Séjour des étrangers. Renouvellement d’un titre de séjour de plein droit. Motifs de refus de renouvellement.
Par Sylvie le lundi 26 octobre 2020, 10:45 - ETRANGERS - Lien permanent
Les stipulations de l’article 7 ter de l’accord franco-algérien subordonnent la première délivrance du certificat de résidence mention « retraité » à la condition que le ressortissant algérien ait établi ou établisse sa résidence habituelle hors de France. Une telle condition n'est pas prévue par ces stipulations pour le renouvellement de ce certificat, qui est de plein droit. Le préfet commet dès lors une erreur de droit en rejetant la demande de renouvellement du certificat de résidence mention « retraité » dont le demandeur est détenteur au motif tiré de ce que l’intéressé ne justifie pas d’une résidence habituelle hors de France.
Arrêt n°19BX04795 – 22 octobre 2020 – 2ème et 1ère chambres réunies – M. B – C+ Comparer, sur le renouvellement automatique du certificat de résidence valable dix ans prévu à l’article 7 bis de l’accord franco-algérien : CE, 14 février 2001, Ministre de l'intérieur c/ Belmehdi, n°206914, p. 64.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 18 décembre 2019, 3 janvier 2020, 29 avril 2020 et 28 mai 2020, M. B==, représenté par Me M==, demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 29 mai 2019 ;
2°) d’annuler les décisions du préfet de la Haute-Vienne des 12 août et 15 décembre 2016 ;
3°) d’enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans et, subsidiairement, de prendre une décision, dans le délai d’un mois ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat le paiement à son conseil de la somme de 2 400 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 12 août 2016, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de faire droit à la demande de M. B==, ressortissant algérien, de renouvellement de son certificat de résidence mention « retraité » valable du 24 novembre 2005 au 23 novembre 2015, au motif qu’il devait justifier d’une résidence habituelle hors de France. M. B== a présenté le 6 septembre 2016 un recours gracieux contre cette décision, rejeté par une décision du 15 décembre suivant par laquelle le préfet a réitéré l’exigence d’une résidence habituelle hors de France et ajouté que l’intéressé n’établissait pas avoir effectué des séjours de moins d’un an en France. Par une requête enregistrée le 12 mars 2017 sous le n° 1700371, M. B== a demandé au tribunal administratif de Limoges d’annuler la décision du préfet de la Haute-Vienne du 12 août 2016 portant refus de renouvellement de son titre de séjour. Par une seconde requête enregistrée le 12 mai 2017 sous le n° 1700692, il a demandé au tribunal administratif de Limoges d’annuler la décision du 15 décembre 2016 portant rejet de son recours gracieux. M. B== relève appel du jugement du 29 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges, après les avoir jointes, a, à l’article 1er du jugement, rejeté ces demandes, et, à l’article 2 du jugement, prononcé le retrait de l’aide juridictionnelle qui avait été accordée dans l’instance n° 1700692.
Sur la légalité des décisions du préfet de la Haute-Vienne des 12 août et 15 décembre 2016 :
2. Aux termes de l’article 7 ter de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : « Le ressortissant algérien, qui, après avoir résidé en France sous couvert d’un certificat de résidence valable dix ans, a établi ou établit sa résidence habituelle hors de France et qui est titulaire d’une pension contributive de vieillesse, de droit propre ou de droit dérivé, liquidée au titre d’un régime de base français de sécurité sociale, bénéficie, à sa demande, d’un certificat de résidence valable dix ans portant la mention « retraité ». Ce certificat lui permet d’entrer à tout moment sur le territoire français pour y effectuer des séjours n’excédant pas un an. Il est renouvelé de plein droit. Il n’ouvre pas droit à l’exercice d’une activité professionnelle (…) ».
3. Pour rejeter la demande de renouvellement du certificat de résidence valable dix ans portant la mention « retraité » dont M. B== était détenteur, le préfet de la Haute-Vienne s’est fondé sur le motif tiré de ce que l’intéressé ne justifiait pas d’une résidence habituelle hors de France. Il résulte toutefois des stipulations précitées de l’article 7 ter de l’accord franco-algérien que, si la première délivrance du certificat de résidence mention « retraité » est subordonnée à la condition que le ressortissant algérien ait établi ou établisse sa résidence habituelle hors de France, une telle condition n'est pas prévue pour le renouvellement de ce certificat, qui est de plein droit. Dès lors, et ainsi que le soutient l’appelant, la décision du 12 août 2016 du préfet de la Haute Vienne, confirmée le 15 décembre 2016 sur recours gracieux, est entachée d’une erreur de droit. Les décisions contestées doivent ainsi être annulées. Par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, M. B== est fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes tendant à l’annulation de ces décisions.
