Vu la requête, enregistrée le 10 décembre 2012, présentée pour l’association Vive la forêt, dont le siège social est situé à Hôtel de ville de Lacanau (33680), représentée par sa présidente en exercice, par Me de Lagausie, avocat ;

L’association Vive la forêt demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1001833 du 10 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du maire de la commune d’Hourtin du 5 janvier 2010 accordant à la société Hourtin promotion international un permis d’aménager en vue de la démolition de trois bâtiments et de la construction d’une halte nautique sur un terrain sis chemin de Piqueyrot, au lieu-dit Contaut, et de la décision de cette autorité du 22 mars 2010 rejetant son recours gracieux contre cet acte ;

2°) d’annuler l’arrêté et la décision précités ;

3°) de condamner la commune d’Hourtin à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 19 novembre 2013 :

- le rapport de M. Jean-Michel Bayle, président-assesseur ; - les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public ; - les observations de Me Lavaud collaborateur de la SCP Gravellier-Lief-de Lagausie, avocat de l’association Vive la forêt, de Me Laveissière, avocat de la commune d’Hourtin, de Me Brand, avocat de la société Hourtin promotion international ;

1. Considérant que la société Hourtin promotion international a saisi le maire de la commune d’Hourtin, le 28 novembre 2008, d’une demande de permis d’aménager en vue de la démolition de trois bâtiments et de la réalisation d’une halte nautique sur un terrain situé au lieu-dit Contaut ; que ce projet a été soumis à une enquête publique, par application de l’article R. 123-1 du code de l’environnement, qui s’est déroulée du 16 février au 18 mars 2009 ; que le maire d’Hourtin a accordé à la société pétitionnaire le permis sollicité, par arrêté du 5 janvier 2010 ; que l’association Vive la forêt interjette appel du jugement du 10 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté et de la décision de cette autorité du 22 mars 2010 rejetant son recours gracieux contre ledit permis ;

Sur le bien fondé du jugement :

2. Considérant que le projet de permis en litige a pour objectif le réaménagement du site sur lequel était implanté jusqu’au 30 juin 2000 le centre de formation de la marine, dont les constructions, à usage de logements, d’infirmerie, d’ateliers, de garages, de magasins, de salles et de terrains de sports et de cinéma représentaient une surface de 70 000 mètres carrés ; que ce projet a prévu, d’une part, la démolition de plusieurs bâtiments ainsi que des superstructures et infrastructures des appontements et des aires de circulation et de manœuvre, d’autre part, des travaux de terrassement, de décaissement pour porter le bassin destiné à l’accostage des bateaux à une superficie de 3,6 hectares, et de dragage du chenal d’accès comme de l’actuel bassin, outre l’exécution de fondations et de pieux pour notamment les pontons, les passerelles sur ledit bassin ainsi que l’aménagement des quais, la fabrication et la pose des pontons et des passerelles et l’installation des différents réseaux ; que le projet a également intégré la stabilisation des berges et la réalisation de digues de protection naturelles stabilisées, d’une longueur d’environ 90 mètres au nord et 70 mètres au sud ; que, si le maire de la commune d’Hourtin a décidé, par l’article 2 de l’arrêté du 5 janvier 2010, de supprimer ces digues, au demeurant étroites et d’une hauteur modeste, cette prescription, édictée en application de l’article A 423-4 du code de l’urbanisme, n’a pu avoir pour effet, eu égard à l’importance des travaux envisagés par ledit permis, d’affecter l’économie générale du projet ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la suppression des digues, qui se traduit nécessairement par une réduction des modifications des berges, puisse avoir, par rapport au projet initial, des effets tels qu’une nouvelle étude d’impact s’imposait ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le projet devait être soumis à une nouvelle instruction et, en particulier, à une nouvelle étude d’impact, ne peut qu’être écarté ;

3. Considérant que, d’une part, aux termes du II de l’article R. 122-3 du code de l’environnement : « L’étude d’impact présente successivement : / (…) 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l’environnement, et en particulier, sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l’eau, l’air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques… ; / 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d’environnement, parmi les partis envisagés qui font l’objet d’une description, le projet présenté a été retenu ; / 4° Les mesures envisagées par le maître de l’ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l’environnement et la santé, ainsi que l’estimation des dépenses correspondantes » ; que, d’autre part, aux termes de l’article L. 414-4 du même code : « Lorsqu’ils sont susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l’objet d’une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après « Evaluation des incidences Natura 2000 : / (…) 2° Les programmes ou projets d’activités, de travaux, d’aménagements, d’ouvrages ou d’installations » et qu’aux termes de l’article R. 414 19 dudit code : « Les programmes ou projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements mentionnés à l’article L. 414-1 du présent code font l’objet d’une évaluation de leurs incidences éventuelles au regard des objectifs de conservation des sites Natura 2000 qu’ils sont susceptibles d’affecter de façon notable dans les cas et selon les modalités suivantes : / 1° S’agissant des programmes ou projets situés à l’intérieur du périmètres d’un site Natura 2000 : / (…) c) s’ils relèvent d’un autre régime d’autorisation ou d’approbation administrative et doivent faire l’objet d’une étude ou d’une notice d’impact au titre des articles L. 122-1 à L. 122-3 et des articles R. 122-1 à R. 122-16 » ;

