Procédure contentieuse - Cristallisation des moyens en première instance -Effets en appel-existence
Par Administrateur le jeudi 30 novembre 2017, 13:28 - URBANISME - Lien permanent
Les dispositions de l’article R. 600-4 du code de l’urbanisme, qui rendaient irrecevables les moyens présentés au-delà de la date à laquelle les parties ont été informées qu’aucun moyen nouveau ne pourrait plus être invoqué, doivent être interprétées, eu égard à leur finalité, comme impliquant que les moyens qui auraient été présentés devant le tribunal administratif après cette date sont également irrecevables en appel.
Arrêt 15BX01869 - 1ère chambre - 30 novembre 2017 - Confédération pour les entrepreneurs et la préservation du pays du Bassin d’Arcachon
Comp : 15LY02543 du 13 juin 2017 Les conclusions de M. Nicolas Normand ont été publiées dans l’AJDA 2018-4 p235 et s.
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La confédération pour les entrepreneurs et la préservation du pays du Bassin d’Arcachon (CEPPBA) a, par deux requêtes distinctes, demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler les arrêtés du 25 novembre 2012 et du 30 juillet 2014 par lesquels le maire de la commune de Mios a délivré à la SCI du Val un permis de construire et un permis de construire modificatif pour la réalisation d’un centre commercial d’une surface hors œuvre nette de 19 000 m2 sur un terrain situé ZAC du « Parc du Val de l’Eyre ».
Par un jugement n°s 1204152-1403705 du 2 avril 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les requêtes de la CEPPBA.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 juin 2015, la CEPPBA, représenté par Me Gras, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 avril 2015 ;
2°) d’annuler les arrêtés du maire de Mios du 25 novembre 2012 et du 30 juillet 2014 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Mios la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative.
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Considérant ce qui suit :
1. La commune de Mios a décidé de créer la zone d'aménagement concerté (ZAC) du "Parc du Val de l'Eyre", laquelle a été approuvée par délibération du conseil municipal en date du 2 février 2010. Par décision du 8 septembre 2010, la commission départementale d'aménagement commercial de la Gironde a délivré à la société civile immobilière (SCI) du Val une autorisation de création d'un ensemble commercial d'une surface de vente totale de 7 060 m2 sur le territoire de la commune de Mios. Par arrêté du 25 novembre 2012, le maire de Mios a délivré à la SCI du Val un permis de construire pour la réalisation d'un centre commercial d'une surface hors œuvre nette de 19 000 m2 sur un terrain situé ZAC du "Parc du Val de l'Eyre". Après que la confédération pour les entrepreneurs et la préservation du pays du bassin d’Arcachon (CEPPBA) ait sollicité l’annulation de ce permis de construire devant le tribunal administratif de Bordeaux, le maire de Mios a, par un arrêté du 30 juillet 2014, délivré à la SCI du Val un permis de construire modificatif dont la CEPPBA a également sollicité l’annulation devant le tribunal administratif de Bordeaux. La CEPPBA relève appel du jugement n°1204152-1403705 du 2 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté l’ensemble de ses demandes.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La CEPPBA soutient que le jugement est irrégulier aux motifs que les premiers juges auraient commis, d’une part, une erreur de droit en estimant qu’un permis de construire modificatif permettait de régulariser le défaut d’autorisation préalable de défrichement dont était entaché le permis de construire initial et d’autre part, une erreur d’appréciation dans le cadre de l’examen du moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme en indiquant que le projet ne prévoit pas de construction dans la bande des 75 mètres longeant une route à grande circulation fixée par le code de l'urbanisme. Cependant les erreurs alléguées, qui se rattachent au bien-fondé du jugement, sont sans incidence sur sa régularité.
Sur la légalité des arrêtés du maire de Mios des 25 novembre 2012 et 30 juillet 2014 :
3. En premier lieu, d’une part, aux termes de l’article L. 425-6 du code de l'urbanisme : « Conformément à l'article L. 341-7 du code forestier, lorsque le projet porte sur une opération ou des travaux soumis à l'autorisation de défrichement prévue aux articles L. 341-1 et L. 341-3 du même code, celle-ci doit être obtenue préalablement à la délivrance du permis. ». Aux termes de l’article R. 431-19 du même code : « Lorsque les travaux projetés nécessitent une autorisation de défrichement en application des articles L. 341-1, L. 341-3 ou L. 214-13 du code forestier, la demande de permis de construire est complétée par la copie de la lettre par laquelle le préfet fait connaître au demandeur que son dossier de demande d'autorisation de défrichement est complet ». Aux termes de l’article L. 341-7 du code forestier dans sa rédaction alors en vigueur : « Lorsque la réalisation d'une opération ou de travaux soumis à une autorisation administrative, à l'exception de celle prévue par le titre Ier du livre V du code de l'environnement, nécessite également l'obtention d’une autorisation de défrichement, celle-ci doit être obtenue préalablement à la délivrance de cette autorisation administrative. ». L’article L. 341-1 du même code dispose que : « Est un défrichement toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière (…)». Il résulte de l’application combinée de ces dispositions que lorsque le projet nécessite une autorisation de défrichement, elle doit être obtenue préalablement à la délivrance du permis de construire.
