Vu la requête, enregistrée le 9 décembre 2010 en télécopie, régularisée le 15 décembre 2010, présentée pour la SAS Ferso Bio devenue Atemax Sud Ouest SAS, dont le siège est Monbusq à Le Passage (47520), par Me de Gerando ;

La société Ferso Bio devenue Atemax Sud Ouest demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0705533 du 14 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision en date du 25 octobre 2007 par laquelle le ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables a rejeté le recours qu’elle a formé le 31 juillet 2007 contre l’arrêté ministériel du 31 mai 2007 fixant la liste des exploitants auxquels sont affectés des quotas d’émission de gaz à effet de serre pour la période 2008/2012 et le montant des quotas qui leur sont affectés, ainsi que l’arrêté ministériel du 31 mai 2007 en ce qu’il ne lui a alloué qu’un quota d’émission de gaz à effet de serre égal à 28 135 tonnes de CO2 pour l’ensemble de la période, soit 5 627 tonnes par an ;

2°) d’annuler la décision ministérielle du 25 octobre 2007 et de prononcer l’annulation partielle de l’arrêté du 31 mai 2007 en ce qu’il ne lui a alloué qu’un quota d’émission de gaz à effet de serre égal à 28 135 tonnes de CO2 pour l’ensemble de la période 2008/2012 ;

3°) d’enjoindre au ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, de lui affecter un quota d’émission de gaz à effet de serre en relation avec sa capacité d’exploitation, pour la période 2008/2012 et pour chaque année ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L.761 1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu le décret n° 2004-832 du 19 août 2004 relatif au système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre, modifié par le décret n° 2005-189 du 25 février 2005 ;

Vu le décret n° 2007-979 du 15 mai 2007 approuvant le plan national d'affectation des quotas d'émission de gaz à effet de serre établi pour la période 2008-2012 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 7 mars 2013 :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire, conseiller ; - les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ; - et les observations de Me de Gerando, avocat de la société Ferso Bio devenue Atemax Sud Ouest ;

1. Considérant que, par un arrêté du 31 mai 2007, pris au titre des articles L.229-5 à L.229-19 du code de l’environnement, le ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables a fixé la liste des exploitants auxquels sont affectés des quotas d’émission de gaz à effet de serre pour la période 2008/2012 et le montant des quotas qui leur sont attribués ; que, par un courrier daté du 31 juillet 2007, la société Ferso Bio a formé devant le ministre un recours contre cet arrêté en tant qu’il ne lui attribue qu’un quota égal à 28 135 tonnes de CO2 pour l’ensemble de la période considérée, soit 5 627 tonnes par an ; que la société Ferso Bio relève appel du jugement n° 0705533 du 14 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 25 octobre 2007 par laquelle le ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables a rejeté son recours gracieux et de l’arrêté du 31 mai 2007 en tant qu’il ne lui alloue qu’un quota d’émission de gaz à effet de serre égal à 28 135 tonnes de CO2 au titre de la période 2008/2012 ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation partielle de l’arrêté du 31 mai 2007 :

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 229-27 du code de l’environnement : « Préalablement à tout recours contentieux à l'encontre d'une décision d'affectation ou de délivrance de quotas d'émission de gaz à effet de serre prise au bénéfice d'un exploitant ou d'une décision de limitation des émissions de gaz à effet de serre prise en application du I de l'article L. 229-12, l'exploitant saisit le ministre chargé de l'environnement qui statue après avis d'une commission constituée ainsi qu'il est dit à l'article R. 229-28. La commission instruit les réclamations portées devant le ministre. Elle rend un avis motivé au plus tard dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. Le ministre notifie sa décision à l'exploitant, assortie de l'avis de la commission. » ;

3. Considérant que l’institution par ces dispositions d’un recours administratif obligatoire préalable à la saisine du juge a pour effet de laisser à l’autorité compétente pour en connaître le soin d’arrêter définitivement la position de l’administration ; qu’il s’ensuit que la décision prise à la suite du recours se substitue nécessairement à la décision initiale ; qu’en conséquence, elle est seule susceptible d’être déférée au juge de la légalité ;

