Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 14 et 18 août 2014 présentés pour M. B==, M. C, M. B==, M. O==, M. M==, Mme J==, Mme J==, Mme L==, Mme B==, M. W==, et M. B==, par Me Bendjebbar ;

M. B== et autres demandent à la cour :

1°) d’annuler l’ordonnance n° 1401767 du 12 août 2014 du président du tribunal administratif de Poitiers qui a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la décision implicite du 23 juillet 2013 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (direccte) de Poitou-Charentes homologuant le document unilatéral élaboré par le liquidateur de la société « Les comptoirs du biscuit » fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi ;

2°) d’annuler cette décision implicite ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à chacun de la somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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1. Considérant que, par un jugement du 4 juillet 2013, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire sans poursuite d’activité de la société « Les comptoirs du biscuit », société par actions simplifiée (SAS) ayant pour activité la fabrication et la vente de biscuits sur deux sites situés l’un à Marcq-en-Baroeul (Nord) et l’autre à Saint-Jean d’Angély (Charente-Maritime), au motif que cette société ne disposait pas de capacités suffisantes pour lui permettre de poursuivre son activité, et a désigné Me Brouard en qualité de liquidateur ; que par un autre jugement du même jour, le tribunal de commerce de Paris a rejeté le plan de cession partiel du site de Saint-Jean d’Angély ; que ces deux jugements ont eu pour conséquence l’arrêt de l’activité du site de Saint-Jean d’Angély et la suppression des soixante-douze postes de travail rattachés à cette unité de production ; que M. B== et autres font appel de l’ordonnance du 12 août 2014 du président du tribunal administratif de Poitiers qui a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la décision implicite du 23 juillet 2013 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (direccte) de Poitou-Charentes homologuant le plan de sauvegarde de l’emploi de la société Les comptoirs du biscuit ;

2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 1235-7-1 du code du travail : « L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4. / Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. / Le recours est présenté dans un délai de deux mois par l'employeur à compter de la notification de la décision de validation ou d'homologation, et par les organisations syndicales et les salariés à compter de la date à laquelle cette décision a été portée à leur connaissance conformément à l'article L. 1233 57 4. (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 1233-57-4 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : « L'autorité administrative notifie à l'employeur la décision de validation dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 et la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours à compter de la réception du document complet élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4. / Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité d'entreprise et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires. La décision prise par l'autorité administrative est motivée. / Le silence gardé par l'autorité administrative pendant les délais prévus au premier alinéa vaut décision d'acceptation de validation ou d'homologation. Dans ce cas, l'employeur transmet une copie de la demande de validation ou d'homologation, accompagnée de son accusé de réception par l'administration, au comité d'entreprise et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires. / La décision de validation ou d'homologation ou, à défaut, les documents mentionnés au troisième alinéa et les voies et délais de recours sont portés à la connaissance des salariés par voie d'affichage sur leurs lieux de travail. » ;

3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 1233-58 du code du travail : « (…) II. - Pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 est validé et le document mentionné à l'article L. 1233-24-4, élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233 57 3, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1233-57-4 et à l'article L. 1233-57-7. Les délais prévus au premier alinéa de l'article L. 1233-57-4 sont ramenés, à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise, à huit jours en cas de redressement judiciaire et à quatre jours en cas de liquidation judiciaire. » ;

