Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’association La Demeure Historique, l’association Sepanso Dordogne, l’association de défense de la vallée de la Dordogne - Saint-Vincent-de-Cosse - Beynac - Fayrac – Vézac, la société N.E et Mme N ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler l’arrêté du 29 janvier 2018 par lequel la préfète de la Dordogne a délivré au département de la Dordogne une autorisation unique sur le fondement de l’article L. 214-3 du code de l’environnement pour la réalisation des travaux et l’exploitation des aménagements du contournement du bourg de Beynac-et-Cazenac sur le territoire des communes de Castelnaud-la-Chapelle, Vézac et Saint-Vincent-de-Cosse.

Par des jugements n°s 1800744, 1800970 et 1801193 du 9 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l’arrêté préfectoral du 29 janvier 2018 et a enjoint au département de la Dordogne de procéder à la démolition des éléments de construction déjà réalisés et à la remise en état des lieux.

Par un arrêt n° 19BX02327, 19BX02367, 19BX02369, 19BX02378, 19BX02421, 19BX02422, 19BX02423, 19BX02424 du 10 décembre 2019, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté les requêtes du département de la Dordogne tendant à l’annulation des jugements n°s 1800744, 1800970 et 1801193 du tribunal administratif de Bordeaux du 9 avril 2019 et a enjoint au département de la Dordogne d’engager le processus de démolition des éléments construits hors des berges et du lit de la Dordogne dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt et de procéder à l’ensemble des opérations de démolition des éléments construits de l’ouvrage de contournement et de remise en état des lieux dans un délai global de douze mois à compter de la notification de cet arrêt.

Procédure devant la cour :

I°/ L’association La Demeure Historique a présenté le 23 juillet 2020, une demande n° 21BX02843 en vue d’obtenir l’exécution de l’arrêt n° 19BX02327, 19BX02367, 19BX02369, 19BX02378, 19BX02421, 19BX02422, 19BX02423, 19BX02424 rendu le 10 décembre 2019 par la cour.

Par une ordonnance en date du 21 juillet 2021, la présidente de la cour a décidé l’ouverture d’une procédure juridictionnelle.

Par un mémoire enregistré le 15 décembre 2021, l’association La Demeure Historique, représentée par la SARL Cabinet Briard, demande à la cour :

1°) d’enjoindre au préfet de la Dordogne et au département de la Dordogne de remettre en état le cours d’eau, ses abords et l’ensemble des terrains ayant été modifiés ou transformés, sous astreinte de 100 000 euros par jour à compter de la notification de l’ordonnance emportant injonction ;

2°) de mettre à la charge du département de la Dordogne la somme de 15 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Considérant ce qui suit :

1. Afin notamment de répondre aux difficultés de circulation qui affectent la route départementale 703 reliant Bergerac à Sarlat-la-Canéda, dans sa partie traversant en bordure de la Dordogne la commune de Beynac-et-Cazenac, le département de la Dordogne a décidé de réaliser, sur le territoire des communes de Saint-Vincent-de-Cosse, Castelnaud-la-Chapelle et Vézac, une voie de contournement par le sud du bourg de Beynac-et-Cazenac comportant principalement une voie nouvelle de 3,2 kilomètres, deux ouvrages d’art de franchissement de la Dordogne en amont et en aval du bourg, un passage sous la voie ferrée reliant Sarlat-la-Canéda et Bergerac, l’aménagement des carrefours de jonction et la création d’une voie parallèle dédiée aux circulations douces. Le 29 janvier 2018, le préfet de la Dordogne a délivré au département une autorisation unique valant autorisation au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, autorisation de défrichement au titre des articles L. 214-13 et L. 341-3 du code forestier, accord au titre de l’article L. 414-4 du code de l’environnement concernant la protection des sites Natura 2000 et dérogation aux interdictions d’atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats en application de l’article L. 411-2 du code de l’environnement.