4. Considérant que le ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables a rejeté, par décision du 25 octobre 2007, le recours administratif préalable présenté par la société Ferso Bio à l’encontre de l’arrêté ministériel du 31 mai 2007 en tant qu’il ne lui alloue qu’un quota d’émissions de CO2 égal à 28 135 tonnes pour la période comprise entre 2008 et 2012 ; qu’il en résulte que, comme l’a relevé à juste titre le tribunal administratif de Bordeaux dans le jugement n° 0705533, la société Ferso Bio est irrecevable à demander l’annulation partielle de cet arrêté ;

Sur la légalité de la décision du 25 octobre 2007 :

En ce qui concerne les textes applicables et le cadre juridique du litige :

5. Considérant qu’afin de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 a établi un système d’échange de quotas d’émission dans l’Union européenne ; que cette directive a été transposée par l’ordonnance n° 2004-330 du 15 avril 2004, qui a ajouté au chapitre IX du titre II du livre II du code de l’environnement une section 2 intitulée « Quotas d'émission de gaz à effet de serre » et composée des articles L. 229-5 à L. 229-19 ;

6. Considérant qu’en vertu de ces dispositions, depuis le 1er janvier 2005, toute installation réalisant l’une des activités mentionnées à l'annexe I de la directive 2003/87/CE et rejetant dans l’atmosphère certains gaz à effet de serre lorsqu’elle exerce cette activité doit posséder une autorisation délivrée à cet effet par les autorités compétentes ; que les autorités accordent l'autorisation si elles considèrent que l'exploitant de l'installation est en mesure de surveiller et de déclarer les émissions ; que l'autorisation contient notamment l'obligation de restituer, au cours des quatre premiers mois de chaque année, les quotas correspondant aux émissions totales de l'année précédente ; qu’au début de chaque période, les Etats affectent un volume donné de quotas aux exploitants des installations ; qu’à la fin de chaque période, les exploitants doivent restituer le nombre de quotas correspondant à leurs émissions de dioxyde de carbone ; que les quotas sont transférables et négociables ;

7. Considérant qu’aux termes de l’article L.229-8 du code de l’environnement : « I. - Les quotas d'émission de gaz à effet de serre sont affectés par l'Etat pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 2005, puis par périodes de cinq ans, dans le cadre d'un plan national établi pour chaque période. / II. - Ce plan fixe la quantité maximale de quotas d'émission affectés par l'Etat au cours d'une période hors ceux qu'il acquiert en application du II de l'article L. 229-15, les critères de répartition de ces quotas et la liste des installations bénéficiaires. (…). IV. Le plan répartit les quotas d'émission entre les différentes installations mentionnées à l'article L. 229-5. Cette répartition tient compte des possibilités techniques et économiques de réduction des émissions des activités bénéficiaires, des prévisions d'évolution de la production de ces activités, des mesures prises en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre avant l'établissement du système d'échange de quotas ainsi, le cas échéant, que de la concurrence d'activités situées dans des pays extérieurs à la Communauté européenne. » ;

8. Considérant que les critères applicables aux plans nationaux d’allocation de quotas sont définis par l’annexe III de la directive susvisée qui précise, en son point 5, que le plan de répartition des quotas ne doit pas opérer de discrimination entre entreprises ou secteurs qui soit susceptible d'avantager indûment certaines entreprises ou activités et, en son point 7, que le plan peut tenir compte des mesures prises à un stade précoce ; que les dispositions précitées du IV de l’article L.229-8 du code de l’environnement obligent en outre l’administration à tenir compte, lorsqu’elle répartit les quotas d’émission entre les différentes installations, des mesures prises par les entreprises en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre avant l'établissement du système d'échange de quotas ; qu’enfin, le plan national d’affectation des quotas d’émission de gaz à effet de serre pour la période 2008/2012, prévoit, dans chaque secteur d’activité, une répartition des quotas entre les installations au prorata de leurs émissions historiques de CO2 ; que la décision de la Commission du 29 janvier 2004 concernant l’adoption de lignes directrices pour la surveillance et la déclaration des émissions de gaz à effet de serre, conformément à la directive 2003/87/CE, prévoit que « la biomasse est considérée comme ayant un bilan CO2 neutre. Un facteur d’émission de 0 lui est appliqué » ;

