Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme L a demandé au tribunal administratif de La Réunion d’annuler la décision du 28 septembre 2018 par laquelle le président du conseil régional de La Réunion a rejeté sa demande de remboursement de billets d’avion présentée au titre de l’aide à la continuité territoriale instituée par la région.

Par un jugement n° 1800904 du 29 août 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du 28 septembre 2018 du président du conseil régional de La Réunion.

La région de La Réunion a saisi le Conseil d’Etat d’une requête tendant à l’annulation de ce jugement.

Par une décision n° 436276 du 15 juillet 2020, le Conseil d’Etat a attribué le jugement de la requête à la cour administrative d’appel de Bordeaux.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 novembre 2019, 27 février 2020 et 10 novembre 2021, la région de La Réunion, représentée par la société d’avocats cabinet Colin-Stoclet, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion du 29 août 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme L devant le tribunal administratif.

………………...

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 12 décembre 2017, la commission permanente du conseil régional de La Réunion a prolongé pour l’année 2018 un dispositif d’aide à la continuité territoriale (ACT) visant à faciliter les déplacements entre l’île et la métropole et consistant en l’attribution, sous condition de ressources, d’aides finançant une partie des frais de passage aérien. Par une décision du 28 septembre 2018, le président du conseil régional de La Réunion a rejeté la demande de Mme L de remboursement de billets d’avion présentée au titre de l’ACT à raison du voyage accompli avec son époux, M. B. , à destination de La Réunion en juin 2018. La région de La Réunion relève appel du jugement du 29 août 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal a annulé cette décision.

2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 4211 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République du 7 août 2015 : « La région a pour mission, dans le respect des attributions des départements et des communes et, le cas échéant, en collaboration avec ces collectivités et avec l'Etat, de contribuer au développement économique, social et culturel de la région par : 1° Toutes études intéressant le développement régional ; 2° Toutes propositions tendant à coordonner et à rationaliser les choix des investissements à réaliser par les collectivités publiques ; 3° La participation volontaire au financement d'équipements collectifs présentant un intérêt régional direct ; 4° La réalisation d'équipements collectifs présentant un intérêt régional direct (…) ; 4° bis Le financement des voies et des axes routiers qui, par leurs caractéristiques, constituent des itinéraires d'intérêt régional (…) ; 5° Toute participation à des dépenses de fonctionnement liées à des opérations d'intérêt régional direct ; 6° Toutes interventions économiques dans les conditions prévues au présent article, au chapitre unique du titre Ier du livre V de la première partie, à l'article L. 3232-4 et aux chapitres Ier bis et III du titre V du livre II de la quatrième partie ; 7° L'attribution pour le compte de l'Etat d'aides financières que celui-ci accorde aux investissements des entreprises concourant au développement régional et à l'emploi dans des conditions prévues par décret ; 8° La participation au capital des sociétés de capital-investissement, des sociétés de financement interrégionales ou propres à chaque région, existantes ou à créer, ainsi que des sociétés d'économie mixte et des sociétés ayant pour objet l'accélération du transfert de technologies (…) 8° bis La participation au capital de sociétés commerciales autres que celles mentionnées au 8° (…) 9° La souscription de parts dans un fonds commun de placement à risques à vocation régionale ou interrégionale ayant pour objet d'apporter des fonds propres à des entreprises (…) 10° La participation, par le versement de dotations, à la constitution d'un fonds de garantie auprès d'un établissement de crédit ou d'une société de financement ayant pour objet exclusif de garantir des concours financiers accordés à des entreprises (…)11° Le financement ou l'aide à la mise en œuvre des fonds d'investissement de proximité définis à l'article L. 214-30 du code monétaire et financier par convention avec la société de gestion du fonds qui détermine les objectifs économiques du fonds (…) 12° Le versement de dotations pour la constitution de fonds de participation prévus à l'article 37 du règlement (CE) n° 1303/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013 (…)13° La coordination, au moyen d'une plateforme de services numériques qu'elle anime, de l'acquisition et de la mise à jour des données géographiques de référence nécessaires à la description détaillée de son territoire ainsi qu'à l'observation et à l'évaluation de ses politiques territoriales, données dont elle favorise l'accès et la réutilisation ; 14° La détention d'actions d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée dont l'objet social est la production d'énergies renouvelables par des installations situées sur leur territoire ; 14° Le soutien et la participation au pilotage des pôles de compétitivité situés sur son territoire ; 15° L'attribution d'aides à des actions collectives au bénéfice de plusieurs entreprises, lorsque ces actions s'inscrivent dans le cadre du schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation ». Aux termes de l’article L. 4221-1 du même code, relatif aux compétences du conseil régional : « Le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région dans les domaines de compétences que la loi lui attribue. Il a compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région, le soutien à l'accès au logement et à l'amélioration de l'habitat, le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine et le soutien aux politiques d'éducation et l'aménagement et l'égalité de ses territoires, ainsi que pour assurer la préservation de son identité et la promotion des langues régionales, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des départements et des communes. Il peut engager des actions complémentaires de celles de l'Etat, des autres collectivités territoriales et des établissements publics situés dans la région, dans les domaines et les conditions fixés par les lois déterminant la répartition des compétences entre l'Etat, les communes, les départements et les régions (...) ».