2. Par quatre jugements du 9 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux, saisi par la société N.E inc, Mme N, l’association Sepanso Dordogne, l’Association de défense de la vallée de la Dordogne, l’Association de sauvegarde de la vallée de la Dordogne, la Fédération patrimoine-environnement, M. O, Mme Q et l’association La Demeure Historique, a prononcé l’annulation de cet arrêté préfectoral du 29 janvier 2018. Par l’un de ces quatre jugements, il a, en outre, ordonné au département de la Dordogne de procéder à la démolition des éléments de construction déjà réalisés et à la remise en état des lieux.

3. Par un arrêt du 10 décembre 2019, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté les requêtes du département de la Dordogne tendant à l’annulation des jugements du tribunal administratif de Bordeaux du 9 avril 2019 et a enjoint au département d’engager le processus de démolition des éléments construits hors des berges et du lit de la Dordogne dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt et de procéder à l’ensemble des opérations de démolition des éléments construits de l’ouvrage de contournement et de remise en état des lieux dans un délai global de douze mois à compter de la notification de l’arrêt. Par une décision n° 438403 du 29 juin 2020, le Conseil d’Etat n’a pas admis le pourvoi du département de la Dordogne dirigé contre cet arrêt.

4. Les requêtes susvisées n°s 21BX02843, 21BX02844, 21BX02845, tendant à ce soit assurée l’exécution de l’arrêt du 10 décembre 2019, présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l’exécution de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 10 décembre 2019 :

5. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ». Aux termes de l’article L. 911-4 du même code : « En cas d’inexécution d’un jugement, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif qui a rendu la décision d’en assurer l’exécution. Si le jugement dont l’exécution est demandée n’a pas défini les mesures d’exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai et prononcer une astreinte ».

6. Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision.

7. Si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambigüité, en préciser la portée. Le cas échéant, il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites, ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée. En particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision.

8. Il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l’exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être.

9. Il résulte de l’instruction que, à la date de l’arrêt de la cour du 10 décembre 2019, avaient été réalisés une partie des culées des deux ponts du Pech et de Fayrac, les fondations dans le lit du cours d’eau des piles de ces deux ouvrages d’art, trois des sept piles de l’ouvrage d’art du Pech et deux des huit piles de l’ouvrage d’art de Fayrac, le radier du pont-rail des Milandes et le dévoiement de la route départementale n° 53 et de la voie communale n° 2 à Castelnaud-la-Chapelle. L’exécution de cet arrêt comportait nécessairement pour le département de la Dordogne l’obligation de démolir les ouvrages construits. Or, à la date de la présente décision, aucune mesure tendant à la démolition effective de ces ouvrages n’a été prise. Le département soutient être dans une impossibilité juridique et matérielle de réaliser les travaux de démolition ordonnés par la cour.

En ce qui concerne l’impossibilité alléguée de déférer aux mesures d’exécution ordonnées par la cour :

10. En premier lieu, ainsi que l’a relevé la cour dans son arrêt du 10 décembre 2019 dont l’exécution est demandée, la démolition des parties d’ouvrage réalisées aura nécessairement des conséquences sur l’environnement, notamment sur les espèces protégées présentes sur le site. Cependant, dans le cadre du prononcé de l’injonction, la cour a estimé que compte tenu des mesures d’accompagnement qui devront être prises, notamment pour limiter les matières en suspension, et du choix des techniques à mettre en œuvre, il n’apparaît pas que ces conséquences seraient à moyen et long termes, et compte tenu de la restitution du site dans son état initial, plus lourdes que celles qui résulteraient de la disparition définitive des habitats d’espèces protégées détruits, et a enjoint au département de procéder à la démolition des parties d’ouvrages réalisées et à la remise en état des lieux. Le département de la Dordogne ne peut donc utilement soutenir que l’atteinte portée aux espèces protégées et à leurs habitats induite par la démolition des ouvrages réalisés fait obstacle à l’exécution de l’arrêt de la cour dès lors qu’une telle considération a pour objet de remettre en cause le bien-fondé de l’injonction de démolition et de remise en état des lieux prononcée, ce qu’il n’appartient pas au juge de l’exécution de faire. Par ailleurs, la seule circonstance que de nouvelles espèces protégées auraient été identifiées sur le site ne saurait constituer en soi un obstacle à l’exécution de l’injonction ordonnée par la cour.

