Vu la requête enregistrée le 22 juin 2012 présentée pour Mme Laura P== demeurant, par la Selarl Hoarau-Girard ;

Mme P== demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n°0900756 en date du 15 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à la décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel elle a été assujettie au titre de l’année 2005, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu l’ordonnance fixant en dernier lieu la clôture de l’instruction au 18 octobre 2013 à 12 heures ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 10 décembre 2013 :

- le rapport de M. Philippe Cristille, premier-conseiller ; - les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

1. Considérant que l’Eurl Africa Queen, qui exploite un bar-discothèque à Saint-Pierre (Réunion) et qui a opté pour son assujettissement à l’impôt sur les sociétés, a fait l’objet en 2007 d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2004 au 31 décembre 2005 qui a conduit l’administration à rehausser le bénéfice qu’elle avait déclaré au titre de l’exercice clos en 2005 en conséquence notamment d’une reconstitution de son chiffre d’affaires ; que Mme P==, gérante et associée unique de l’Eurl, a fait l’objet d’un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2004 et 2005 ; qu’elle a été assujettie au titre de l’année 2005 à un supplément d’impôt sur le revenu qui procède notamment de l’imposition entre ses mains, en tant que revenus distribués, de la somme de 499 649 euros correspondant selon l’administration à des recettes dissimulées par l’Eurl Africa Queen ; que Mme P==, qui ne conteste pas le bien-fondé des rehaussements autres que celui portant sur cette somme de 499 649 euros, fait appel du jugement du tribunal administratif de Saint-Denis qui a rejeté sa demande à fin de décharge de cette imposition ;

Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre :

Sur la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…) » ;

3. Considérant que, dans la proposition de rectification en date du 20 février 2008 qui a été adressée à Mme P==, l'administration s'est bornée à faire référence à la vérification de comptabilité de l’Eurl Africa Queen, à indiquer à Mme P== qu'elle avait été désignée comme bénéficiaire des sommes réputées distribuées en application de l’article 109-1 1° du code général des impôts et à préciser les sommes qu’elle proposait de soumettre à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sans mentionner les raisons de fait ou de droit pour lesquelles elle estimait devoir rehausser de 499 649 euros les bases imposables de l’Eurl, ni indiquer comment ce montant avait été déterminé ; que la proposition de rectification adressée à Mme P== était ainsi entachée d’une insuffisance de motivation ; qu’il résulte, toutefois, de l’instruction que Mme P== a reçu le 23 août 2007, en sa qualité de gérante de l’Eurl Africa Queen dont elle est en outre l’unique associée, la proposition de rectification datée du 20 août 2007 adressée à cette société dans laquelle étaient indiquées les raisons ayant conduit le vérificateur à écarter la comptabilité et à reconstituer le chiffre d’affaires, la méthode suivie pour cette reconstitution, les chiffres retenus dans le cadre de cette méthode et les montants de recettes non déclarées en résultant ; que, dans ces conditions, à la date à laquelle Mme P== a reçu la proposition de rectification la concernant, elle ne pouvait en aucun cas ignorer les motifs des rehaussements assignés à l’Eurl au titre des recettes dissimulées et disposait de tous les éléments lui permettant de présenter utilement ses observations sur les rehaussements envisagés de ses bases d’imposition à l’impôt sur le revenu ; que, par suite, l’irrégularité dont est entachée la proposition de rectification adressée à Mme P== n’a pas, dans les circonstances de l’espèce, privé celle-ci d’une garantie ; qu’il en résulte que cette irrégularité n’est pas de nature à entraîner la décharge de l’imposition contestée ;

Sur le bien-fondé de l’imposition :

4. Considérant qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : « 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (…) » ; qu’aux termes de l’article 110 du même code : « Pour l’application du 1° du 1 de l’article 109 les bénéfices s’entendent de ceux qui ont été retenus pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés (…) » ; qu’en cas de refus des redressements par le contribuable qu’elle entend imposer comme bénéficiaire des sommes regardées comme distribuées, il incombe à l’administration d’apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé ; que, toutefois, le contribuable maître d’une affaire est réputé avoir appréhendé les distributions réalisées par la société qu’il contrôle ;

5. Considérant que, comme il a déjà été dit, Mme P== détenait la totalité des parts de l’Eurl Africa Queen et en était la gérante ; qu'elle était ainsi le seul maître de l'affaire et pouvait disposer sans contrôle des fonds sociaux ; que, dans ces conditions, et sans qu’elle puisse utilement faire valoir que l’examen de sa situation fiscale personnelle n’a pas révélé qu’elle avait perçu des sommes équivalentes au montant de recettes dissimulées évalué par le service, elle doit être regardée comme ayant appréhendé les distributions réalisées par ladite société, qu’elle contrôlait entièrement ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'administration n’aurait pas apporté la preuve de l’appréhension des sommes litigieuses et aurait fait une application erronée des dispositions précitées de l'article 109-1 1° du code général des impôts ne peut qu’être écarté ;

6. Considérant que la circonstance que, par un courrier du 18 décembre 2008, postérieur à la mise en recouvrement des impositions litigieuses, le service des impôts a adressé à l’Eurl Africa Queen un courrier l’informant qu’à défaut de désignation régulière du bénéficiaire des sommes réputées distribuées en vertu de l’article 109-1 1° du code général des impôts l’amende prévue à l’article 1759 du même code serait établie au nom de cette société est, par elle-même, sans incidence sur le bien-fondé des impositions établies au nom de Mme P==, cette amende n’ayant d’ailleurs pas été finalement appliquée ;

7. Considérant, il est vrai, que Mme P== fait valoir que ce courrier du 18 décembre 2008 ainsi que la réponse adressée par le service aux observations qu’elle a présentées en réponse à la proposition de rectification qui lui a été adressée contenaient une prise de position formelle opposable à l’administration sur le fondement de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

8. Mais considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales : « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (…) » ; qu’il résulte du 1° de l’article L. 80 B du même livre que la garantie prévue au premier alinéa de l’article L. 80 A est applicable : « Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (…) » ; que les contribuables ne sont en droit d’ invoquer, sur le fondement de ces dispositions, lorsque l’administration procède à un rehaussement d’impositions antérieures, que des interprétations ou des appréciations antérieures à l’imposition primitive ; que, par suite, la requérante ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir de prises de position exprimées par les agents des services fiscaux lors de la procédure d’imposition qui a conduit à l’établissement des impositions supplémentaires en litige ou postérieurement à l’établissement de ces impositions ;

9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme P== n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme P== est rejetée.