Validité des actes administratifs – Compétence – suppléance Portée des dispositions de l’article L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales.
Par Administrateur le vendredi 8 juillet 2016, 07:33 - ACTES ADMINISTRATIFS - Lien permanent
En application des dispositions de l’article L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales, qui n’ont pas pour vocation de suppléer les délégations que le maire peut consentir à ses adjoints en vertu de l’article L. 2122-18 du même code, en cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le maire est provisoirement remplacé dans la plénitude de ses fonctions par un adjoint, dans l'ordre des nominations. Le refus de permis de construire du 7 septembre 2011 a été signé par le premier adjoint au maire « pour le maire empêché ». Il ne ressort pas des pièces du dossier, et la commune de Saint-Saturnin-du-Bois n'allègue d'ailleurs même pas, que le maire ait été absent ou empêché le jour où l'arrêté attaqué a été pris. Dès lors, le premier adjoint au maire n’était pas compétent pour prendre l’arrêté attaqué.
Cf. CE 23 mars 1992 Mme D== n° 95160.
Arrêt 14BX03439 – 1ère chambre - 7 juillet 2016 - Commune de Saint-Saturnin-des-Bois
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L’EARL Mignot a demandé au tribunal administratif de Poitiers d’annuler l’arrêté en date du 7 septembre 2011 par lequel le maire de la commune de Saint-Saturnin-du-Bois lui a refusé la délivrance d’un permis de construire une fumière couverte, un bloc de traite, des silos-couloirs, une fosse à purin et des couvertures d’aires d’exercices pour vaches laitières.
Par un jugement n° 1102422 du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l’arrêté en date du 7 septembre 2011.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 décembre 2014 sous le n° 14BX03439 et un mémoire enregistré le 24 mai 2016, la commune de Saint-Saturnin-du-Bois, représentée par Me Pielberg, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 9 octobre 2014 ;
2°) de rejeter la demande de l’EARL Mignot ;
3°) de mettre à la charge de l’EARL Mignot une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
…………………………………………………………………………………………….
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu : - le code de l’environnement ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code général des impôts ; - le code rural et de la pêche maritime ; - le code de l’urbanisme ; - l’arrêté du ministre de l'écologie et du développement durable du 7 février 2005 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les élevages de bovins, de volailles et/ou de gibier à plumes et de porcs soumis à déclaration au titre du livre V du code de l'environnement ; - le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Ont été entendus au cours de l’audience publique : -le rapport de M. Jean-Claude Pauziès ; -les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ; - et les observations de Me Puyt représentant la EARL Mingot ;
Vu la note en délibéré enregistrée à la cour le 9 juin 2016, présentée pour M. Mignot, par Me Drouineau ;
Considérant ce qui suit :
1. L’EARL Mignot exploite, sur le territoire de la commune de Saint-Saturnin-du-Bois, au lieu-dit « Thurigny », à proximité immédiate du centre bourg, un élevage de 175 vaches. Elle a déposé le 10 février 2011 une demande de permis de construire une fumière couverte, un bloc de traite, des silos-couloirs, une fosse à purin et des couvertures d’aires d’exercice pour vaches laitières. Par un arrêté du 7 septembre 2011, le maire a refusé de délivrer le permis de construire sollicité. Par jugement du 9 octobre 2014, le tribunal administratif de Poitiers a annulé le refus de permis de construire au motif que les travaux envisagés par l’EARL Mignot sont destinés à être réalisés dans le cadre d’une mise aux normes de l’exploitation dans la perspective d’une intégration au programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole et que les règles de distance d’implantation de cette construction n’étaient pas opposables à ce projet en application de l’arrêté du 7 février 2005. La commune de Saint-Saturnin-du-Bois relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. La commune de Saint-Saturnin-du-Bois soutient que les premiers juges n’ont pas suffisamment motivé leur jugement pour écarter la fin de non-recevoir tirée de ce que l’EARL Mignot ne se serait pas régulièrement acquittée du droit de timbre. Cette fin de non-recevoir a toutefois été écartée au motif que « la requête de l’EARL Mignot atteste du paiement de la contribution pour l’aide juridique prévue par les dispositions de l’article 1635 bis Q du code général des impôts en vigueur à la date d’enregistrement de la requête et que les conditions d’oblitération sont sans incidence sur la recevabilité de cette dernière. » Par suite, le défaut de motivation allégué ne peut qu’être écarté.
