Lettre d’intervention d’un député en faveur d’un étranger ne constituant pas une demande de titre de séjour - conséquences
Par Béatrice le lundi 15 décembre 2014, 17:16 - ETRANGERS - Lien permanent
La lettre par laquelle un député intervient auprès du préfet afin qu’il examine à nouveau la situation d’un étranger en vue de la délivrance d’un titre de séjour, qui n’émane pas d’une personne justifiant d’un mandat qui lui aurait été donné par cet étranger, ne peut être regardée comme constituant une demande de titre de séjour formulée par celui-ci. Dès lors, le préfet ne peut, sans commettre d’erreur sur la portée de ladite lettre, estimer qu’il est saisi d’une telle demande et opposer en conséquence à l’étranger un refus de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire français avec fixation du pays de renvoi.
Arrêt 14BX01484 – 15 décembre 2014 – 3ème chambre – Mme S=== Chronique de Guillaume de La Taille. AJDA n° 15 du 4 mai 2015 page 859 et s.
Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2014, présentée pour Mme S==,
Mme S== demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1305737 du 17 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2013 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention "salarié" ou "vie privée et familiale", sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
1. Considérant que Mme S==, de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 17 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 23 octobre 2013 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d’un mois et fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d’annulation :
2. Considérant qu’il ressort des termes mêmes de l’arrêté contesté qu’il a été pris à la suite de la lettre datée du 19 avril 2013 par laquelle, après avoir exposé la situation de Mme S==, la députée de la 4ème circonscription de Haute-Garonne a demandé au préfet de « procéder à un nouvel examen de la situation de Mme S== afin qu’un titre de séjour puisse enfin lui être délivré » ; que, toutefois, cette lettre, qui n’émanait pas d’une personne justifiant d’un mandat qui lui aurait été donné par Mme S==, ne pouvait être regardée comme constituant une demande de titre de séjour formulée par celle-ci ; que, par suite, le préfet de la Haute-Garonne n’a pu, sans commettre d’erreur sur la portée de ladite lettre, estimer qu’il avait été saisi par Mme S== d’une telle demande et lui opposer en conséquence un refus de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire français avec fixation du pays de renvoi ;
3. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme S== est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté contesté ;
Sur les conclusions à fin d’injonction :
4. Considérant que le présent arrêt n’implique aucune mesure d’exécution ; que les conclusions de Mme S== tendant à ce qu’il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne, sous astreinte, de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention "salarié" ou "vie privée et familiale" ne peuvent, par suite, qu’être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant que Mme S== a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État le versement de la somme de 1500 euros à Me S==avocate de Mme S==, sous réserve qu’elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’État à l’aide juridictionnelle ;
DÉCIDE :
Article 1er : L’arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 23 octobre 2013 et le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 avril 2014 sont annulés.
Article 2 : L’Etat versera la somme de 1 500 euros à Me S==, en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu’elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’État à l’aide juridictionnelle.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté