Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés Artelia Ville et Transport et Artelia Eau et Environnement ont demandé au tribunal administratif de la Martinique, d’une part, d’annuler le marché public de maîtrise d’œuvre portant sur la réalisation d’une installation de stockage des déchets non dangereux conclu entre le syndicat mixte pour le traitement des ordures ménagères de Martinique (SMITOM) et la société Antéa France et d’autre part, de condamner le syndicat mixte pour le traitement des ordures ménagères de Martinique à leur verser une somme de 96 788,20 euros, ainsi que les intérêts au taux légal, en réparation du préjudice causé par leur éviction du marché litigieux.

Par un jugement n° 1300217 du 12 juin 2014, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 août 2014 et le 2 mars 2015, les sociétés Artelia Ville et Transport et Artelia Eau et Environnement, représentées par Me Delaire, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 12 juin 2014 ;

2°) d’annuler le marché public de maîtrise d’œuvre portant sur la réalisation d’une installation de stockage des déchets non dangereux conclu entre le syndicat mixte pour le traitement des ordures ménagères de Martinique et la société Antéa France ;

3°) de condamner le syndicat mixte pour le traitement des ordures ménagères de Martinique à leur verser une somme de 96 788,20 euros, ainsi que les intérêts au taux légal, en réparation du préjudice causé par son éviction du marché litigieux ;

4°) de mettre à la charge du syndicat mixte pour le traitement des ordures ménagères Martinique une somme de 4 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu : - le code des marchés publics ; - le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur ; - les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- et les observations de Me Delaire, représentant la Société Artelia Ville et Transport ainsi que la Société Artelia Eau et Environnement ;

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat mixte pour le traitement des ordures ménagères de Martinique (SMITOM) a publié le 26 mai 2012 au bulletin officiel des annonces des marchés publics et au journal officiel de l’Union européenne un avis d’appel public à la concurrence pour l’attribution d’un marché de maîtrise d’œuvre pour la conception d’une installation de stockage de déchets non dangereux sur le site de la carrière du Petit Galion au Robert. Ce marché a été attribué à la société Antéa France le 18 octobre 2012. Les sociétés Artelia Ville et Transport et Artelia Eau et Environnement, qui avaient présenté une candidature en groupement conjoint, ont demandé au tribunal administratif de la Martinique, d’une part, d’annuler ce marché public de maîtrise d’œuvre et d’autre part, de condamner le syndicat mixte pour le traitement des ordures ménagères de Martinique à leur verser une somme de 96 788,20 euros, ainsi que les intérêts au taux légal, en réparation du préjudice causé par leur éviction du marché litigieux. Les sociétés Artelia Ville et Transport et Artelia Eau et Environnement soutenaient que le pouvoir adjudicateur avait méconnu l’article 53 du code des marchés publics en ne rejetant pas comme irrégulière l’offre de la société Burgeap qui, en méconnaissance du règlement de consultation, n’avait pas effectué la visite du site obligatoire, ce qui avait eu pour conséquence, cette offre étant la moins onéreuse, de modifier leur propre notation au regard du critère du prix et par suite leur chance sérieuse de voir leur offre classée première. Par jugement du 12 juin 2014, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande. Les sociétés Artelia Ville et Transport et Artelia Eau et Environnement relèvent appel de ce jugement.

2. Aux termes de l’article 35 du code des marchés publics : « (…) Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation. (…) ». Aux termes de l’article 53 : « (…) Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. (…) ». Aux termes de l’article 4.2 du règlement de consultation du marché : « Pour le choix de l’offre, les candidats doivent produire les documents suivants réunis au sein d’un dossier « Offre » : (…) le récépissé de visite du site obligatoire. ». Aux termes de l’article 7.2 du même règlement : « Une visite obligatoire du site est à prévoir par le candidat, au maximum 10 jours avant la date limite de remise des offres (remise d’un récépissé lors de la visite à joindre au dossier d’offre.) ».

3. Le règlement de la consultation d’un marché est obligatoire dans toutes ses mentions et l’administration ne peut, dès lors, attribuer le marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par ce règlement. Toutefois, le pouvoir adjudicateur peut s'affranchir des exigences du règlement de la consultation quand la fourniture des éléments demandés ne présente pas d'utilité pour l'appréciation de l'offre, et il appartient à la juridiction saisie d’une contestation du marché de rechercher si le défaut de production d’une pièce pouvait justifier le rejet de l’offre en prenant en compte l’utilité de cette pièce pour l’appréciation de l’offre.