11. En deuxième lieu, suite à l’arrêt de la cour du 10 décembre 2019, le préfet de la Dordogne, par un arrêté du 30 juin 2020, a édicté des prescriptions visant à encadrer les travaux de démolition des éléments construits dans le cadre du projet de contournement du bourg de Beynac-et-Cazenac et de remise en état des lieux sur les communes de Castelnaud-la-Chapelle, Vézac et Saint-Vincent-de-Cosse. Ces prescriptions imposent au département de porter à la connaissance du préfet, avant et pendant le processus de démolition des ouvrages concernés, tout élément relatif aux modalités d’exécution des travaux, notamment un descriptif des méthodes mises en œuvre et de leurs impacts potentiels sur les milieux naturels aquatiques et terrestres et les espèces présentes, le calendrier d’exécution de la déconstruction et de la remise en état comportant un état initial de l’environnement de l’emprise des travaux avant chaque étape de la déconstruction, une méthodologie de suivi de l'impact environnemental des travaux, un descriptif des précautions envisagées pour réduire toute nuisance, les modalités de gestion des déchets de chantier et les modalités de restauration du site. Ces échanges avec les services de l’Etat en charge de la police de l'eau et de la conservation des espèces protégées prennent également la forme d’un comité de suivi, institué à l’article 4 de cet arrêté, qui se réunit en tant que de besoin et a minima tous les deux mois. Cependant, l’arrêté préfectoral du 30 juin 2020, qui vise seulement à instaurer un suivi par les services de l’Etat des travaux de démolition à mettre en œuvre, n’a ni pour objet, ni pour effet de faire obstacle à l’exécution des mesures ordonnées par la cour. En effet, il ne résulte pas de l’instruction que les prescriptions édictées par le préfet, en particulier celles relatives à la phase avant travaux, impliquaient la mise en œuvre d’études d’une ampleur et d’une complexité telles qu’elles faisaient obstacle à ce que les travaux de démolition soient effectivement engagés dans le délai de douze mois imparti par la cour. Le département de la Dordogne n’est, dès lors, pas fondé à soutenir que la mise en œuvre des prescriptions de l’arrêté du 30 juin 2020 rendait impossible l’exécution des travaux de démolition.

12. En troisième lieu, l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt de la cour du 10 décembre 2019, devenu irrévocable, et dont la teneur a été rappelée ci-dessus au point 10, s’impose tant au juge qu’aux parties. La prise en compte des intérêts environnementaux dans les modalités d’exécution de cet arrêt a par ailleurs fait l’objet de prescriptions édictées par le préfet, ainsi qu’il a été dit au point 11. Dans ces conditions, le département n’est pas fondé à soutenir que la démolition ordonnée par la cour serait subordonnée à la délivrance d’une autorisation environnementale, en particulier une dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées et de leurs habitats en application de l’article L. 411-2 du code de l’environnement.

