Prêt à taux zéro pour l’acquisition d’une résidence principale (article 244 quater J du CGI) – action en restitution par le bénéficiaire de l’avantage indûment perçu - prescription
Par Béatrice le mardi 15 mars 2016, 16:25 - LOGEMENT - Lien permanent
Lorsqu’il s’avère que le bénéficiaire d’un prêt à taux zéro ne satisfait pas aux conditions de ressources permettant de bénéficier de ce prêt, le crédit d’impôt qui en est la contrepartie pour l’établissement prêteur est reversé par ce dernier ; mais l’Etat peut aussi se retourner contre le bénéficiaire du prêt lui-même si ce dernier n’a pas justifié de ses ressources dans les délais impartis.
Il résulte du 1 du II de l’article 199 ter I du CGI que, tant que le prêt n’a pas été intégralement remboursé, aucun délai de prescription ne saurait courir quant à l’action de l’Etat tendant à la reprise de l’avantage correspondant. Dès lors, si, à la date à laquelle a été émis le titre exécutoire tendant à la restitution par le bénéficiaire du prêt de l’avantage qu’il a indûment perçu, ce prêt n’est pas encore remboursé, la créance de l’Etat objet de ce titre ne peut être atteinte par la prescription.
Arrêt 14BX02556 – 15 mars 2016 – 3ème chambre – M. S==
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Un recours en cassation a été formé sous le n° 401244
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. == == a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler la décision du 18 juillet 2013 par laquelle le ministre de l'égalité des territoires et du logement a rejeté l'opposition qu’il a formée à l'encontre d’un titre de perception d'un montant de 16 537,50 euros portant sur la restitution d'un avantage indu au titre d'un prêt immobilier à taux zéro.
Par un jugement n° 1303476 du 1er juillet 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 août 2014, M. == ==, représenté par Me d’Hennezel, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er juillet 2014 ;
2°) d’annuler les poursuites de l’administration ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Le 21 avril 2006, M. == a bénéficié d’un prêt à taux zéro en vue de financer un projet d'accession à la propriété. Estimant que l’intéressé avait indûment bénéficié de ce prêt, le ministre de l'égalité des territoires et du logement a émis à son encontre, le 29 avril 2013, un titre de perception d'un montant de 16 537,50 euros. Par une décision du 18 juillet 2013, le ministre de l'égalité des territoires et du logement a rejeté l'opposition formée par M. == le 19 juin 2013 à l'encontre de ce titre exécutoire. M. == relève appel du jugement n° 1303476 du 1er juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision et à être déchargé du paiement de la somme de 16 537,50 euros.
2. En premier lieu, en vertu des dispositions du I de l’article 244 quater J du code général des impôts, les établissements de crédit peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre d’avances remboursables ne portant pas intérêt consenties à des personnes physiques, soumises à des conditions de ressources, pour l’acquisition ou la construction d’une résidence principale en accession à la première propriété et versées au cours de l’année d’imposition ou de l’exercice. Aux termes du 1 du II de l’article 199 ter I du même code : « Si, pendant la durée de remboursement de l'avance, et tant que celle-ci n'est pas intégralement remboursée, il apparaît que les conditions mentionnées au I de l'article 244 quater J fixées pour l'octroi de l'avance remboursable n'ont pas été respectées, le crédit d'impôt est reversé par l'établissement de crédit ou la société de financement. Par exception, lorsque les conditions relatives à la justification des ressources déclarées par le bénéficiaire ne sont pas respectées par celui-ci, l'Etat exige de ce dernier le remboursement de l'avantage indûment perçu. Celui-ci ne peut excéder le montant du crédit d'impôt majoré de 25 %. Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités de restitution de l'avantage indu par le bénéficiaire de l'avance remboursable sans intérêt (…). ».
3. Il résulte de ces dispositions que, tant que le prêt sans intérêt n’a pas été intégralement remboursé par son bénéficiaire, aucun délai de prescription ne saurait courir en ce qui concerne l’action de l’Etat tendant à la reprise de l’avantage correspondant. M. == a souscrit le prêt à taux zéro litigieux en 2006 et pour une durée de 15 ans. Il ne soutient pas qu’à la date d’émission du titre exécutoire contesté, le 29 avril 2013, l’intégralité de l’avance perçue aurait été remboursée. Par suite, lorsque le titre exécutoire contesté a été émis, nul délai de prescription n’avait pu commencer à courir. Dès lors, la créance sur laquelle il portait n’était pas, contrairement à ce que soutient le requérant, atteinte par une quelconque prescription.
4. En deuxième lieu, le huitième alinéa du I de l’article 244 quater J prévoit que l’attribution des avances remboursables est fonction de l’ensemble des ressources et du nombre de personnes destinées à occuper à titre principal la résidence des bénéficiaires desdites avances. Dans leur rédaction applicable en l’espèce, les alinéas 9 et 11 du I dudit article ajoutent que : « le montant total des ressources à prendre en compte s’entend de la somme des revenus fiscaux de référence (…) des personnes mentionnées au huitième alinéa au titre de : (…) / 2° L’année précédant celle de l’offre de l’avance lorsque cette dernière intervient entre le 1er avril et le 31 décembre. ». Les articles R. 318-4 et R. 318-5 du code de la construction et de l’habitation, dans leur rédaction applicable, reprennent et précisent ces dispositions. Il résulte de l’instruction que l’offre de prêt à taux zéro dont a bénéficié M. == a été émise par BNP Paribas le 21 avril 2006. Ainsi, les revenus à prendre en compte pour apprécier si les conditions de ressources étaient satisfaites étaient ceux de l’année 2005. L’avis d’imposition que M. == a produit tardivement fait ressortir que le revenu fiscal de référence de son foyer au titre de l'année 2005 ne lui permettait pas, en vertu du barème applicable, de bénéficier d'un prêt à taux zéro. Dès lors, l’administration était fondée à reprendre le montant de l’avantage indûment perçu.
5. En troisième lieu, l’article 2 de l’arrêté du 31 janvier 2005 pris pour l’application de l'article R. 318-5 du code de la construction et de l’habitation dispose que « pour la justification des ressources lors de la demande d’avance, l'emprunteur doit fournir son avis d'impôt sur les revenus de l'avant-dernière année précédant celle de l’offre d’avance ainsi que, le cas échéant, les avis d'imposition des personnes destinées à occuper le logement et non rattachées à son foyer fiscal. Lorsque l'offre est émise à compter du 1er avril, il doit également fournir les mêmes avis pour les revenus de l'année précédant celle de l’offre d’avance. (…) L'emprunteur a l'obligation de communiquer à l'établissement de crédit le ou les avis d'imposition correspondants dès leur réception, et au plus tard le 31 décembre de l'année de l'émission de l'offre d'avance ». Il en résulte que, ainsi qu’il s’y était d’ailleurs engagé dans une déclaration sur l'honneur signée par lui le 10 avril 2006, M. == avait l’obligation de communiquer à l’établissement de crédit son avis d’imposition portant sur les revenus de l’année 2005 avant le 31 décembre 2006. Or, il est constant que l’intéressé n’a pas produit cet avis d’imposition dans ce délai qui lui était imparti. Dans ces conditions, et contrairement à ce qu’il soutient, M. == n’a pas respecté les conditions relatives à la justification de ses ressources. Dès lors, et par application du II de l’article 199 ter I du code général des impôts, l’administration était fondée à reprendre entre ses mains l’avantage dont il avait indûment bénéficié.
6. Il résulte de ce qui précède que M. == n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
7. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’a pas la qualité de partie perdante, la somme que demande M. == au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. == == est rejetée.