Sur la recevabilité de la demande :
3. L’article 1635 bis Q du code général des impôts, applicable à la date à laquelle la demande de l’EARL Mignot a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Poitiers, disposait que : « I.- Par dérogation aux articles 1089 A et 1089 B, une contribution pour l'aide juridique de 35 euros est perçue par instance introduite en matière civile, commerciale, prud'homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou par instance introduite devant une juridiction administrative. / II. - La contribution pour l'aide juridique est exigible lors de l'introduction de l'instance. Elle est due par la partie qui introduit une instance. ». Aux termes de l’article 405 D de l’annexe III au code général des impôts : « Les timbres sont apposés sous la responsabilité des redevables de l'impôt ou des personnes auxquelles incombe la remise des documents administratifs soumis au timbre dans les délais ci-après : a. S'il s'agit de documents administratifs au plus tard au moment de leur remise (…). ». L’article 405 F de cette même annexe dispose que : « l’oblitération manuscrite peut être remplacée par l’apposition à l’encre grasse (…) du cachet réglementaire à date de l’autorité ou du fonctionnaire compétent. ». Les timbres mobiles apposés sur la requête introductive d’instance ont effectivement été oblitérés par les services du greffe du tribunal, avec mention de la date de dépôt à l’accueil. Par suite, la demande était bien recevable.
Sur la légalité de l’arrêté du 7 septembre 2011 :
4. Aux termes de l’article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime : « Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes. /Dans les parties actuellement urbanisées des communes, des règles d'éloignement différentes de celles qui résultent du premier alinéa peuvent être fixées pour tenir compte de l'existence de constructions agricoles antérieurement implantées. Ces règles sont fixées par le plan local d'urbanisme ou, dans les communes non dotées d'un plan local d'urbanisme, par délibération du conseil municipal, prise après avis de la chambre d'agriculture et enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement. / Dans les secteurs où des règles spécifiques ont été fixées en application de l'alinéa précédent, l'extension limitée et les travaux rendus nécessaires par des mises aux normes des exploitations agricoles existantes sont autorisés, nonobstant la proximité de bâtiments d'habitations. / (…)». Le point 2.1.1 de l’annexe à l’arrêté du 7 février 2005 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les élevages de bovins, de volailles et/ou de gibier à plumes et de porcs soumis à déclaration au titre du livre V du code de l'environnement prévoit que : « (…) Les bâtiments d'élevage et leurs annexes sont implantés à au moins 100 mètres des habitations des tiers. ». Le point 2.1.4 de cette annexe précise : « Cas des élevages existants. / Les dispositions du 2.1.1, 2.1.2 et du 2.1.3 ne s'appliquent, dans le cas des extensions des élevages en fonctionnement régulier, qu'aux nouveaux bâtiments d'élevage ou à leurs annexes nouvelles. Elles ne s'appliquent pas lorsque l'exploitant doit, pour mettre en conformité son installation avec les dispositions du présent arrêté, réaliser des annexes ou aménager ou reconstruire sur le même site un bâtiment de même capacité (…) ». Enfin, l’article A2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Saturnin-du-Bois prévoit au titre des occupations et utilisations du sol soumises à conditions particulières que « Les installations agricoles génératrices de nuisances sont autorisées à condition qu’elles soient implantées conformément aux exigences de la règlementation (législations sur les installations classées et règlement sanitaire départemental) et à plus de 100 m des zones U, AU et secteurs Nh (…) ».
