Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association France Nature Environnement (FNE), la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO), l'Association pour la Protection des Animaux Sauvages (ASPAS), la société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le sud-ouest (SEPANSO) - section Pyrénées-Atlantiques et l'association pour la protection et l'étude des rapaces au pays basque, ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 21 mars 2012 par laquelle le préfet des Pyrénées-Atlantiques a autorisé, sur le territoire de certaines communes et pour une durée d'un an, des tirs d'effarouchement des vautours fauves.

Par un jugement n° 1201007 du 17 décembre 2013, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 février 2014 et le 26 mars 2015, l'association France Nature Environnement (FNE), la Ligue Pour La Protection Des Oiseaux (LPO), l'Association pour la Protection des Animaux Sauvages (ASPAS), et la société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le sud-ouest (SEPANSO) - section Pyrénées-Atlantiques, représentées par Me Terrasse, demandent à la cour : 1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 17 décembre 2013 ;

2°) d'annuler la décision du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 21 mars 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 21 mars 2012, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a autorisé les tirs d'effarouchement des vautours fauves sur le territoire de certaines communes pour une durée d'un an. L'association France Nature Environnement (FNE), la Ligue Pour La Protection Des Oiseaux (LPO), L'Association pour la Protection des Animaux (ASPAS), et la société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le sud-ouest (SEPANSO) - section Pyrénées-Atlantiques relèvent appel du jugement du 17 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Le jugement du 17 décembre 2013 cite l'article L. 411-2 du code de l'environnement selon lequel la possibilité de dérogation à l'interdiction de perturber intentionnellement une espèce protégée est conditionnée par l'absence d'autre solution satisfaisante. Quant à l'existence de solutions moins perturbantes, il indique que « le préfet a précisé qu'il était nécessaire, pour les éleveurs, de mettre un terme aux habitudes consistant à abandonner leur cheptel mort aux vautours », que « cette mesure ne pourrait constituer à elle seule une alternative suffisante aux tirs d’effarouchement, dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les vautours ne fréquentent que les lieux où ces habitudes ont été prises », que « cette mesure ne réglerait ni la situation où le bétail meurt ou agonise à l'insu de l'éleveur ni les problèmes posés par les mises bas difficiles » et enfin que « elle n'aurait aucune incidence sur la nécessité de modifier les habitudes comportementales des vautours à proximité des installations humaines ». Le jugement a ainsi suffisamment répondu au moyen tiré de l'absence de recherche par le préfet de l'existence de solutions alternatives. Par suite les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le jugement serait irrégulier.

Sur la légalité externe de l'arrêté du 21 mars 2012 :

3. Aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (…) ». Aux termes de l’article 2 de la même loi : « Doivent également être motivées les décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement. ». Le 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement permet l’octroi de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1 du même code. Ainsi l’arrêté par lequel le préfet accorde une autorisation d’effarouchement des vautours fauves aux agents de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage constitue une décision administrative individuelle qui déroge aux règles générales fixées par la loi ou le règlement au sens de l’article 2 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, et est donc soumise à l’obligation de motivation prévue par ces dispositions. L’arrêté contesté du 21 mars 2012 mentionne « la nécessité de provoquer l’envol et l’éloignement des vautours fauves posés à toute proximité des bâtiments d’élevage situés dans les localités ayant signalé des sinistres sur du bétail vivant » et celle « qu’aucun cadavre de bétail ne soit laissé ou déposé autour des bâtiments d’élevage du lieu de l’intervention ». Il indique également que « les opérations d’effarouchement seront cordonnées avec le lancement dans le cadre du comité interdépartemental de suivi du vautour fauve, d’une étude visant à évaluer l’impact sur le comportement des vautours fauves de l’existence de placettes dites « traditionnelles », source de nourriture incontrôlée pour les oiseaux nécrophages ». Il comporte ainsi l’énoncé suffisant des considérations de fait qui ont été prises en considération par le préfet des Pyrénées-Atlantiques pour estimer que l’effarouchement des vautours fauves était justifié pour prévenir les dommages importants au bétail. Par suite le moyen tiré de l'absence de motivation manque en fait.

Sur la légalité interne de l'arrêté :

4. Aux termes de l'article 2 de la directive 2009/147/CE du Parlement Européen et du conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvage : « Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de toutes les espèces d’oiseaux visées à l’article 1er à un niveau qui corresponde notamment aux exigences écologiques, scientifiques et culturelles, compte tenu des exigences économiques et récréationnelles. ». Aux termes de l'article 5 de cette directive : « Sans préjudice des articles 7 et 9, les États membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un régime général de protection de toutes les espèces d'oiseaux visées à l'article 1er et comportant notamment l'interdiction : (…) d) de les perturber intentionnellement, notamment durant la période de reproduction et de dépendance, pour autant que la perturbation ait un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive ». L'article 9 prévoit que « 1. Les États membres peuvent déroger aux articles 5, 6, 7 et 8 s'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pour les motifs ci-après : a) - dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publique, - dans l'intérêt de la sécurité aérienne,- pour prévenir les dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries et aux eaux (…) ». Il appartient aux autorités administratives nationales, sous le contrôle du juge, d’exercer les pouvoirs qui leur sont conférés par la loi en leur donnant, dans tous les cas où elle se trouve dans le champ d’application d’une règle communautaire, une interprétation qui soit conforme au droit communautaire.

5. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : « Lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine biologique justifient la conservation d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées, sont interdits : 1° (…) la perturbation intentionnelle (…) d'animaux de ces espèces (...) ». Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : « Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (…) 4° La délivrance de dérogation aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...) ». En vertu de ces dernières dispositions il est permis de déroger aux interdictions prévues aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1 dès lors que sont remplies les trois conditions distinctes et cumulatives tenant, d’une part, à l’absence de solution alternative satisfaisante, d’autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l’un des motifs qu’il fixe.

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment des motifs exposés dans l’arrêté contesté, que celui-ci est fondé sur les dispositions du b) de l’article L. 411-2 précité selon lesquelles la dérogation à l’interdiction de perturbation volontaire est d’abord subordonnée à la condition que des dommages importants soient intervenus. Il ressort également des pièces du dossier que le nombre de déclarations de mortalité de bétail imputées par les éleveurs au vautour fauve était de soixante-neuf en 2010 et de vingt et un en 2011. L’étude « vautour fauve gyps fulvus et bétail : éco-éthiologie alimentaire, évolution, controverse » de M. Choiset publiée en 2013 fait également état d’interventions des vautours sur du bétail encore vivant notamment en cas de vêlage difficile. Enfin, la mise en place puis la suppression de la pratique des charniers ou placettes sur le versant espagnol des Pyrénées a induit une modification des comportements des vautours les conduisant à prospecter hors des massifs d’altitude vers les exploitations agricoles du Piémont. Ces données établissent l'existence d'une perturbation importante apportée aux activités agropastorales de la région. Par suite, le préfet des Pyrénées-Atlantiques, en retenant la nécessité de prévenir des dommages importants à l’élevage, s'est fondé sur un motif qui est au nombre de ceux limitativement énumérés par l'article L. 411-2 du code de l'environnement et n’a pas fait une inexacte application des dispositions du b) de cet article en estimant satisfaite la condition de dommages importants causés à l'élevage.

7. En deuxième lieu, il ne peut être dérogé à l'interdiction de perturbation intentionnelle des vautours fauves qu'à la condition qu'il n'existe pas de solutions satisfaisantes permettant à elles seules d'assurer un équilibre satisfaisant entre les intérêts publics en présence, en matière sociale et économique, d'une part, de protection de l'environnement, d'autre part. L’administration, en s'appuyant sur les travaux d'un groupe de travail issu du comité consultatif de la réserve naturelle d'Ossau, a examiné les incidences de la suppression de la pratique traditionnelle des charniers installés de manière incontrôlée à proximité des élevages et de son remplacement par la mise en place d'aires de dépôt de cadavres d'animaux morts naturellement, plus éloignées du piémont et alimentés de manière aléatoire. Toutefois, ainsi que le préfet l’a relevé et qu’il en ressort des pièces du dossier, cette solution ne suffirait pas à elle seule à assurer l'équilibre entre la protection de l'environnement et la nécessaire prise en compte des dommages causés par les vautours fauves à l'élevage. Il s’ensuit que l’existence d’autres solutions satisfaisantes n’est pas établie.

8. En troisième lieu, l’exigence posée par l'article L. 411-2 du code de l'environnement que l’arrêté autorisant une dérogation à l'interdiction de perturber intentionnellement des espèces protégées soit subordonné au maintien dans un état de conservation favorable des populations concernées dans leur aire de répartition naturelle doit être interprétée comme faisant obstacle à des effarouchements dont l’importance serait susceptible de menacer le maintien des effectifs de la population des vautours fauves en France. D’une part, sur la base de l'état des lieux dressé par l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), la liste rouge des espèces menacées dans le monde (2012) et en France (mai 2011), qui classe les espèces menacées pour lesquelles il existe des données en 7 catégories allant de RX – espèce éteinte, à LC – préoccupation mineure (espèce pour laquelle le risque de disparition est faible), mentionne le vautour fauve comme de préoccupation mineure tant en France qu'au niveau mondial. La légère régression de la population des vautours fauves dans les Pyrénées occidentales et la baisse du succès des reproductions constatées depuis 2006 ne suffisent pas à remettre en cause le statut de conservation de l'espèce tel que défini par l'UICN en 2012 au niveau mondial et en 2011 pour la France. D'autre part, l'arrêté n'autorise la pratique de tirs d'effarouchement que par les agents de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, pour une durée expérimentale d'un an. Cette autorisation ne concerne que les communes dans lesquelles ont été recensées le plus grand nombre de plaintes relatives à des attaques sur le bétail, ainsi que, sur autorisation expresse du préfet, celles dans lesquelles sera constatée une présence inhabituelle et importante des vautours fauves en zone de piémont ou de plaine à proximité immédiate des exploitations. L'effarouchement vise seulement à éloigner les vautours fauves des lieux d'agropastoralisme et s'accompagnera de la mise en place à titre expérimental dans des lieux contrôlés d'aires de dépôt d'animaux morts naturellement. Il ne ressort aucunement des pièces du dossier que l'absence de limitation de cette pratique pendant la période de reproduction et de dépendance des juvéniles puisse mettre en péril la reproduction des vautours fauves sur le territoire concerné. Par suite, l'arrêté contesté n'est pas, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, de nature à porter atteinte au maintien des effectifs de vautours fauves en France.

9. Il résulte de ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau, par le jugement n° 1201007, a rejeté leur demande d’annulation de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 21 mars 2012 autorisant l'effarouchement des vautours fauves. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE

Article 1er : La requête de l'association France Nature Environnement (FNE), la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO), l'Association pour la Protection des Animaux Sauvages (ASPAS), et la société pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le sud-ouest (SEPANSO) - section Pyrénées-Atlantiques est rejetée.