4. Considérant que les dispositions précitées de l’article L. 1233-58 du code du travail, qui concernent expressément les procédures de redressement ou de liquidation judiciaire, renvoient pour la notification des décisions de validation ou d’homologation aux seules dispositions des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 1233-57-4 du même code ; qu’ainsi, aucune disposition n’impose que la décision de validation ou d’homologation soit affichée sur les lieux de travail en cas de redressement ou de liquidation judiciaire de l’entreprise, alors notamment que les salariés peuvent ne plus avoir accès aux locaux de l’entreprise lorsque la liquidation a été prononcée avec cessation immédiate de l’activité ; qu’il s’ensuit que le délai de recours contentieux ouvert aux salariés commence à courir à compter de la date à laquelle cette décision, ainsi que l’indication des voies et délais de recours, ont été portées à leur connaissance, par tout procédé permettant d’en donner date certaine ; que la notification par lettre recommandée avec accusé de réception présente, pour les salariés, des garanties équivalentes voire même supérieures à l’affichage sur les lieux de travail pour leur permettre de contester devant le juge administratif le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que, d’une part, l’affichage sur les lieux de travail constituerait le seul mode prévu par la législation pour porter à la connaissance des salariés la décision d’homologation et les voies et délais de recours contre cette dernière à l’exclusion de tout autre mode, et, d’autre part, que le premier juge aurait appliqué les dispositions du 4ème alinéa de l’article L. 1233-57-4, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2014-699 du 26 juin 2014 portant simplification et adaptation du droit du travail inapplicable au présent litige, doivent être écartés ;

5. Considérant que les requérants soutiennent que pour qu’une notification individuelle ait pu se substituer à l’affichage sur les lieux de travail, encore eût-il fallu que chaque lettre de licenciement soit accompagnée des documents mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 1233-57-4, c’est-à-dire la copie de la demande d’homologation du document élaboré par l’employeur fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi et l’accusé de réception par l’administration de cette demande ; qu’ils en déduisent qu’il ne saurait leur être reproché de ne pas avoir contesté dans les délais une décision homologuant un plan de sauvegarde de l’emploi dont ils n’ont jamais pu connaître le contenu ; que, toutefois, les dispositions de l’article L. 1233 57-4 du code du travail dans leur rédaction applicable à la date de la décision contestée, ne prévoient de porter à la connaissance des salariés les documents mentionnés au troisième alinéa de cet article qu’à défaut d’avoir porté à leur connaissance la décision de validation ou d’homologation prise par l’administration ;

6. Mais considérant que si l’ensemble des requérants ont été rendus destinataires, durant la période comprise entre le 25 juillet et le 18 novembre 2013 d’une lettre de licenciement mentionnant que l’administration a été saisie, le 18 juillet 2013, de la demande d’homologation du document élaboré par le liquidateur judiciaire fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi préalablement soumis au comité d’entreprise les 17 et 18 juillet 2013, qu’elle a accusé réception de cette demande le 19 juillet 2013 et que l’homologation par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Poitou Charentes a été acquise tacitement à l’issue d’un délai de quatre jours, la lettre de licenciement adressée le 24 septembre 2013 à Mme L==, reçue par elle le 26 septembre suivant, ne comporte pas l’indication des voies et délais de recours ouvert contre cette décision implicite d’homologation ; qu’ainsi, le délai de recours de deux mois ouvert à l’intéressée pour saisir le tribunal administratif en application de l’article L. 1235-7-1 du code du travail n’a pas commencé à courir, de sorte que la demande enregistrée le 13 juin 2014 au greffe du tribunal administratif de Poitiers n’était pas, en tant qu’elle émanait de Mme L==, irrecevable ; que cette dernière étant recevable à demander au tribunal administratif l’annulation de la décision implicite d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi de la société « Les comptoirs du biscuit », il n’y a pas lieu de rechercher si les autres requérants, qui ont agi conjointement avec Mme L==, étaient également recevables à contester la légalité de cette décision ; que, dès lors, M. B== et autres, qui ont agi conjointement avec Mme L==, sont fondés à soutenir que c’est à tort que, pour rejeter leur demande au motif de sa tardiveté, le premier juge a considéré qu’aucun élément du dossier ne permettait de présumer que toutes les lettres de licenciement adressées aux salariés de l’entreprise ne seraient pas rédigées de manière identique à celle produite devant lui par les requérants et qui concernait un autre salarié ; que, par suite, l’ordonnance attaquée doit être annulée ;

7. Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de M. B== et autres présentées devant le tribunal administratif de Poitiers ;

8. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1233-57-3 du code du travail : « En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié (…) le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; (…). » ; que l’article L. 1233-61 du même code dispose : « Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. » ; qu’enfin, aux termes de l’article L. 1233-62 de ce même code : « Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : / 1° Des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; (…) » ;

9. Considérant qu’en application de ces dispositions, la légalité d’une décision portant homologation d'un plan de sauvegarde soumis à l’homologation de l’administration doit être appréciée en fonction des moyens dont disposent l'entreprise et le groupe auquel elle est éventuellement intégrée ; qu’il appartient à l’autorité administrative de vérifier que le document unilatéral de l’employeur déterminant le plan de sauvegarde de l’emploi a été établi compte tenu des moyens financiers dont dispose la société, et, en cas d’appartenance à un groupe, à la participation éventuelle de celui-ci au financement de ce plan ; que, toutefois, l’obligation de reclasser les salariés dont le licenciement est envisagé et l’établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi répondant aux moyens de l’entreprise et du groupe auquel elle appartient n’incombe qu’à l’employeur ;

10. Considérant que si le plan de sauvegarde homologué implicitement par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (direccte) de Poitou-Charentes mentionne en son paragraphe 1.1 « qu’en l’état, une recherche de reclassement a été effectuée au sein des sociétés du groupe Financière Turenne Lafayette » et que « le mandataire judiciaire est dans l’attente d’éventuelles offres de reclassement qui seront le cas échéant transmises aux salariés concernés dans les meilleurs délais », il ne précise pas les sociétés susceptibles de relever du périmètre de reclassement des salariés concernés ; que contrairement à ce que soutient le ministre du travail, l’organigramme figurant au point 3 du plan de sauvegarde de l’emploi ne permet pas de connaître le contour du groupe puisqu’il ne vise que la propriétaire du capital de la société « Les comptoirs du biscuit » ; que si une liste de postes disponibles a été diffusée le 12 août 2013 au secrétaire du comité d’entreprise en ce qui concerne le licenciement des salariés protégés de la société, soit d’ailleurs postérieurement aux réunions des 17 et 18 juillet 2013 du comité d’entreprise appelé à émettre un avis sur le plan de sauvegarde de l’emploi litigieux, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’une liste analogue de postes vacants susceptibles d’être proposés pour faciliter le reclassement interne des autres salariés ait été établie ; que l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi sur les mesures de reclassement interne ne permettait donc pas de regarder l’obligation d’une recherche de reclassement concrète, précise et personnalisée comme étant remplie ; que, dès lors, en estimant implicitement que le plan de sauvegarde soumis à son homologation par la société « Les comptoirs du biscuit » comportait un ensemble de mesures réelles, consistantes et proportionnées tendant à faciliter le reclassement des salariés dont le congédiement était inévitable, l’autorité administrative a entaché sa décision d’une erreur d’appréciation ;

11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que M. B== et autres sont fondés à demander l’annulation de la décision implicite du 23 juillet 2013 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Poitou-Charentes homologuant le document unilatéral élaboré par le liquidateur de la société « Les comptoirs du biscuit » fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi ;

12. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’affaire, de mettre à la charge de l’Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, une somme de 200 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à chacun des requérants qui ont agi conjointement ;

DECIDE

Article 1er : L’ordonnance n° 1401767 du 12 août 2014 du président du tribunal administratif de Poitiers et la décision implicite du 23 juillet 2013 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Poitou-Charentes homologuant le document unilatéral élaboré par le liquidateur de la société « Les comptoirs du biscuit » fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi sont annulées.

Article 2 : L’Etat versera à M. B==, M. C==, M. B==, M. O==, M. M==, Mme J==, Mme J==, Mme L==, Mme B==, M. W==, et à M. B== la somme de 200 euros chacun au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.