Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. L a soumis au tribunal administratif de La Réunion, d’une part sous le n° 2100431, un litige l’opposant au centre communal d’action sociale (CCAS) de Saint-Pierre sur la question de ses droits à indemnités pour les années 2016 à 2020 et, d’autre part sous le n° 2100502, un litige l’opposant au même CCAS pour des droits de même nature pour une période antérieure.

Par une ordonnance n° 2101012 du 6 août 2021, après accord des parties, il a été décidé de mettre en œuvre une médiation dans ces litiges.

Par un mémoire enregistré le 3 décembre 2021, le CCAS de Saint-Pierre a informé le tribunal de l’accord intervenu entre les parties à l’issue de la médiation et a demandé au tribunal d’homologuer le protocole d’accord conclu avec M. L.

Par une ordonnance n° 2100431-2100502 du 11 janvier 2022, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion a homologué le protocole d’accord de médiation du 3 décembre 2021 et prononcé le non-lieu à statuer sur les requêtes présentées par M. L sous les n° 2100431 et 2100502.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 janvier 2022, M. L, représenté par Me Saint-Martin, demande à la cour :

1°) d’annuler cette ordonnance du 11 janvier 2022 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) de rejeter la demande d’homologation de l’accord de médiation du 3 décembre 2021 présentée par le CCAS de Saint-Pierre ;

3°) de mettre à la charge du CCAS de Saint-Pierre la somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………….

Par un mémoire enregistré le 22 avril 2022, le Centre communal d’action sociale de Saint-Pierre (CCAS), représenté par Me Maillot, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. L ;

2°) de le condamner à lui verser la somme de 4 353 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………….

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 213-4 du code de justice administrative : « Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut, dans tous les cas où un processus de médiation a été engagé en application du présent chapitre, homologuer et donner force exécutoire à l’accord issu de la médiation. ».

2. Lorsque le juge est saisi d’une demande d’homologation d’un accord de médiation, il lui appartient d’appliquer les dispositions du code de justice administrative propres à ce type d’accord en s’assurant de l’accord de volonté des parties, de ce que celles-ci n’ont pas porté atteinte à des droits dont elles n’auraient pas eu la libre disposition et de ce que l’accord ne contrevient pas à l’ordre public ni n’accorde de libéralité.

3. En cas d’homologation de l’accord, le juge administratif doit constater le non-lieu à statuer sur la requête ou, dans le cas où la partie requérante aurait subordonné son désistement à l’homologation de l’accord, donner acte de ce désistement. En revanche, le refus d’homologation entraînant la nullité de l’accord, il appartient dans cette hypothèse au juge de statuer sur la requête.

4. A l’issue du processus de médiation engagé à l’initiative du juge dans les instances pendantes devant le tribunal, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion, saisi de conclusions en ce sens présentées par le centre communal d’action sociale (CCAS) de Saint-Pierre a, par l’ordonnance contestée du 11 janvier 2022, accordé l’homologation de l’accord de médiation lui donnant force exécutoire, conclu entre les parties à ces instances le 3 décembre 2021, et prononcé un non-lieu à statuer sur les requêtes susvisées de M. L. Ce dernier interjette appel de cette ordonnance d’homologation.

Sur la recevabilité de la requête d’appel :

5. Le CCAS de Saint-Pierre soutient que la requête présentée par M. L porte sur le même objet que celui qui a donné lieu, selon lui, à une transaction, telle que prévue par l’article 2044 du code civil, le 3 décembre 2021 afin de mettre un terme aux contentieux pendants entre eux devant le tribunal administratif de La Réunion, de sorte que, l’intéressé n’ayant plus la libre disposition des droits en cause, elle est irrecevable.

6. Toutefois cette requête a pour objet de contester, par la voie de l’appel, l’homologation prononcée d’un accord de médiation en raison de la méconnaissance alléguée, par le juge de l’homologation, de son obligation de vérifier tant l’existence d’un accord de volonté des parties que le respect de règles d’ordre public. Il suit de là que M. L, alors même qu’il a signé l’accord de médiation, est recevable à contester l’ordonnance attaquée par laquelle le premier juge a homologué cet accord du 3 décembre 2021. La fin de non-recevoir opposée par le CCAS de Saint-Pierre ne peut dès lors être accueillie.




