Intérêt pour agir
Par Sylvie le mercredi 29 novembre 2017, 07:08 - PROCEDURE - Lien permanent
Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France peut, en vertu des dispositions de l’article L. 411-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sous certaines conditions de durée de séjour, de ressources et de logement, demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, notamment par son conjoint. Il en va de même s’agissant d’un ressortissant algérien en vertu des stipulations de l’article 4 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968. La circonstance que le droit au regroupement familial soit ainsi ouvert au bénéfice du seul conjoint en situation régulière en France auquel il appartient de présenter la demande de regroupement, ne fait pas obstacle à ce que le conjoint visé par une telle demande ait intérêt personnel à contester le refus qui y a été opposé.
Arrêt 17BX02877 – 5ème chambre - 28 novembre 2017 – Mme M=== épouse A=== et M. A=== Solution contraire à CAA de Nancy 15NC00475 du 2 juillet 2015
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F== M==, épouse A== et M. I== A== ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 22 février 2016 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a classé sans suite la demande de regroupement familial formée par Mme M== au bénéfice de son époux.
Par un jugement n° 1601038 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 août 2017, Mme M== épouse A==, et M. A==, représentés par Me Escudier, demandent à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 juillet 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 février 2016 du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de mettre en œuvre la procédure de regroupement familial en faveur de M. A== et de lui délivrer une carte de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à leur profit d’une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. …………………………………………………………………………………………….
Considérant ce qui suit :
1. Mme M==, épouse A==, ressortissante algérienne, titulaire d’une carte de résident valable jusqu’au 20 septembre 2020, a demandé le 15 septembre 2015 au préfet de la Haute Garonne le bénéfice du regroupement familial en faveur de son mari, M. A==, également de nationalité algérienne, entré en France en novembre 2012. Le 22 février 2016, le préfet de la Haute-Garonne a informé Mme M== du classement sans suite de cette demande par une décision qui, eu égard à ces motifs, doit être regardée comme valant rejet de la demande de regroupement familial. Ils relèvent appel du jugement n° 1601038 du 6 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes d’annulation de cette décision du 22 février 2016.
Sur la régularité du jugement :
2. L’époux d’une ressortissante étrangère, au bénéfice duquel cette dernière a présenté une demande de regroupement familial, justifie d’un intérêt donnant qualité pour agir contre le refus opposé à cette demande. M. A==, époux de Mme M== de nationalité algérienne, au bénéfice duquel son épouse avait sollicité le regroupement familial, justifiait ainsi d’un intérêt à agir contre le refus opposé par le préfet de la Haute-Garonne à cette demande. Par suite, c’est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi en tant qu’elle émanait de M. A==. Son jugement du 6 juillet 2017 doit dès lors être annulé sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens d’irrégularité soulevé.
3. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les époux A== devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur la légalité du rejet de la demande de regroupement familial :
4. La décision contestée du 22 février 2016 indique que les conditions fixées par l’article 4 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ne sont pas satisfaites, notamment celles relatives à l’exclusion du bénéfice du regroupement au profit d’une personne en situation irrégulière sur le territoire. Elle mentionne également que « l’examen attentif de votre situation personnelle et familiale notamment au regard de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne me permet pas de réserver une suite favorable à votre demande ». Une telle motivation énonce suffisamment les considérations de fait et de droit qui ont conduit le préfet à refuser le regroupement familial demandé et répond aux exigences de motivation édictées par l’article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
5. En vertu des stipulations de l’article 4 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : « Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. / Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1 – le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance. / 2. Le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France/ Peut être exclu de regroupement familial : / (...) 2 Un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français. ».
6. Il ressort des termes mêmes de la décision que le préfet de la Haute-Garonne, pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par Mme M== au bénéfice de son époux, M. A==, ne s’est pas fondé exclusivement sur la situation irrégulière de celui-ci et a examiné si sa décision portait une atteinte excessive au droit au respect de la vie familiale des intéressés. Il en résulte qu’il ne s’est pas cru à tort en situation de compétence liée pour rejeter la demande au seul motif de l’irrégularité du séjour en France de M. A==. Par suite les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision attaquée serait entachée d’erreur de droit.
7. Il est constant que M. A== réside en France en situation irrégulière depuis novembre 2012. Par suite, en application des stipulations précitées de l’accord franco-algérien, le préfet de la Haute-Garonne pouvait légalement refuser à Mme M== le bénéfice du regroupement familial pour son mari sans qu’y fasse obstacle la circonstance qu’elle satisferait aux conditions de ressources et de logement prescrites par ces stipulations.
8. Pour soutenir que le refus de regroupement familial porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale, les requérants font valoir l’ancienneté de leur mariage et la naissance en France de leurs deux enfants, l’implication de M. A== dans l’épanouissement de sa famille et la proximité avec deux sœurs, titulaires de cartes de résident de dix ans. Toutefois, le mariage n’a été célébré que le 18 juin 2015, soit moins d’un an avant que soit prise la décision de refus de regroupement familial, et ils n’établissent ni même n’invoquent l’existence d’une vie commune antérieure. Ils ne peuvent utilement se prévaloir de la naissance de leurs deux enfants, tous deux nés postérieurement à la décision du 22 février 2016, ni par suite de l’implication de leur père à leurs côtés. Enfin, la seule présence de deux sœurs de M. A== en France n’établit pas l’existence de liens d’une particulière intensité sur le territoire national. Dans ces conditions, la décision de refus de regroupement familial n’a pas porté une atteinte disproportionnée au respect de leur vie privé et familiale et le préfet de la Haute-Garonne n’a pas méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Enfin, les deux enfants du couple étant nés postérieurement à la décision du 22 févrie9 2016, les requérants ne peuvent utilement invoquer une méconnaissance de l’intérêt supérieur de ceux-ci. Par suite le moyen tiré de la violation de l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté. 10. Il résulte de tout ce qui précède que les époux A== ne sont pas fondés à demander l’annulation de la décision contestée. Par voie de conséquences leurs conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées tant devant le tribunal administratif que devant la cour, et leurs conclusions en injonction doivent être également rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1601038 du 6 juillet 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A== et Mme M== épouse A== devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A== et Mme M== épouse A== est rejeté.