4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’étude d’impact comporte une analyse de l’état écologique initial du site, précisant, pour chaque catégorie d’espèces, la méthodologie et, dans certains cas, les éléments de bio-évaluation retenus ; que ladite étude, qui décrit précisément la flore rencontrée sur le terrain d’assiette en isolant celle qui est protégée, le lotier velu, et qui rappelle les observations effectuées lors de l’expertise mammalogique, étudie la présence des six mammifères pour lesquels le terrain présente un intérêt, à savoir la loutre d’Europe, le vison d’Europe, le murin à oreilles échancrées, le grand rhinolophe, le noctule de Leisler et l’oreillard gris ; que l’étude analyse de la même manière les oiseaux, les reptiles et les amphibiens, les poissons et les insectes ; que, dans une partie intitulée « Volet Natura 2000, incidences et mesures compensatoires », l’étude énumère les impacts sur la faune, en particulier sur les espèces protégés au titre de la directive n° 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992, et liste les mesures d’atténuation pour la conservation des animaux, l’ensemble étant récapitulé dans des tableaux aux pages 188 et 189 ; que l’association Vive la forêt ne démontre pas l’insuffisance de ces observations et mesures ; que l’étude d’impact aborde, d’une part, les effets sur les matériaux terrestres et lacustres ainsi que les besoins en remblais et la destination finale des matériaux pollués, en proposant la solution de l’utilisation locale des sédiments comprenant des déchets biodégradables après traitement sur site, les volumes non utilisés devant être évacués vers un centre de stockage des déchets ultimes, et l’incinération en Gironde des déchets ménagers et assimilables, d’autre part, les effets du motonautisme et préconise des mesures pour limiter les effets négatifs de cette activité sur la faune, par l’instauration d’une réglementation des zones navigables et de la vitesse ; que l’association requérante ne fournit aucun élément de nature à faire douter de la pertinence de l’évaluation de l’étude quant à l’accroissement du nombre de bateaux ; que l’étude expose, dans sa deuxième partie, après description de l’état initial, les justifications du parti d’aménagement envisagé en annonçant, notamment, l’objectif de limiter le mouillage aux corps-morts, la commune s’étant engagée, selon des indications de l’étude qui ne sont pas sérieusement contestées, à affecter 130 anneaux à ce rapatriement des embarcations, et l’objectif d’assurer une navigation sécurisée sur le plan d’eau ; que, ne décrivant pas d’autre choix pour l’aménagement du site, les auteurs de l’étude d’impact n’étaient pas soumis à l’exigence de justifier le parti projeté par rapport à d’autres hypothèses ; que les mesures de compensation proposées se limitant à la conservation en l’état d’une partie importante des berges du terrain concerné, à la pose d’une clôture pour empêcher l’accès aux espaces sensibles, susceptibles de servir d’habitat, de territoire de repos ou de zone de transit à des espèces animales protégées, et à l’instauration d’une réglementation des zones navigables et de la vitesse, l’étude d’impact n’est pas entachée d’irrégularité du fait de l’absence de chiffrage desdites mesures ;

5. Considérant que la directive n° 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ayant été transposée en droit interne par l’ordonnance n° 2001-321 du 11 avril 2001, notamment aux articles L. 414-1 et suivants du code de l’environnement, l’association Vive la forêt, qui se prévaut d’ailleurs également de ces derniers articles, ne peut invoquer directement le texte communautaire à l’encontre de l’arrêté du 5 janvier 2010 ;

6. Considérant que les dispositions de l’article R. 161-3 du code de l’environnement, qui précisent le champ d’application de l’article L. 160-1 de ce code relatif aux conditions dans lesquelles sont prévenus ou réparés, en application du principe pollueur-payeur et à un coût raisonnable pour la société, les dommages causés à l’environnement par l’activité d’un exploitant, ne peuvent être utilement opposées à un permis d’aménager qui, par lui-même, ni ne constitue une menace imminente de préjudices pour l’environnement, ni ne crée de désordres ;