4. Les sociétés Artelia Ville et Transport et Artelia Eau et Environnement soutiennent que l’irrégularité formelle de l’offre de la société Burgeap a une incidence sur le contenu de cette offre et sur la bonne appréhension des besoins du pouvoir adjudicateur par le candidat, en se prévalant du rapport d’analyse des offres qui relève que le prix serait trop bas, que l’offre présenterait une qualité technique inférieure, une organisation moins claire et un planning difficilement lisible. Toutefois, et d’une part, il ne résulte pas de l’instruction et il n’est pas démontré par les sociétés requérantes que l’offre de prix proposée par la société Burgeap, moins élevée que celles des autres candidats, soit la conséquence de l’absence de visite du site. D’autre part, les griefs relatifs à la qualité de l’offre ont bien été pris en compte par la commission d’appel d’offres, qui a retenu que l’offre de la société Burgeap était insuffisante sur ce point par rapport aux autres candidats. Dans ces conditions, et ainsi que l’ont à juste titre relevé les premiers juges, malgré l’absence de visite du site, le pouvoir adjudicateur a pu apprécier la valeur de l’offre de la société Burgeap.

5. Par un courrier en date du 31 août 2012, la société Burgeap informait le maître d’ouvrage des motifs pour lesquels elle n’avait pas effectué la visite des lieux exigée dans le règlement de consultation, en faisant état de sa connaissance approfondie du site, qu’elle avait visité dès le 2 octobre 2010 dans le cadre d’un marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour la définition des modalités de mise en place de l’installation de stockage de déchets non dangereux, et pour lequel elle avait réalisé le dossier de demande de renouvellement de l’autorisation d’exploiter le gisement de la carrière de Petit Galion pour la société exploitante, ce qui lui avait permis de connaître l’état actuel du site, pour lequel elle faisait état d’une dernière visite en octobre 2011, les méthodes d’exploitation, les aspects hydrologiques, géologiques, géotechniques et environnementaux et les contraintes à prévoir. Il ne résulte pas de l’instruction que l’obligation de visite du site imposée par le règlement de consultation ait eu un autre objet que celui de permettre au pouvoir adjudicateur de s’assurer que l’ensemble des candidats connaissaient le lieu d’exécution du marché de maîtrise d’œuvre et les contraintes qui en découlaient. Dans ces conditions, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l’absence de visite du site et l’absence de récépissé ne pourraient être compensées par la circonstance que la société Burgeap avait connaissance des lieux en qualité d’attributaire d’un précédent marché, ni que le défaut de production d’un récépissé de visite aurait fait obstacle à un examen régulier de son offre.

6. Si les sociétés appelantes soutiennent également que le courrier en date du 31 août 2012 aurait été produit tardivement devant le tribunal, l’existence de ce courrier est cependant bien mentionnée dans le rapport d’analyse des offres et dans le procès verbal de la commission d’appel d’offres. Si les sociétés requérantes soutiennent aussi que ce courrier constitue une demande de dérogation à une règle fixée par le règlement de consultation qui aurait dû être proposée à l’ensemble des candidats afin de respecter une égalité de traitement, elles n’allèguent pas que les autres candidats avaient une connaissance du site semblable à celle de la société Burgeap. Enfin, il ne résulte pas de l’instruction que l’étude réalisée antérieurement par la société Burgeap lui ait apporté des informations qui auraient pu être utiles aux autres candidats pour le marché en litige dans des conditions imposant au maître d’ouvrage de communiquer ladite étude à ces candidats.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Artelia Ville et Transport et Artelia Eau et Environnement ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leurs conclusions à fin d’annulation du marché attribué à la société Antéa, et par voie de conséquence leurs conclusions indemnitaires.

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets (SMTVD), venant aux droits du syndicat mixte pour le traitement des ordures ménagères de Martinique, la somme que les sociétés requérantes demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de condamner les sociétés requérantes à verser une somme de 1 500 euros à la société Antéa France.

DECIDE :

Article 1er : La requête des sociétés Artelia Ville et Transport et Artelia Eau et Environnement est rejetée.

Article 2 : Les sociétés Artelia Ville et Transport et Artelia Eau et Environnement verseront à la société Antéa France une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.