Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. Gela M==, son épouse Mme Inga I==, et leur fille aînée Mme Rebeka M== ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler les arrêtés du 1er mars 2021 par lesquels le préfet de l’Ariège les a assignés à résidence pour une durée de trois mois.

Par un jugement n° 2101223, 2101224, 2101225 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés du 1er mars 2021 et mis à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 novembre 2021, la préfète de l’Ariège demande à la cour d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 octobre 2021.

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Considérant ce qui suit :

1. M. M== et son épouse Mme Inga I==, ainsi que leur fille aînée Rebeka M==, ressortissants géorgiens, déclarent être entrés irrégulièrement en France le 19 septembre 2018. Leurs demandes d’asile ayant été rejetées par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 21 juin 2019, ils ont fait l’objet par arrêtés en date du 17 octobre 2019 d’obligations de quitter le territoire français, confirmées par jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 16 décembre 2019, ainsi que par la cour administrative d’appel de Bordeaux le 14 décembre 2020. Par arrêtés du 17 septembre 2020, la préfète de l’Ariège leur a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d’un an. Les requêtes en annulation de ces arrêtés ont été rejetées comme tardives par le tribunal administratif de Toulouse, par un jugement du 4 janvier 2021. Par trois arrêtés du 1er mars 2021, la préfète de l’Ariège a assigné les intéressés à résidence sur le fondement de ces interdictions de retour. La préfète relève appel du jugement n° 2101223, 2101224, 2101225 du 12 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé ces arrêtés du 1er mars 2021 et mis à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. 2. Aux termes du III de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers, dans sa rédaction applicable au litige : « L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (…) Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative prononce une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (…) / Les modalités de constat de la date d'exécution de l'obligation de quitter le territoire français de l'étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour sont déterminées par voie réglementaire. ». Aux termes de l’article R. 511-5 de ce code : « L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé du caractère exécutoire de cette mesure et de ce que sa durée courra à compter de la date à laquelle il aura satisfait à son obligation de quitter le territoire français en rejoignant le pays dont il possède la nationalité, ou tout autre pays non membre de l'Union européenne et avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen. Il est également informé des dispositions de l'article R. 511-4. » Aux termes de cet article R. 511-4 : « L'obligation de quitter le territoire français est réputée exécutée à la date à laquelle a été apposé sur les documents de voyage de l'étranger qui en fait l'objet le cachet mentionné à l'article 11 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) lors de son passage aux frontières extérieures des Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. (…) ». Il résulte de ces dispositions, qui transposent l’article 11 de la directive 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 telle qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne, laquelle a expressément jugé que la durée d’une interdiction de retour devait « être calculée à partir de la date à laquelle l’intéressé a effectivement quitté le territoire des Etats membres » (26 juillet 2017, C-225/16, point 58) que, si la mesure d’interdiction de retour sur le territoire français, prise suite à l’inexécution d’une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, est exécutoire à compter de sa notification, la durée fixée par cette mesure ne commence à courir qu’à compter de la date à laquelle l’obligation de quitter le territoire français a été exécutée.

3. Aux termes de l’article L. 561-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction en vigueur à la date des arrêtés en litige : « Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : (…) 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré (…) 4° Si l'étranger doit être reconduit à la frontière en exécution d'une interdiction de retour ou d'une interdiction de circulation sur le territoire français (…) La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée. (…) Par exception : a) Dans le cas prévu au 4° du présent article, la décision d'assignation à résidence peut être renouvelée tant que l'interdiction de retour ou l'interdiction de circulation sur le territoire français demeure exécutoire ;(…)».

4. L’article L.561-2 du même code prévoyait que : « I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger (…) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; 6° Doit être reconduit d'office à la frontière en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une interdiction de circulation sur le territoire français ou d'une interdiction administrative du territoire ; 7° Ayant fait l'objet d'une décision d'assignation à résidence en application des 1° à 6° du présent article ou de placement en rétention administrative en application de l'article L. 551-1, n'a pas déféré à la mesure d'éloignement dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette mesure est toujours exécutoire.».

5. Il résulte de ces dispositions combinées que l’assignation à résidence, qui a pour objet de permettre la mise à exécution d’une mesure d’éloignement, ne peut être fondée sur une interdiction de retour sur le territoire que lorsque celle-ci a commencé à courir, donc après l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français et le retour irrégulier de l’intéressé.

6. Les décisions d’assignation à résidence attaquées sont fondées sur l’article L561-1 (4°) du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, alors pourtant que le préfet ne vise aucune demande des intéressés. Si en appel le préfet, qui a donc procédé d’office à l’assignation à résidence, invoque la rédaction de l’article L.561-2 et pourrait être regardé comme sollicitant une substitution de base légale, il résulte de ce qui précède que ce fondement ne peut davantage justifier légalement les arrêtés attaqués, dès lors que les décisions portant obligation de quitter le territoire français n’ont pas été exécutées par les intéressés et que par suite les interdictions de retour prises à leur encontre n’ont pas commencé à courir. Dans ces conditions, alors qu’il est constant que le préfet ne pouvait se fonder, dès lors que l’obligation de quitter le territoire français comme d’ailleurs le jugement du tribunal administratif la validant dataient de plus d’un an, sur les dispositions du 5° de l’article L.561-2, c’est à bon droit que le tribunal s’est fondé sur le moyen tiré de l’erreur de droit pour annuler les arrêtés d’assignation à résidence en litige, fondés seulement sur l’existence d’une interdiction de retour sur le territoire français.

7. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me A== sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DECIDE : Article 1er : La requête de la préfète de l’Ariège est rejetée. Article 2 : L’Etat versera à Me A== une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.