3. Aux termes de l’article L. 4431-1 du même code : « Les régions de Guadeloupe et de la Réunion constituent des collectivités territoriales. Elles sont soumises aux dispositions non contraires de la première partie et des livres Ier à III de la présente partie sous réserve des dispositions du présent titre. Les régions de Guadeloupe et de la Réunion exercent les compétences que les lois, dans leurs dispositions non contraires à celles du présent titre, attribuent à l'ensemble des régions et celles que définit le présent titre pour tenir compte des mesures d'adaptation rendues nécessaires par leur situation particulière. » L’article L. 4433-1 précise que le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région dans les domaines de compétences que la loi lui attribue et a compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région, le soutien à l'accès au logement et à l'amélioration de l'habitat, le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine et le soutien aux politiques d'éducation et l'aménagement de son territoire, ainsi que pour assurer la préservation de son identité et la promotion des langues régionales, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des départements et des communes. Les articles L. 4433-7 à L. 4433-24-4 définissent les attributions des régions outre-mer en matière de développement économique et d’aménagement de leur territoire. Les articles L. 4433-25 à L. 4433-31 prévoient leurs attributions en matière d’actions culturelles.

4. En second lieu, aux termes de l’article L. 1803-1 du code des transports, dans sa rédaction alors en vigueur : « Dans les conditions déterminées par les lois et règlements, les pouvoirs publics mettent en œuvre outre-mer, au profit de l'ensemble des personnes qui y sont régulièrement établies, une politique nationale de continuité territoriale. Cette politique repose sur les principes d'égalité des droits, de solidarité nationale et d'unité de la République. Elle tend à rapprocher les conditions d'accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de la métropole, en tenant compte de la situation géographique, économique et sociale particulière de chaque collectivité territoriale d'outre-mer. Peuvent en bénéficier, dans des conditions prévues par la loi, des personnes résidant en France métropolitaine ». L’article L. 1803-2 prévoit que le fonds de continuité territoriale finance notamment des aides à la continuité territoriale en faveur des personnes ayant leur résidence habituelle en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna, et précise que ce fonds peut financer des aides en faveur de personnes résidant en France métropolitaine. Aux termes de l’article L. 1803-4 du même code : « L'aide destinée à financer une partie des titres de transport des personnes résidant dans l'une des collectivités mentionnées à l'article L. 1803-2 entre leur collectivité de résidence et le territoire métropolitain est appelée " aide à la continuité territoriale ". Elle finance aussi, sous conditions de ressources, une partie des titres de transport des résidents habituels régulièrement établis en France métropolitaine lorsque la demande d'aide à la continuité territoriale est justifiée par un déplacement pour se rendre aux obsèques d'un parent au premier degré, au sens de l'article 743 du code civil, de leur conjoint ou de leur partenaire lié par un pacte civil de solidarité, dans l'une des collectivités mentionnées à l'article L. 1803-2 du présent code (…) ». En vertu de l’article L. 1803-7 de ce code, les conditions d'application des articles L. 1803-2 à L. 1803-6, les critères d'éligibilité aux aides prévues à ces mêmes articles et les limites apportées au cumul des aides au cours d'une même année sont fixés par voie réglementaire.

5. Enfin, en vertu de l’article L. 1803-10 du même code, l’Agence de l'outre-mer pour la mobilité, qui est un établissement public de l'Etat à caractère administratif, a pour missions, en particulier, de mettre en œuvre les actions relatives à la continuité territoriale qui lui sont confiées par l'Etat et de gérer les aides mentionnées aux articles L. 1803-4 à L. 1803-6. Ainsi, l’aide à la continuité territoriale relève d’une politique nationale de continuité territoriale, fondée sur les principes d’égalité des droits, de solidarité nationale et d’unité de la République, confiée à l’Agence De l’Outre-mer pour la Mobilité (LADOM).

6. Il résulte de ce qui précède que la région de la Réunion ne tient ni de ces dispositions ni d’aucune des dispositions du code général des collectivités territoriales définissant ses attributions le pouvoir d’instaurer de manière autonome une telle aide. La délibération du 12 décembre 2017 de la commission permanente du conseil régional de La Réunion prolongeant, pour l’année 2018, un dispositif d’aide à la continuité territoriale (ACT), est par suite entachée d’incompétence.

7. Il s’ensuit que le président du conseil régional de la Réunion était, à la date de la décision contestée, en situation de compétence liée pour refuser de faire bénéficier Mme L de ce dispositif illégal d’ACT. Les moyens invoqués par cette dernière à l’appui de sa contestation de cette décision de refus sont dès lors inopérants.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni sur les autres moyens de la requête, que la région de La Réunion est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du 28 septembre 2018 du président du conseil régional de La Réunion.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800904 du 29 août 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme L devant le tribunal administratif de La Réunion est rejetée.

………………..