Sur le retrait de l’aide juridictionnelle accordée au titre de l’instance n° 1700692 :
4. En premier lieu, aux termes de l’article 50 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique : « Sans préjudice des sanctions pénales éventuellement encourues, le bénéfice de l’aide juridictionnelle (…) est retiré, en tout ou partie, dans les cas suivants : (…) / 3° lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l’aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive ». L’article 51 de cette loi précise que : « Le retrait de l'aide juridictionnelle peut être demandé par tout intéressé. Il peut également intervenir d'office. (…) Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l’aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive, la juridiction saisie prononce le retrait total de l’aide juridictionnelle ».
5. Ces dispositions instaurent au profit du juge, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le pouvoir de prononcer le retrait total de l’aide juridictionnelle accordée pour une requête qu’il juge abusive ou dilatoire. Aucun texte ni aucun principe n’astreint le juge aux exigences d'une procédure contradictoire lorsqu’il prononce d’office cette mesure. Dès lors, en prononçant d’office le retrait de l’aide juridictionnelle accordée à M. B== dans l’instance n° 1700692, sans l’avoir mis à même de présenter des observations, le tribunal administratif n’a méconnu ni le caractère contradictoire de la procédure, ni en tout état de cause un principe de « loyauté » de la procédure juridictionnelle. Le requérant n’est par suite pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier sur ce point.
6. En second lieu, M. B== a présenté devant le tribunal administratif de Limoges, les 12 mars et 12 mai 2017, deux requêtes distinctes, enregistrées respectivement sous les numéros 1700371 et 1700692, tendant pour la première à l’annulation de la décision du 12 août 2016 de refus de renouvellement de son titre de séjour et pour la seconde à l’annulation de la décision du 15 décembre 2016 portant rejet de son recours gracieux, et a bénéficié de l’aide juridictionnelle pour chacune de ces deux requêtes. L’exercice d’un recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, la seconde requête de M. B== dirigée contre la décision du 15 décembre 2016 portant rejet de son recours gracieux devait nécessairement être regardée comme étant dirigée contre la décision initiale du 12 août 2016. Cette seconde requête, présentée par un professionnel du droit, avait dès lors le même objet que sa première requête, laquelle avait en outre été enregistrée postérieurement au rejet de son recours gracieux, et comportait d’ailleurs une argumentation similaire et des conclusions à fin d’injonction identiques aux fins de renouvellement de son certificat de résidence mention « retraité ». Dans ces conditions, et ainsi que l’ont estimé les premiers juges, la requête enregistrée sous le n° 1700692 revêtait un caractère abusif au sens des dispositions des articles 50 et 51 de la loi du 10 juillet 1991. M. B== n’est dès lors pas fondé soutenir que c’est à tort que, par l’article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a prononcé le retrait de l’aide juridictionnelle qui lui avait été accordée dans l’instance n° 1700692.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B== est seulement fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes tendant à l’annulation des décisions des 12 août 2016 et 15 décembre 2016 du préfet de la Haute-Vienne.
Sur les conclusions à fin d’injonction :
8. L’annulation des décisions contestées implique, compte tenu du motif retenu, que le préfet de la Haute-Vienne délivre à M. B== un certificat de résidence valable dix ans portant la mention « retraité ». Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’enjoindre au préfet d’y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais exposés par les parties à l’occasion du litige :
9. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat le paiement à Me M==, conseil de M. B==, d’une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve pour Me M== de renoncer au bénéfice de la part contributive de l’Etat à l’aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : L’article 1er du jugement du tribunal administratif de Limoges du 29 mai 2019 et les décisions des 12 août 2016 et 15 décembre 2016 du préfet de la Haute-Vienne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Vienne de délivrer à M. B== un certificat de résidence valable dix ans portant la mention « retraité » dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L’Etat versera à Me M== une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 dans les conditions précisées au point 9 du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B== est rejeté.