13. En quatrième lieu, il résulte de l’instruction, en particulier de l’étude géotechnique réalisée par le maître d’œuvre Egis, que la démolition des piles de ponts en berge et dans le lit de la Dordogne, envisagée par l’utilisation d’un brise-roche hydraulique, va générer des risques de fracturation du toit calcaire dans lequel les fondations des piles sont ancrées et par suite des risques de déstabilisation du fond de lit du cours d’eau, de résurgence et de pollution de la nappe souterraine. Selon les éléments de cette étude, l’usage d’un brise-roche hydraulique induit des vibrations importantes transmises à la structure calcaire déjà fragilisée et l’enlèvement des pieux de piles entraînera un affaiblissement de cette structure. Toutefois, il est proposé, au titre des mesures d’évitement et de réduction des impacts, de consolider les éventuelles fracturations laissées dans le toit calcaire par l’injection de matériaux structurants tels que le béton. Il ne résulte pas de l’instruction que les risques liés à la démolition des piles de ponts, en particulier de leurs fondations enfouies sous le lit du cours d’eau, ne pourraient être réduits par cette mesure ou par l’utilisation d’autres méthodes de démolition. A cet égard, et alors que le maître d’œuvre Egis a également précisé qu’aucune technique ou combinaison de techniques de démolition n’est sans risque, il ne résulte pas de l’instruction que ces risques rendraient impossible la démolition totale des piles de ponts présentes en berge et dans le lit de la Dordogne. Dans la mesure où des conséquences sur l’environnement sont inévitables quelle que soit la méthode de démolition choisie, il appartient seulement au département de la Dordogne de choisir la méthode la moins impactante, notamment sur la biodiversité. Ainsi, si les circonstances invoquées par le département de la Dordogne révèlent des difficultés d’exécution des travaux de démolition s’agissant des piles de ponts en berge et en lit de la Dordogne, ces circonstances ne constituent cependant pas une impossibilité de nature à faire obstacle à toute exécution de l’arrêt.

14. En cinquième lieu, eu égard aux risques de fracture du toit calcaire et de pollution de la nappe souterraine liés à la démolition des piles de ponts, les services de l’Etat ont suggéré, au cours des réunions du comité de suivi qui se sont tenues entre août 2020 et novembre 2021, de laisser en l’état les fondations des piles de ponts enfouies sous le lit du cours d’eau. Il résulte de l’instruction, et n’est d’ailleurs pas contesté, que la conservation de ces fondations ne fait pas obstacle à la restauration des habitats d’espèces protégées détruits. En outre, si le département de la Dordogne fait valoir que le maintien des fondations des piles de ponts présente un risque pour la sécurité des usagers (embarcations, baigneurs…), il ne résulte de l’instruction ni que cette situation présenterait plus de risques que celle existante alors que les fondations des piles de ponts sont d’ores-et-déjà susceptibles d’être mises à découvert eu égard au caractère mouvant du fond du lit du cours d’eau en fonction des crues, ni qu’il ne pourrait être remédié à ces éventuels risques pour la sécurité des usagers. Dans ces conditions, et contrairement à ce qui est soutenu, la méthode consistant à araser les piles de ponts telle que préconisée par les services de l’Etat peut être envisagée eu égard aux connaissances techniques existantes à la date de la présente décision, sans que les termes de l’injonction ordonnée par la cour le 10 décembre 2019 y fassent obstacle.

15. En sixième lieu, il ne résulte pas de l’instruction que la démolition des ouvrages hors des berges et du lit de la Dordogne, à savoir le radier du pont-rail des Milandes et le dévoiement de la route départementale n° 53 et de la voie communale n° 2 à Castelnaud-la-Chapelle, serait impossible ni même que leur démolition présenterait des difficultés techniques particulières. Si le département de la Dordogne soutient que la nouvelle voie est mise en circulation depuis 2018, que cette partie d’ouvrage ainsi que les bassins d’eaux pluviales présentent un intérêt pour la sécurité publique, l’amélioration du réseau routier et la desserte de plusieurs propriétés, de telles considérations ont pour objet de remettre en cause le bien-fondé de l’injonction de démolition et de remise en état des lieux prononcée. Or, il n’appartient pas au juge de l’exécution de remettre en cause les mesures qui ont été ordonnées par l’arrêt de la cour du 10 décembre 2019.

16. Il résulte de tout de ce qui précède que le département de la Dordogne ne fait état d’aucune circonstance de fait ou de droit qui serait de nature à établir l’impossibilité pour lui d’exécuter l’arrêt de la cour du 10 décembre 2019.

