Vu le recours, enregistré le 10 mars 2014, présenté par le ministre de l’économie et des finances qui demande à la cour :

1°) d’annuler l’article 1er du jugement n° 1105057 du 5 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a déchargé M. L== des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2006 et des pénalités y afférentes ;

2°) de remettre à la charge de M. L== les impositions dont s’agit ; …………………………………………………………………………………………….

1. Considérant que, suite à un contrôle sur pièces, M. L== s’est vu réclamer des compléments d’impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l’année 2006 résultant de rectifications en matière de plus-value de cession de valeurs mobilières et de revenus de capitaux mobiliers ; que par jugement du 5 novembre 2013, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande en décharge de M. L== au motif que la proposition de rectification du 21 décembre 2009 n’avait pas régulièrement interrompu la prescription concernant les rectifications en cause ; que le ministre de l’économie et des finances fait appel de ce jugement ;

Sur la prescription :

2. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 169 du livre des procédures fiscales : « Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. » ; qu’aux termes de l’article L. 189 du même livre : « La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun. » ; qu’il résulte de ces dispositions que, pour interrompre valablement la prescription, la proposition de rectification adressée à M. L== portant sur l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2006 devait lui parvenir au plus tard le 31 décembre 2009 ;

3. Considérant, d’une part, qu'il incombe à l'administration d'établir que les actes interruptifs de prescription prévus par les dispositions du livre des procédures fiscales précitées sont parvenus en temps utile au contribuable ; qu'en cas de retour à l’expéditeur du pli recommandé contenant un tel acte, le contribuable ne peut être regardé comme l’ayant reçu que s’il est établi qu’il a été avisé, par la délivrance d’un avis de passage, de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste dont il relève et n’a été retourné à l’expéditeur qu’après l’expiration du délai de mise en instance prévu par la réglementation en vigueur ; que cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve ;

4. Considérant, d’autre part, qu’en l’absence de dispositions le lui imposant, il n’est pas fait obligation à l’administration de recourir exclusivement à l’envoi d’une proposition de rectification par lettre recommandée avec accusé de réception mais qu’elle doit, si elle utilise d’autres voies, notamment celle d’une société de messagerie, établir la date de présentation des plis et, si le pli n’a pas été retiré, la distribution d’un avis de passage par des modes de preuve offrant des garanties équivalentes ;

5. Considérant que M. L== a fait l’objet d’un contrôle sur pièces qui a porté sur les revenus qu’il a perçus au titre de l’année 2006 et qui a donné lieu à l’envoi d’une proposition de rectification en date du 21 décembre 2009 qu’il soutient ne pas avoir reçue avant le 3 mai 2010 lors de la réception d’une copie de cette proposition annexée à un courrier en date du 11 mars 2010 ; qu’il est constant que la proposition de rectification du 21 décembre 2009 a été envoyée au domicile de M. L==, le 23 décembre 2009, par pli acheminé par la société Chronopost référencé == et que ce pli, n’ayant pas été retiré par son destinataire, a, en conséquence, été renvoyé à la direction du contrôle fiscal Sud-Pyrénées en avril 2010 ; qu’il appartient dès lors à l’administration de démontrer, par tous moyens, que l’intéressé a été régulièrement avisé de la mise en instance du pli contenant la proposition de rectification ;

6. Considérant que, pour ce faire, l’administration se prévaut, tout d’abord, des mentions manuscrites, portées sur l’enveloppe contenant ladite proposition, « avisé le 29/12 » et « non réclamé retour » et, également, d’un autocollant apposé sur cette enveloppe portant les mentions dactylographiées « return-PM2 » et « 22/04/10-V1-2-1-destinataire avisé, envoi non réclamé dans les délais » ; qu’elle produit aussi la copie d’une capture d’écran du site Chronopost faisant apparaître le circuit suivi par le pli et indiquant notamment que le pli litigieux a été présenté au domicile du requérant une première fois, le 28 décembre 2009 à 17 heures 30 et une seconde fois, le 29 décembre 2009 à 14 heures 52 ; que ce tableau de suivi mentionne, en regard de chacune de ces deux dates : « envoi présenté mais destinataire absent. Pour la suite, se reporter à l’avis de passage » ; qu’enfin, l’administration a produit un courrier du 20 avril 2010 émanant du « service clients » de Chronopost International indiquant que l’envoi n° ==, déposé le 23 décembre 2009, a été présenté dans les délais le 28 décembre 2009 à 17 heures 30 ; que les mentions figurant sur l’ensemble des justificatifs produits sont, ainsi que le soutient le ministre, claires, précises et concordantes et établissent que M. L== a été régulièrement avisé de ce que le pli dont s’agit était à sa disposition au bureau de poste de Saint-Barthélémy ; qu’il suit de là que le ministre de l’économie et des finances est fondé à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont considéré que la proposition de rectification du 21 décembre 2009 n’avait pas interrompu le délai de reprise et ont accordé, pour ce motif, la décharge des impositions en litige ;

7. Considérant, toutefois, qu’il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. L== devant le tribunal administratif de Toulouse ;

Sur la plus-value de cession de valeurs mobilières :

8. Considérant qu’aux termes de l’article 150-0 A du code général des impôts : « (…) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personnes interposées, de valeurs mobilières, de droits sociaux (…), de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres (…) sont soumis à l’impôt sur le revenu lorsque le montant des cessions excède, par foyer fiscal, 15 000 euros pour l’imposition des revenus de l’année 2006 (…) » ; qu’aux termes de l’article 150-0 D du même code : « 1. Les gains nets mentionnés au I de l’article 150 0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d’acquisition par celui-ci ou, en cas d’acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation. » ;

