Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme Dominique M== a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler la décision du 18 septembre 2012 du recteur de l’académie de Bordeaux lui refusant le bénéfice de la grille indiciaire de rémunération des professeurs certifiés bi-admissibles au concours de l’agrégation.

Par un jugement n° 1203676 du 12 février 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 avril 2014 et par un mémoire, enregistré le 9 février 2015, présentés par Me Bonicatto, Mme M== demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1203676 du 12 février 2014 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d’annuler la décision du 18 septembre 2012 du recteur de l’académie de Bordeaux ;

3°) d’enjoindre au recteur de l’académie de Bordeaux de la faire bénéficier du traitement indiciaire des professeurs certifiés bi-admissibles au concours de l’agrégation à compter du jour de sa demande, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………………………

Considérant ce qui suit :

1. Mme M==, professeur certifié d’anglais de classe normale, s’est inscrite aux épreuves de la session de 2011 du concours externe et du concours interne de l’agrégation, dans la section « anglais ». Elle a été déclarée admissible aux épreuves orales des deux concours. Elle a demandé à bénéficier de l’échelonnement indiciaire applicable aux professeurs certifiés de classe normale bi-admissibles au concours de l’agrégation. Par décision du 18 septembre 2012, le recteur de l’académie de Bordeaux lui a refusé ce bénéfice. Mme M== relève appel du jugement n° 1203676 du 12 février 2014 du tribunal administratif de Bordeaux, qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision du recteur.

2. En vertu du décret n° 72-580 du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré, les concours externe et internes de l’agrégation sont organisés par sections qui peuvent comprendre des options. L’article 2 du décret n° 2004-277 du 22 mars 2004 relatif au recrutement dans les corps de personnels de l'enseignement scolaire relevant du ministre chargé de l'éducation nationale a supprimé le dernier alinéa de l’article 5-III de ce décret de 1972, qui prévoyait qu’au titre d’une même session, les candidats ne peuvent s’inscrire que dans une seule section soit au concours externe soit au concours interne. Depuis l’entrée en vigueur de ce décret, un candidat peut donc s’inscrire dans une même section au concours externe et au concours interne.

3. L’article 9 du décret n° 2010-1007 du 26 août 2010 fixant l'échelonnement indiciaire de certains personnels enseignants, d'éducation et d'orientation relevant du ministre de l'éducation nationale fait bénéficier certains de ces personnels et notamment les professeurs certifiés, classés à certains échelons de leur grade et au nombre desquels figure Mme M==, bi-admissibles à l’agrégation, d’un échelonnement indiciaire particulier.

4. Aucune disposition de ce décret, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne réserve expressément le bénéfice de l’échelonnement indiciaire ci-dessus mentionné aux seuls candidats ayant été déclarés admissibles aux épreuves de deux concours de l’agrégation organisées lors de deux sessions distinctes.

5. La décision de refus du recteur est fondée sur la note de service du 19 août 1991 du ministre chargé de l’éducation, soumettant le bénéfice de l’échelonnement indiciaire particulier prévu en faveur de candidats bi-admissibles au concours de l’agrégation à la condition d’une admissibilité à des concours organisés au titre de sessions distinctes pour des années différentes.

6. Le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche soutient que la modification, rappelée au point 2, du décret du 4 juillet 1972 a créé, en permettant une candidature aux concours externe et interne d’une même session, une situation nouvelle. Selon le ministre, celle-ci est de nature à justifier, pour tenir compte de la différence existant entre des candidats déclarés admissibles à de tels concours et ceux déclarés admissibles à des concours de sessions distinctes, soit l’institution d’une restriction de l’ouverture du droit à l’échelonnement indiciaire, soit une interprétation en ce sens du décret du 26 août 2010.

7. Même en admettant son existence mais dès lors qu’aucun principe n’oblige à traiter différemment des personnes du seul fait qu’elles se trouvent dans des situations différentes, la différence de situation invoquée par le ministre ne permettrait pas de regarder l’exigence d’une admissibilité à des concours de sessions distinctes comme impliquant nécessairement une interprétation en ce sens du décret du 26 août 2010.

8. Une restriction de l’ouverture du droit à l’échelonnement indiciaire fondée sur cette exigence ne pourrait, ainsi, résulter que de l’adoption de dispositions réglementaires nouvelles mais aucune disposition ne donne délégation du pouvoir réglementaire au ministre chargé de l’éducation nationale pour adopter des mesures ayant un tel objet.

9. Dans ces conditions, en soumettant le bénéfice de l’échelonnement indiciaire particulier, prévu désormais par l’article 9 du décret du 26 août 2010, à la condition d’une admissibilité à des concours de sessions distinctes, la note de service du 19 août 1991 du ministre chargé de l’éducation ne s’est pas bornée à donner un interprétation des règlements que cette autorité a pour mission de mettre en œuvre. Cette disposition de la note de service a un caractère impératif. Elle soumet le bénéfice de l’échelonnement indiciaire à une condition qui n’est pas prévue par des dispositions réglementaires et institue donc une règle nouvelle entachée d’incompétence. Par suite, Mme M== est recevable et fondée à exciper de l’illégalité de cette note de service pour contester le refus de la faire bénéficier de l’échelonnement indiciaire.

10. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de sa requête, Mme M== est fondée à soutenir que c’est à tort que, par son jugement du 12 février 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d’annulation de la décision du 18 septembre 2012 du recteur de l’académie de Bordeaux.

11. Il est constant que Mme M== a été déclarée admissible deux fois à un concours de l’agrégation et qu’elle remplissait donc l’ensemble des conditions requises par les dispositions réglementaires en vigueur pour bénéficier de l’échelonnement indiciaire particulier prévu par l’article 9 du décret du 26 août 2010. Elle est, dès lors, fondée à soutenir que c’est à tort que, par sa décision du 18 septembre 2012, le recteur de l’académie de Bordeaux lui a refusé ce bénéfice.

12. Eu égard aux motifs de l’annulation de la décision du 18 septembre 2012 du recteur de l’académie de Bordeaux résultant du présent arrêt, alors qu’aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait n’est invoqué, l’exécution de cet arrêt implique nécessairement que le recteur de l’académie de Bordeaux accorde à Mme M== le bénéfice de l’échelonnement indiciaire particulier prévu par l’article 9 du décret du 26 août 2010. Mme M== a été déclarée admissible au concours interne de l’agrégation en mars 2011 et au concours externe en juin 2011 mais demande seulement que le bénéfice de l’échelonnement indiciaire lui soit accordé à compter de la date non contestée de sa demande au recteur, soit le 6 juillet 2012. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de fixer à un mois à compter de la date de la notification du présent arrêt la durée du délai imparti au recteur pour déférer à l’injonction d’accorder à Mme M== le bénéfice de l’échelonnement indiciaire particulier auquel elle a droit, sans qu’il y ait lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.

13. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à Mme M== d’une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1203676 du 12 février 2014 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La décision du 18 septembre 2012 du recteur de l’académie de Bordeaux est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au recteur de l’académie de Bordeaux d’accorder, dans le délai d’un mois à compter de la date de la notification du présent arrêt, à Mme M== le bénéfice de l’échelonnement indiciaire particulier prévu par l’article 9 du décret du 26 août 2010 à compter du 6 juillet 2012.

Article 4 : L’Etat versera à Mme M== la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme M== est rejeté.