7. Considérant qu’aux termes de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme : « Les documents et décisions relatifs (…) à l’occupation et à l’utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral (…) » ; que l’article R. 146-1 du même code dispose que : « En application du premier alinéa de l’article L. 146-6, sont préservés, dès lors qu’ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel du littoral (…) g) Les parties naturelles des sites inscrits et classés (…) en application de la loi du 2 mai 1930 (…) » ; qu’en vertu de l’article R. 146-2 dudit code, ne peuvent être implantés dans les espaces mentionnés à l’article R. 146-1 que des aménagements légers et à la condition que leur localisation et leur nature ne dénaturent pas le caractère des sites, ne compromettent pas la qualité architecturale et paysagère de ces derniers et ne portent pas atteinte à la préservation des lieux ;

8. Considérant que, si les dispositions précitées tendent à préserver les parties naturelles des sites inscrits ou classés qui doivent être présumés constituer un paysage remarquable ou caractéristique eu égard à l’objet des procédures de classement et d’inscription prévues par la loi du 2 mai 1930, elles ne font pas obstacle à ce qu’un permis d’aménager ou de construire soit accordé sur un terrain déjà urbanisé ou déjà altéré par l’activité humaine ; que, si les étangs de Carcans et d’Hourtin, d’une part, l’ensemble formé par les rives de ces plans d’eau, d’autre part, ont fait l’objet d’un classement parmi les sites du département de la Gironde par décrets, respectivement, du 16 septembre 1968 et du 29 septembre 1983, il ressort des pièces du dossier que le projet réaménage une partie de l’ancien centre de formation de la marine, qui comporte, sur une emprise de 23 hectares, une surface bâtie de 70 000 m2 comprenant des logements, une infirmerie, des magasins, des ateliers, des garages, des salles et terrains de sport et même une salle de cinéma de 1 200 personnes ; qu’ainsi ce site, où ont pu vivre jusqu’à 3 500 personnes, a déjà été considérablement altéré par l’activité humaine ; que, fermé depuis presque dix ans à la date de la décision attaquée, le centre était demeuré une friche militaire, qui ne saurait être qualifiée de paysage remarquable ; qu’il suit de là que le permis d’aménager ne méconnaît pas les dispositions précitées de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme ;

9. Considérant qu’aux termes de l’article L. 212-3 du code de l’environnement : « Le schéma d’aménagement et de gestion des eaux institué pour un sous-bassin (…) fixe les objectifs généraux et les dispositions permettant de satisfaire aux principes énoncés aux articles L. 211-1 et L. 430-1 » et qu’aux termes de l’article L. 212-5-2 du même code : « Lorsque le schéma a été approuvé et publié, le règlement et ses documents cartographiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l’exécution de toute installation, ouvrage, travaux ou activité mentionnés à l’article L. 214-2 » ; que cet article dispose que « Les installations, ouvrages, travaux et activités visés à l’article L. 241-1 sont définis dans une nomenclature (…) et soumis à autorisation ou à déclaration suivant les dangers qu’ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques compte tenu notamment de l’existence des zones et périmètres institués pour la protection de l’eau et des milieux aquatiques » ; que le permis d’aménager n’autorise pas, par lui-même, la réalisation d’ouvrages, travaux ou activités mentionnés à l’article L. 214-1 du code de l’environnement ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de compatibilité du projet avec le schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) des lacs médocains ne peut qu’être écarté ;

10. Considérant que l’association Vive la forêt ne peut utilement se prévaloir de l’article 23 de la loi du 3 août 2009 susvisée, qui se borne à fixer à l’Etat des objectifs en vue de stopper la perte de biodiversité sauvage et domestique ainsi que de restaurer et de maintenir les capacités d’évolution de cette biodiversité ;

11. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance et les fins de non-recevoir opposées par la commune d’Hourtin et par la société Hourtin promotion international, l’association Vive la forêt n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d’Hourtin, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont l’association Vive la forêt demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’association Vive la forêt le paiement d’une somme de 1 000 euros, d’une part, à la commune d’Hourtin, d’autre part, à la société Hourtin promotion international, sur ce fondement ;

DECIDE :

Article 1er : La requête susvisée présentée pour l’association Vive la forêt est rejetée.

Article 2 : L’association Vive la forêt versera une somme de 1 000 euros, d’une part, à la commune d’Hourtin, d’autre part, à la société Hourtin promotion international, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.