Enseignant contractuel – fixation du niveau de rémunération – compétence du recteur – contrôle du juge
Par Benoît le mardi 18 décembre 2018, 15:34 - FONCTION PUBLIQUE - Lien permanent
La cour juge qu’il résulte des dispositions du décret n° 81-535 du 12 mai 1981, alors en vigueur, qu’il appartient au recteur de déterminer, lors de l’engagement d’un professeur contractuel, son classement dans une catégorie et, au sein de cette catégorie, son niveau de rémunération, en tenant compte tant de la rémunération accordée aux titulaires qu'il remplace que de ses diplômes et de son expérience professionnelle antérieure. Il appartient au juge, saisi d'une contestation en ce sens, de vérifier qu'en fixant cette rémunération, l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
La cour estime qu’en classant un enseignant contractuel recruté pour exercer des fonctions de professeur de mathématiques en classe de collège puis de professeur de mathématiques – sciences physiques en classe de lycée d’enseignement professionnel, en 2ème catégorie à l'indice brut 408 (indice majoré 367), soit entre l’indice de recrutement des professeurs certifiés et celui des professeurs agrégés, le recteur de l’académie de la Guadeloupe n’entache pas sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation, alors même que l’intéressé détient un diplôme d’ingénieur et un doctorat.
Rappr. CE 30 décembre 2013 Mme C=== n° 348057 mentionné aux tables du Recueil Lebon p.659, 668 et 796, en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires relatives à la fixation de la rémunération des agents non titulaires ; CE avis n° 168605 du 28 juillet 1995 préfet du Val d’Oise publié au recueil Lebon p. 329
Arrêt 16BX03886 - 2ème chambre – Lecture du 18 décembre 2018 – ministre de l’éducation nationale c/ Mme S=== - C+
Décision n° 428656 du Conseil d’Etat du 12 octobre : L’arrêt de la cour est annulé en tant qu’il statue sur la demande d’indemnisation relative aux rémunérations non perçues. L’affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d’appel de Bordeaux.
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D== S== a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d’annuler la décision contenue dans la réponse du médiateur de l’académie de la Guadeloupe du 5 novembre 2014 ; d’enjoindre au recteur de l’académie de la Guadeloupe, d’une part, établir de nouveaux contrats tenant compte de sa qualification professionnelle et incluant les congés payés au prorata du service d’enseignement de l’année scolaire 2013-2014, d’autre part, d’établir l’attestation employeur et les attestations de salaires destinées à la sécurité sociale correspondant à la régularisation de ses contrats, enfin, de s’assurer du versement de sa cotisation auprès de l’Ircantec en conséquence de la régularisation de ses contrats ; de condamner l’État à lui verser une indemnité d’un montant de 4 034,21 euros au titre des rémunérations non perçues, d’un montant de 3 595,47 euros au titre de la fin de son contrat, d’un montant de 4 521,13 euros au titre des indemnités journalières à plein traitement non perçues, d’un montant de 173,25 euros au titre de l’indemnité CCF non perçue et d’un montant de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par un jugement n° 1401249 du 29 septembre 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné l’État à verser à Mme S== une indemnité correspondant à la différence entre le traitement qu’elle a perçu durant la période allant du 30 septembre 2013 au 30 juin 2014 en qualité de professeur contractuel de 2ème classe et celui qu’elle aurait perçu durant la même période en qualité de professeur contractuel de 1ère catégorie, à l’exclusion des périodes d’arrêt maladie ainsi qu’une indemnité de 500 euros en réparation du préjudice moral et a rejeté ses autres demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 décembre 2016 et 21 novembre 2017, le ministre de l’éducation nationale demande à la cour :
1°) d’annuler les articles 1er à 4 du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 29 septembre 2016 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par Mme S== devant le tribunal administratif de la Guadeloupe.
Considérant ce qui suit :
1. Mme S== a été recrutée en qualité de professeur contractuel de 2ème catégorie pour la période allant du 30 septembre 2013 au 26 janvier 2014 au collège Félix Eboué à Petit-Bourg (Guadeloupe), puis, du 27 janvier 2014 au 30 juin 2014, au lycée professionnel de Pointe-Noire. Le ministre de l’éducation nationale relève appel du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 29 septembre 2016 en tant que ce jugement condamne l’État à verser à l’intéressée une indemnité correspondant à la différence entre le traitement qu’elle aurait perçu pendant la période allant du 30 septembre 2013 au 30 juin 2014 en qualité de professeur contractuel de 1ère catégorie et celui qu’elle a effectivement perçu en qualité de professeur contractuel de 2ème catégorie, à l’exclusion des périodes d’arrêt maladie, ainsi qu’une indemnité d’un montant de 500 euros en réparation de son préjudice moral. Par la voie de l’appel incident, Mme S== demande la réformation du jugement en ce qu’il n’a pas condamné l’État à lui verser les congés payés calculés au prorata de son service d’enseignement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l’indemnisation représentative de rémunérations non perçues :
2. Aux termes de l’article 1er du décret du 12 mai 1981 alors en vigueur : « Lorsque dans les établissements publics locaux d'enseignement et les établissements de formation relevant du ministre chargé de l'éducation nationale des emplois de professeur n'ont pu être pourvus par des maîtres titulaires de l'enseignement du second degré, les recteurs d'académie peuvent recruter des professeurs contractuels ». Aux termes de l’article 2 du même décret : « Les candidats à un emploi de professeur contractuel doivent posséder l'un des titres ou justifier d'une qualification professionnelle permettant leur classement dans l'une des quatre catégories prévues à l'article 4 ci-dessous. (…). Aux termes de l’article 4 de ce décret : « Pour l'établissement des contrats, les candidats sont classés, par l'autorité qui procède à leur engagement en fonction des titres universitaires qu'ils détiennent ou de leur qualification professionnelle antérieure, dans l'une des quatre catégories suivantes ; hors catégorie, première catégorie, deuxième catégorie, troisième catégorie ». Aux termes de l’article 5 dudit décret : « Il est créé quatre catégories de rémunération de professeurs contractuels dotés chacune d'un indice minimum, moyen et maximum. Les indices bruts servant à la détermination de la rémunération selon les catégories sont fixés par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'éducation nationale, du budget et de la fonction publique. L'indice attribué à chaque agent est déterminé par l'autorité qui le recrute ».