5. Le projet de l’EARL Mignot consiste à créer une surface couverte de 4 949 m² pour la construction d’une fumière couverte, d’un bloc-traite, de silos couloir, d’une fosse à purin et la couverture d’aires d’exercice pour les vaches laitières. Si l’EARL Mignot fait valoir que ce projet consiste à mettre aux normes l’exploitation dans le cadre d’un programme de maîtrise des pollutions agricoles, elle ne produit aucun document contemporain de la demande de permis de construire démontrant qu’elle s’engageait à suivre un tel programme, alors que la commune produit notamment un rapport de la direction départementale des services vétérinaires de la Charente-Maritime et un courrier de la direction départementale de l’agriculture et de la forêt de la Charente-Maritime indiquant que l’exploitant, M. Mignot, avait déclaré à deux reprises vouloir intégrer un programme de maîtrise des pollutions agricoles, en 1996 puis en 2006, sans y donner suite. Si l’EARL soutient également que la réalisation de nouveaux bâtiments couverts permettra d’améliorer le confort des animaux et de réduire les nuisances sonores, elle ne le démontre pas en l’état du dossier, alors qu’il est constant que les nouveaux bâtiments seront encore plus proches que précédemment des habitations de tiers, qui se plaignaient de graves nuisances, et que la distance aux habitations est inférieure à celle prescrite par les dispositions susvisées. Dans ces conditions, les travaux envisagés par l’EARL Mignot ne peuvent être regardés dans leur ensemble, alors même que la création d’une fosse à purin et d’une fumière peuvent apparaître comme de nature à réduire les nuisances, comme des travaux de mise en conformité de son installation avec les dispositions de l’arrêté du 7 février 2005. La circonstance que l’exploitation agricole bénéficierait d’une antériorité sur des locaux à usage d’habitation ne permet pas d’autoriser toute extension des bâtiments de cette exploitation agricole s’ils n’ont pas pour objet direct de satisfaire à une obligation de mise en conformité. Par suite, la commune de Saint-Saturnin-du-Bois est fondée à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont retenu le motif précité pour annuler l’arrêté de refus de permis de construire du 7 septembre 2011.
6. Il appartient à la Cour, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par l’EARL Mignot à l’appui de sa demande d’annulation du refus de permis de construire du 7 septembre 2011 devant le tribunal administratif de Poitiers.
7. Aux termes de l’article L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales : « En cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le maire est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint, dans l'ordre des nominations et, à défaut d'adjoint, par un conseiller municipal désigné par le conseil ou, à défaut, pris dans l'ordre du tableau ». Il résulte de ces dispositions législatives, qui n’ont pas pour vocation de suppléer les délégations que le maire peut consentir à ses adjoints en vertu de l’article L. 2122-18 du même code, qu’elles ne donnent compétence au suppléant que pour les actes dont l’accomplissement, au moment où il s’impose, serait empêché par l’absence du maire et ne permettrait donc pas un fonctionnement normal de l’administration municipale. Le refus de permis de construire litigieux a été signé par M. Barreau, premier adjoint au maire « pour le maire empêché ». Il ne ressort pas des pièces du dossier, et la commune de Saint-Saturnin-du-Bois n'allègue d'ailleurs même pas, que le maire ait été absent ou empêché le jour où l'arrêté attaqué a été pris. Par suite, le premier adjoint au maire n’était pas compétent pour prendre l’arrêté attaqué.
8. Si l’EARL Mignot soutient également qu’il ne peut lui être opposé l’existence des habitations voisines alors que la commune a choisi de délivrer des autorisations de construire dans le périmètre de l’installation agricole, elle n’assortit pas ce moyen de précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien fondé.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Saturnin-du-Bois n’est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Poitiers a annulé le refus de permis de construire opposé à l’EARL Mignot le 7 septembre 2011.
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire application de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Saint-Saturnin-du-Bois est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l’EARL Mignot présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.