Sur la régularité de l’ordonnance attaquée :

7. Aux termes de l’article L. 3 du code de justice administrative : « Les jugements sont rendus en formation collégiale, sauf s’il en est autrement disposé par la loi. ».

8. Aux termes de l’article R. 222-1 de ce code : « Les présidents de tribunal administratif (…) les présidents de formation de jugement des tribunaux (…) peuvent, par ordonnance : (…) 3° Constater qu’il n’y a pas lieu de statuer sur une requête (…). ». En dehors des cas dans lesquels est ouverte par l’article R. 222-1 du code de justice administrative la faculté de prendre une ordonnance, et des autres dispositions permettant à un juge statuant seul de se prononcer, seules les formations collégiales de jugement des tribunaux administratifs peuvent statuer sur une demande présentée devant eux.

9. Il ne résulte d’aucune disposition, notamment ni de celles de l’article L. 213-4 du code de justice administrative ni de celles de l’article R. 222-1 du même code, que des conclusions tendant à l’homologation d’un accord de médiation relèveraient des exceptions au principe de collégialité posé à l’article L. 3 précité. Par suite, la circonstance que la conséquence à tirer de cette homologation serait un non-lieu à statuer sur les requêtes pendantes devant le tribunal ne donnait pas compétence au président de la formation de jugement pour se prononcer seul sur la demande d’homologation. Il suit de là que l’ordonnance du 11 janvier 2022 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion est irrégulière et que M. L est fondé à soutenir qu’elle doit, par suite, être annulée. Il y a lieu pour la cour d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande du CCAS de Saint-Pierre présentée devant le tribunal administratif.

Sur la validité de l’accord de médiation :

10. Il résulte de l’instruction que tant le CCAS de Saint-Pierre que M. L ont accepté d’entrer dans un processus de médiation et qu’à cette fin des médiateurs ont été désignés par une ordonnance du 6 août 2021 du tribunal. Les parties se sont réunies à deux reprises, les 18 et 25 novembre 2021, pour débattre de leur différend. Postérieurement aux échanges de mails des 22 novembre et 2 décembre 2021 entre M. L et son conseil, relatifs aux questions citées au point 13, les parties ont signé le 3 décembre 2021 le protocole d’accord dont l’homologation est demandée. Dans ces conditions, aucun vice du consentement n’apparaît établi et susceptible de le remettre en cause.

11. Aux termes de l’article L. 213-2 du code de justice administrative : « (…) Sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance juridictionnelle ou arbitrale sans l’accord des parties. (…). ».

12. Le protocole d’accord du 3 décembre 2021 comporte, d’une part, la fixation « d’un montant mensuel de prime », dont la nature n’est pas davantage indiquée, pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2021 et mentionne qu’il en résulte pour M. L un trop-perçu de 6 370,08 euros, arrondi à 5 000 euros avec possibilité de rembourser sur une période de 24 mois, d’autre part, la fixation « à partir du 1er janvier 2022 » d’une indemnité de fonction, de sujétion et d’expertise d’un montant brut de 1 168,37 euros, outre le constat que M. L est éligible au complément indemnitaire annuel.

13. Il résulte de l’instruction que ce protocole d’accord de médiation, lequel ne se réfère pas au régime de la transaction, ne méconnaît par lui-même aucune prescription, notamment la prescription biennale de l’article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, et pas davantage l’autorité de la chose jugée sur le versement de primes identifiées sur une période écoulée. Il ne porte pas atteinte à un droit dont les parties n’auraient pas la libre disposition, ne contrevient pas, en particulier, à l’ordre public et n’accorde aucune libéralité.

14. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’homologuer l’accord de médiation du 3 décembre 2021 intervenu entre le CCAS de Saint-Pierre et M. L et de constater qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes n° 2100431 et 2100502 présentées devant le tribunal administratif de La Réunion.

Sur les frais d’instance :

15. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées tant par M. L que par le CCAS de Saint-Pierre tendant au versement d’une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L’ordonnance du 11 janvier 2022 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion est annulée.

Article 2 : L’accord de médiation signé le 3 décembre 2021 entre le CCAS de Saint-Pierre et M. L est homologué. Article 3 : Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes n° 2100431 et 2100502 présentées devant le tribunal administratif de La Réunion. Article 4 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.