4. D’autre part, lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.
5. Il ressort des pièces du dossier que l’autorisation de défrichement requise par le projet en cause n’a été délivrée à l’aménageur de la ZAC que par un arrêté préfectoral du 24 décembre 2013, soit postérieurement à la délivrance du permis de construire le 25 novembre 2012. Cependant, le maire de Mios a, par un arrêté du 30 juillet 2014, délivré un permis de construire modificatif ayant notamment pour objet de régulariser cette illégalité. Contrairement à ce que soutient la CEPPBA, il résulte de ce qui est énoncé au point précédent que cette illégalité entachant le permis de construire initial est de celles qui peuvent être régularisées par la délivrance d’un permis de construire modificatif. Par suite, le moyen tiré du défaut d’autorisation de défrichement dirigé contre le permis de construire initial délivré le 25 novembre 2012 ne peut qu’être écarté.
6. En deuxième lieu, la CEPPBA soutient en outre que cette autorisation de défrichement est illégale. Aux termes de l’article R. 600-4 du code de l'urbanisme alors applicable : « Saisi d'une demande motivée en ce sens, le juge devant lequel a été formé un recours contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager peut fixer une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués. ». Cette règle de procédure implique que la décision du juge prise sur le fondement de ces dispositions soit communiquée à l’ensemble des parties au litige, avec l’indication explicite du délai au-delà duquel des moyens nouveaux ne pourront plus être introduits.
7. Par ailleurs il résulte de ces dispositions et de leur finalité que si en principe un requérant peut invoquer pour la première fois en appel un moyen se rattachant à une cause juridique déjà discutée en première instance avant l’expiration du délai de recours, il n’est en revanche pas recevable à invoquer en appel un moyen présenté tardivement en première instance pour avoir été soulevé postérieurement à la date indiquée dans l’ordonnance prise sur le fondement de l’article R. 600-4 du code de l'urbanisme.
8. Il ressort des pièces du dossier que les parties ont reçu le jour même notification de l’ordonnance du 14 octobre 2014 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Bordeaux a fixé au 24 novembre 2014 la date à compter de laquelle elles ne pourraient plus invoquer de nouveaux moyens. Postérieurement à cette date, la CEPPBA a, dans un mémoire enregistré le 26 février 2015, présenté de nouveaux moyens afférents à l’illégalité, invoquée par voie d’exception, de l’autorisation de défrichement. Ces moyens, qui n’étaient pas d’ordre public, étaient donc irrecevables en application des dispositions précitées de l’article R. 600-4 du code de l'urbanisme, comme l’a justement indiqué le tribunal. Par suite, la recevabilité de ces moyens ne saurait davantage être admise en appel.
9. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme alors applicable : « En dehors des espaces urbanisés des communes, les constructions ou installations sont interdites dans une bande (…) de soixante-quinze mètres de part et d'autre des routes visées au dernier alinéa du III de l’article L. 122-1-5. / (…) Le plan local d'urbanisme (…) peut fixer des règles d'implantation différentes de celles prévues par le présent article lorsqu'il comporte une étude justifiant, en fonction des spécificités locales, que ces règles sont compatibles avec la prise en compte des nuisances, de la sécurité, de la qualité architecturale, ainsi que de la qualité de l'urbanisme et des paysages (…) ». Aux termes du dernier alinéa du III de l’article L. 122-1-5 du code de l'urbanisme alors applicable : « Il peut étendre l'application de l'article L. 111-1-4 à d'autres routes que celles mentionnées au premier alinéa dudit article. ». Aux termes de l’article 6 du règlement de la zone AU1 du plan local d'urbanisme de Mios, dans sa rédaction issue de la modification n°4 approuvée par délibération du conseil municipal de Mios du 31 mai 2012 : « (…) 2- Recul des constructions en dehors de l’agglomération (…) Pour la RD 216, le recul d’implantation par rapport à l’axe de la voie est de 35 m pour les habitations et de 25 m pour les autres constructions. »
10. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d’assiette du projet est situé en zone AU1 dans une ZAC et qu’il est situé en dehors des parties urbanisées de la commune. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment du plan de masse, que le projet, tel que prévu par le permis de construire modificatif, ne prévoit aucune construction ou installation au sens du code de l'urbanisme dans une bande de vingt-cinq mètres, ni même de trente-cinq mètres le long de la route départementale 216. La confédération requérante ne peut pas utilement se prévaloir à ce titre d’un projet de construction d’un bâtiment de restauration dans cette bande, mentionné sur les plans du permis de construire modificatif comme devant faire l’objet d’un autre permis, dès lors qu’il n’est pas autorisé par les arrêtés en litige. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 111 1-4 du code de l'urbanisme doit, en tout état de cause, être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées, la CEPPBA n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tendant à l’annulation des arrêtés du maire de Mios en date du 25 novembre 2012 et du 30 juillet 2014. Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Mios, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la CEPPBA au titre de leur application. En revanche, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la CEPPBA des sommes de 2 000 euros à verser d’une part à la commune de Mios et d’autre part à la SCI du Val au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la CEPPBA est rejetée.
Article 2 : La CEPPBA versera à la commune de Mios et à la SCI du Val des sommes de 2 000 euros chacune en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.