absence de l’occupant du local ou de son gardien, à se faire ouvrir les portes et à visiter les lieux en présence du maire ou d’un commissaire de police afin de constater les conditions d’occupation de ces locaux et, notamment, le respect des autorisations d’affectation d’usage, cette circonstance est sans influence sur la légalité des délibérations en cause qui ne comportent aucune dispositions instaurant un contrôle de ce type, et, par suite, sur le refus d’abroger ces délibérations.

15. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de solliciter des documents ou analyses complémentaires de la ville de Bordeaux ou de Bordeaux Métropole, que l’association n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions en annulation de la décision de rejet de la demande d’abrogation de la délibération de la commune de Bordeaux du 10 juillet 2017. Elle n’est pas davantage fondée à demander l’abrogation de la délibération du 7 juillet 2017. Ses conclusions présentées à fin d’injonction doivent par suite être rejetées.

Sur l’appel incident :

16. L’article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales, relatif à la convocation du conseil municipal, dispose que : « Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l’ordre du jour (…) ». Ces dispositions sont rendues applicables à la convocation de l’organe délibérant des métropoles par l’effet des dispositions de l’article L. 5211-1 du même code. L’article L. 5211-11 de ce code dispose en outre que : « L’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale se réunit au moins une fois par trimestre ou, pour les syndicats formés en vue d’une seule œuvre ou d’un seul service d’intérêt intercommunal, une fois par semestre. À cette fin, le président convoque les membres de l’organe délibérant ».

17. Si le conseil de Bordeaux Métropole est seul compétent pour abroger tout ou partie de la délibération en cause, c’est au président qu’il revient d’inscrire cette question à l’ordre du jour d’une réunion du conseil. Par suite, le président a compétence pour rejeter une demande tendant à l’abrogation de la délibération attaquée. Toutefois, il ne peut légalement prendre une telle décision que si les dispositions dont l’abrogation est sollicitée sont elles-mêmes légales. Dans l’hypothèse inverse, en effet, il est tenu d’inscrire la question à l’ordre du jour du conseil de la métropole, pour permettre à celui-ci, seul compétent pour ce faire, de prononcer l’abrogation des dispositions illégales.

18. La décision du 6 septembre 2019 refusant de souscrire à la demande d’abrogation de la délibération du 7 juillet 2017 a été signée par M. Jean Touzeau, vice-président de Bordeaux Métropole en charge de l’habitat, du logement et de la politique de la ville. Bordeaux Métropole a produit devant la cour un arrêté du 27 juin 2019 par lequel le président de la collectivité autorise M. Touzeau à signer un certain nombre de documents dans le champ de la délégation de fonction qui lui a été accordée, parmi lesquels les actes relatifs à l’exécution des délibérations du conseil de Bordeaux Métropole. Toutefois, cet arrêté ne permet pas au délégataire d’inscrire la question de l’abrogation d’une délibération entrant dans le champ de sa délégation de fonction à l’ordre du jour du conseil de la métropole ni, par voie de conséquence de rejeter une demande tendant à l’abrogation d’une telle délibération. Par suite, Bordeaux Métropole n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 6 septembre 2019 comme prise par une autorité incompétente.

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de l’association requérante les sommes que Bordeaux Métropole et la ville de Bordeaux demandent sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ni de mettre à la charge des deux personnes publiques intimées la somme que l’association requérante demande sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l’association des hôtes de Bordeaux Nouvelle Aquitaine est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d’appel incident de Bordeaux Métropole ainsi que ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et celles de la commune de Bordeaux tendant à l’application de ces dispositions sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l’association des hôtes de Bordeaux Nouvelle Aquitaine, à Bordeaux Métropole et à la commune de Bordeaux.