3. Il résulte des dispositions précitées qu’il appartient au recteur de déterminer, lors de l’engagement d’un professeur contractuel, le classement de l’agent dans une catégorie et, au sein de cette catégorie, son niveau de rémunération, en tenant compte tant de la rémunération accordée aux titulaires qu'il remplace que de ses diplômes et de son expérience professionnelle antérieure. Il appartient au juge, saisi d'une contestation en ce sens, de vérifier qu'en fixant cette rémunération, l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
4. Il résulte de l’instruction que Mme S==, titulaire d’un diplôme d’ingénieur et d’un doctorat en chimie de la pollution atmosphérique et physique de l’environnement a été recrutée pour exercer les fonctions de professeur de mathématiques en classe de collège puis de professeur de mathématiques – sciences physiques en classe de lycée d’enseignement professionnel. Dès lors, en la classant en 2ème catégorie à l'indice brut 408 (indice majoré 367), soit entre l’indice de recrutement des professeurs certifiés et celui des professeurs agrégés, le recteur de l’académie de la Guadeloupe n’a pas entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation, nonobstant les diplômes détenus par Mme S==.
5. Mme S== ne peut en outre utilement se prévaloir de la circulaire n° 89-320 du 18 octobre 1989 qui est dépourvue de valeur réglementaire. L’intimée ne peut pas davantage se prévaloir du décret n° 2016-1171 du 29 août 2016 qui est postérieur à l’exécution de ses contrats d’engagement.
6. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, le recteur de l’académie de la Guadeloupe n’a pas commis d’illégalité en classant en 2ème catégorie, à l'indice brut 408, Mme S== lors du recrutement de celle-ci en qualité de professeur contractuel.
En ce qui concerne l’indemnisation fondée sur la durée de l’engagement contractuel :
7. Il résulte de l’instruction que si l’avis de nomination provisoire adressée par le recteur le 24 janvier 2014 au proviseur du lycée professionnel de Pointe-Noire mentionne que Mme S== est affectée en remplacement d’un professeur titulaire « jusqu’au retour en service de l’intéressé », le contrat signé par l’intimée le 10 février 2014 précise expressément qu’elle est recrutée « pour la période du 27/01/2014 au 30/06/2014 ». Dès lors Mme S== ne peut utilement se prévaloir du principe de « loyauté contractuelle » pour soutenir que la fin de son contrat aurait dû être fixée au 5 août 2014, date d’expiration du congé de l’agent titulaire. Elle ne peut, à cet égard, utilement se prévaloir des dispositions du code du travail, inapplicables à la situation d’un agent public.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme S== n’est pas fondée à soutenir que son contrat aurait dû être prolongé jusqu’au 5 août 2014.
En ce qui concerne l’indemnisation fondée sur les congés payés :
9. Aux termes de l’article 10 du décret du 17 janvier 1986 : « I.-L'agent non titulaire en activité a droit, compte tenu de la durée de service effectué, à un congé annuel dont la durée et les conditions d'attribution sont identiques à celles du congé annuel des fonctionnaires titulaires prévu par le décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 (…) ». Aux termes de l’article 1er du décret du 26 octobre 1984 : « Tout fonctionnaire de l'État en activité a droit, dans les conditions et sous les réserves précisées aux articles ci-après, pour une année de service accompli du 1er janvier au 31 décembre, à un congé annuel d'une durée égale à cinq fois ses obligations hebdomadaires de service. Cette durée est appréciée en nombre de jours effectivement ouvrés. (…) ». Et aux termes de l’article 2 du même décret : « Les fonctionnaires qui n'exercent pas leurs fonctions pendant la totalité de la période de référence ont droit à un congé annuel dont la durée est calculée au prorata de la durée des services accomplis. (…) ».
10. Contrairement à ce qu’elle soutient, Mme S== n'établit pas, par les pièces qu’elle produit à l’instance, qu’elle n’aurait pas bénéficié, pendant les périodes de vacances scolaires, de congés annuels au prorata du service d’enseignement qu’elle a effectué pour la période allant du 30 septembre 2013 au 30 juin 2014, en méconnaissance des dispositions précitées.
En ce qui concerne l’indemnisation du préjudice moral :
11. Faute pour Mme S== d’établir que l’administration aurait commis des fautes dans la gestion de sa situation administrative, en particulier dans les délais de transmission de ses contrats d’engagement, elle n’est pas fondée à être indemnisée du préjudice moral qu’elle invoque.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’éducation nationale est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné l’État à indemniser Mme S== dont les conclusions présentées par voie d’appel incident doivent en outre être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’État, qui n’est pas la partie perdante à l’instance, la somme que Mme S== demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 29 septembre 2016 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par Mme S== devant le tribunal administratif et ses conclusions d’appel incident sont rejetées.