En ce qui concerne les diligences accomplies par le département à la date de la présente décision :

17. Il résulte de l’instruction que de nombreuses études environnementales ont été menées depuis l’arrêt du chantier en 2018 prenant la forme d’un suivi environnemental continu par le bureau d’études SEGED, des visites du site par un écologue faune et un botaniste pour la mise à jour de l’état initial du site, un état des lieux environnemental, une analyse multicritères des solutions de démolition des ouvrages d’art, une campagne topographique et un recensement des matériaux, une campagne de mesures acoustiques réalisée au niveau de la route départementale n° 53, un contrôle technique des estacades et de l’enlèvement des embâcles, une étude paysagère sur la restauration des végétaux détruits et la définition de mesures d’évitement, de réduction et de compensation. Dans ces conditions, le département de la Dordogne doit être regardé comme disposant des informations suffisantes pour engager les travaux de démolition effective des ouvrages concernés. Or, à la date de la présente décision, il n’a pas pris les mesures propres à assurer l’exécution de l’arrêt de la cour.

18. A la suite de la notification de l’arrêt de la cour du 10 décembre 2019, le département a établi un calendrier prévisionnel avec un début des travaux prévu en 2023, soit d’emblée en dehors des délais impartis. Ces délais prévisionnels résultaient de la volonté du département de réaliser des études environnementales complètes en vue du dépôt d’une demande d’autorisation environnementale alors que, d’une part, il ne résulte pas de l’instruction que des études aussi poussées étaient nécessaires dans la mesure où le bureau d’études SEGED a réalisé un suivi environnemental continu depuis la décision du Conseil d’Etat du 28 décembre 2018 de suspendre l’exécution de l’autorisation unique du 29 janvier 2018 et, d’autre part, qu’une autorisation environnementale n’était pas requise. A cet égard, le département a maintenu ce calendrier particulièrement long alors que les services de l’Etat, au cours des huit réunions du comité de suivi, ont constamment indiqué qu’aucune autorisation préfectorale n’était nécessaire pour exécuter les travaux de démolition ordonnés par la cour et que les délais consacrés aux études pouvaient être nettement réduits au vu des connaissances du site dont disposait déjà le département. Malgré ces désaccords avec les services de l’Etat quant à la portée de l’injonction ordonnée par la cour, le département n’a pas fait usage de la faculté de formuler auprès de la cour une demande d’éclaircissements, sur le fondement de l’article R. 921‑1 du code de justice administrative, sur les modalités d’exécution de l’arrêt, ce que les services de l’Etat l’avaient pourtant invité à faire. Par ailleurs, s’il a lancé en janvier 2020 une procédure pour choisir le maître d’œuvre chargé de réaliser les études préalables aux travaux de démolition, la procédure pour choisir l’entreprise chargée d’exécuter les travaux n’a toujours pas été engagée à la date de la présente décision, soit plus de deux ans et demi après l’arrêt de la cour. Le département a contesté à de multiples reprises le bien-fondé de l’arrêt de la cour lors des réunions du comité de suivi et par voie de presse. Le conseil départemental a d’ailleurs approuvé le 10 novembre 2021 une délibération demandant au préfet de prendre un nouvel arrêté autorisant la poursuite des travaux de construction du contournement du bourg de Beynac-et-Cazenac. La volonté du département, à tout le moins, de retarder l’exécution de l’arrêt de la cour du 10 décembre 2019 est ainsi manifeste.