9. Considérant qu’il résulte de l’instruction que, pour calculer l’assiette de l’imposition en litige, le service a, notamment, déduit du montant de la plus-value réalisée par M. L== à l’occasion de la cession des 529 528 actions qu’il détenait dans la société Akerys, une somme de 4 000 euros correspondant au plafond des droits d’enregistrement sur cession de droits sociaux ; que M. L== conteste ce montant et soutient qu’il a supporté des frais d’acquisition à hauteur de 348 972 euros correspondant à des frais d’audit réalisé par la société Ernst & Young, des frais de conseil financier émanant de la société JP Morgan ainsi que des frais d’avocat relatif aux négociations lors de la cession ; que, toutefois, les factures produites à l’appui de cette demande datent toutes de janvier 2004 ; qu’en outre, M. L== ne démontre ni que ces frais facturés en 2004 n’auraient pas déjà fait l’objet d’une déduction au titre d’une opération de cession réalisée en 2004 ni, surtout, qu’ils se rapportent à la cession réalisée en 2006 ;

10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. L== n’est pas fondé à remettre en cause le montant de la plus-value déterminée par l’administration ;

Sur le montant des revenus de capitaux mobiliers :

11. Considérant qu’aux termes de l’article 124 du code général des impôts : « Sont considérés comme revenus au sens du présent article, lorsqu'ils ne figurent pas dans les recettes provenant de l'exercice d'une profession industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, ou d'une exploitation minière, les intérêts, arrérages, primes de remboursement et tous autres produits : (…) » ; qu’aux termes de l’article 124 B du même code, dans sa rédaction applicable au litige : « Le régime d'imposition des gains retirés par des personnes physiques de cessions effectuées directement ou par personnes interposées, des titres de créances mentionnés au 1° bis du III bis de l'article 125 A, suit celui des produits de ces titres./ Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux cessions de parts des fonds communs de créances dont la durée à l'émission est inférieure ou égale à cinq ans. Ces dispositions s'appliquent également aux cessions de tout autre contrat dont les revenus sont visés à l'article 124 » ; que l’article 125 de ce code dispose : « Le revenu est déterminé par le montant brut des intérêts, arrérages, primes de remboursement ou tous autres produits des valeurs désignées à l'article 124. L'impôt est dû par le seul fait, soit du paiement des intérêts, de quelque manière qu'il soit effectué, soit de leur inscription au débit ou au crédit d'un compte (…) » et, enfin, que l’article 125 A dispose : « I. Sous réserve des dispositions du 1 de l'article 119 bis et de l'article 125 B, les personnes physiques qui bénéficient d'intérêts, arrérages et produits de toute nature de fonds d'Etat, obligations, titres participatifs, bons et autres titres de créances, dépôts, cautionnements et comptes courants, peuvent opter pour leur assujettissement à un prélèvement qui libère les revenus auxquels il s'applique de l'impôt sur le revenu,(…) III bis. Le taux du prélèvement est fixé ( …) 1° bis à 16 % pour les produits des titres de créances négociables sur un marché réglementé en application d'une disposition législative particulière et non susceptibles d'être cotés »; qu’en application de ces dispositions, l’administration a imposé, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, le gain résultant de la cession, par M. L==, de 310 460 obligations convertibles en action de la société Akerys ;

12. Considérant, en premier lieu, qu’il est constant que la cession d’obligations non négociables constitue une cession de titres de créances non négociables entrant dans le champ d’application des dispositions précitées ; que, par suite, le gain résultant d’une telle cession constitue un revenu imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

13. Considérant, en deuxième lieu, que M. L== invoque le bénéfice de la doctrine en se prévalant, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales d’une lettre SLF du 25 novembre 1993 ; que, toutefois, M. L==, qui n’a pas produit ladite lettre, n’assortit ce moyen d’aucune précision permettant d’en apprécier la portée ;

14. Considérant, en troisième lieu, que si M. L== soutient qu’il convient de prendre en compte, pour la détermination du revenu imposable résultant de cette cession, des frais d’acquisition des titres cédés à hauteur de 204 604,96 euros ainsi que des frais de cession de ces titres à hauteur de 56 121,96 euros, il ne produit aucun document probant permettant de démontrer qu’ils se rapportent à la cession litigieuse ni même de déterminer l’exactitude des montants des frais allégués ;

15. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. L== n’est pas fondé à remettre en cause le montant du revenu retenu par l’administration et imposé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

Sur les pénalités :

16. Considérant qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : « Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré » ;

17. Considérant qu’il résulte de l’instruction que, pour motiver l’application de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l’article 1729 du code général des impôts, le service s’est fondé sur la connaissance, par le contribuable, des règles applicables en matière de plus-value de cessions de valeurs mobilières compte tenu des nombreuses opérations effectuées depuis plusieurs années, sur le recours à des professionnels pour réaliser ces opérations, sur l’absence quasi-totale de déclaration du produit de la vente des obligations convertibles en actions et, enfin, sur l’importance des droits éludés ; que l’administration doit, dès lors, être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce que M. L== avait l’intention d’éluder l’impôt sans que celui-ci puisse utilement opposer qu’un autre vendeur ayant participé à cette opération de vente n’a pas fait l’objet d’une telle sanction ; que, par suite, M. L== n’est pas fondé à soutenir que les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées ;

18. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’économie et des finances est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a accordé à M. L== la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenus et de contribution sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2006 ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1105057 du 5 novembre 2013 est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. L== a été assujetti au titre de l’année 2006 sont remises à sa charge.