En ce qui concerne l’injonction et l’astreinte :

19. Sur la base du dernier état des études réalisées, le département de la Dordogne prévoit un phasage différencié des travaux consistant à procéder d’abord à la démolition des ouvrages d’art, notamment les piles des ponts du Pech et de Fayrac, puis à celle des voiries aux motifs que le remploi des matériaux des estacades pour la route départementale n° 53 implique la remise en état de la route postérieurement aux travaux de démolition dans la Dordogne, qu’il est préférable de permettre la circulation des camions de chantier sur les voiries existantes et qu’il n’est pas pertinent de commencer par la démolition de la route départementale n° 53 qui serait préjudiciable à l’évacuation des matériaux. Il résulte de l’instruction que le phasage de travaux ainsi choisi par le département présente des avantages techniques et financiers et n’implique pas nécessairement un allongement de la durée prévisionnelle totale des travaux de démolition. Ainsi, eu égard aux éléments portés à la connaissance du juge de l’exécution à la date de la présente décision, il est loisible au département de déterminer l’ordre dans lequel les ouvrages réalisés seront démolis.

20. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de prononcer à l’encontre du département, à défaut pour lui de justifier de l’engagement du début des travaux de démolition dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, une astreinte définitive de 3 000 euros par jour jusqu’au début effectif des travaux. Il y a également lieu, dans les circonstances de l’espèce, de prononcer à l’encontre du département, à défaut pour lui de justifier de la réalisation de l’ensemble des travaux de démolition et de la remise en état des lieux dans un délai de douze mois à compter de la notification de la présente décision, une astreinte de 5 000 euros par jour jusqu’à l’achèvement des travaux.

21. En revanche, si l’association La Demeure Historique demande qu’il soit enjoint au préfet de la Dordogne de procéder aux travaux de démolition et si l’association Sepanso Dordogne, l’association de défense de la vallée de la Dordogne - Saint-Vincent-de-Cosse - Beynac - Fayrac - Vézac, la société N.E, Mme N et M. E demandent que la cour autorise le préfet de la Dordogne à se substituer au département et à procéder à ses frais aux travaux de démolition, de telles modalités sont de nature à remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites par la cour, laquelle avait désigné le seul département de la Dordogne comme responsable de l’exécution de son arrêt. Or, ainsi qu’il a été dit au point 7, le juge de l’exécution ne peut édicter de nouvelles mesures si elles sont de nature à remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge des requérants, qui ne sont pas les parties perdantes dans les présentes instances, les sommes demandées par le département de la Dordogne au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du département de la Dordogne une somme de 1 500 euros à verser à l’association La Demeure Historique, une somme de 1 500 euros à verser globalement à l’association Sepanso Dordogne et à l’association de défense de la vallée de la Dordogne - Saint-Vincent-de-Cosse - Beynac - Fayrac - Vézac et une somme de 1 500 euros à verser globalement à la société N.E, Mme N et M. E, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Une astreinte définitive est prononcée à l’encontre du département de la Dordogne s’il ne justifie pas avoir, dans les six mois suivant la notification du présent arrêt, engagé le début des travaux de démolition ordonnés par la cour dans son arrêt du 10 décembre 2019. Le taux de cette astreinte définitive est fixé à 3 000 euros par jour, à compter de l’expiration du délai de six mois suivant la notification du présent arrêt, jusqu’au début effectif des travaux.

Article 2 : Une astreinte est prononcée à l’encontre du département de la Dordogne s’il ne justifie pas avoir, dans les douze mois suivant la notification du présent arrêt, procédé à la réalisation de l’ensemble des travaux de démolition et à la remise en état des lieux. Le taux de cette astreinte est fixé à 5 000 euros par jour, à compter de l’expiration du délai de douze mois suivant la notification du présent arrêt, jusqu’à l’achèvement des travaux.

Article 3 : Le département de la Dordogne communiquera à la cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter l’arrêt mentionné à l’article 1er.

Article 4 : Le département de la Dordogne versera la somme de 1 500 euros à l’association La Demeure Historique, la somme de 1 500 euros globalement à l’association Sepanso Dordogne et l’association de défense de la vallée de la Dordogne- Saint-Vincent-de-Cosse - Beynac - Fayrac - Vézac, et la somme de 1 500 euros globalement à la société N.E, Mme N et M. E au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.