9. Considérant qu’en vertu de l’article 11 de la directive 2003/87/CE, les décisions d’allocation de quotas sont conformes aux exigences du traité, et notamment à celles de ses articles 87 et 88 ; que dans la mise en œuvre des pouvoirs que le ministre de l’écologie et du développement durable tient des dispositions des articles L. 229-5 et suivants du code de l’environnement, il lui appartient de veiller à ce que l’attribution de quotas d’émission de gaz à effet de serre n’ait pas pour effet de conduire à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence sur un marché, notamment en ne permettant pas à certaines entreprises de céder, conformément aux dispositions de l’article L. 229-15 du code de l’environnement, des quotas d’émissions de gaz à effet de serre et en les privant ainsi des revenus issus de la vente de ces quotas ; qu’à ce titre, il incombe au ministre d’opérer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, une conciliation entre d’une part, les objectifs d’ordre environnemental de nature à justifier que soit appliqué un traitement différent aux entreprises utilisant les biocombustibles et à celles recourant à des procédés énergétiques émettant des gaz à effet de serre et, d’autre part, les impératifs tenant à la préservation de la libre concurrence dans le secteur en cause ;

En ce qui concerne la légalité externe :

10. Considérant, en premier lieu, que la société Ferso Bio devenue Atemax Sud Ouest reproche à l’administration de n’avoir pas précisé les règles sur lesquelles elle s’était fondée pour répartir les quotas d'émission de gaz à effet de serre entre exploitants d’un même secteur d’activité ;

11. Considérant cependant, qu’à la date de la décision attaquée, aucune disposition législative ou réglementaire n’imposait à l’administration de motiver le rejet du recours préalable obligatoire en matière de quotas d’émissions de gaz à effet de serre ; que par suite, la circonstance que le calcul du quota attribué, qui n’est pas une décision défavorable, n’aurait pas été porté à la connaissance de la société ne peut être utilement invoquée pour demander l’annulation de cette décision ;

En ce qui concerne la légalité interne :

12. Considérant que la société Ferso Bio devenue Atemax Sud Ouest soutient que la décision attaquée méconnaît le principe d’égalité et celui de libre concurrence dès lors que pour déterminer le nombre de quotas à lui allouer, l’administration n’a pas appliqué le coefficient d’équivalence fioul lourd à la quantité de biomasse qu’elle avait utilisée ; que toutefois, les dispositions précitées impliquent seulement de prendre en considération la situation particulière de certaines entreprises en leur attribuant des quotas d’émission en fonction des efforts qu’elles ont consentis pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre avant l’établissement du système d’échange de quotas, notamment en investissant pour convertir leur système de combustion à l’utilisation de la biomasse ; que rien ne s’oppose à ce qu’il soit tenu compte à cette occasion des risques de rupture d’approvisionnement en biocombustible auxquels elles sont exposées ; qu’en revanche, les dispositions précitées n’impliquent pas que les quotas alloués soient fixés au regard de l’équivalent en combustibles fossiles de la quantité de biomasse utilisée, laquelle n’est pas génératrice de gaz à effet de serre ; que la différence de traitement entre les entreprises selon le combustible utilisé et les émissions de gaz à effet de serre qu’il provoque ou non dans l’atmosphère répond à un objectif environnemental et ne méconnaît pas dans son principe la libre concurrence dans le secteur ;

13. Considérant que les premiers juges ont relevé, pour écarter les moyens tirés de la violation des principes d’égalité et de libre concurrence, que la société Ferso Bio n’apporte aucun élément de nature à établir qu’elle serait placée, au regard de ses émissions historiques de CO2, dans une situation comparable à celles des autres sociétés du même secteur d’activité que le sien et qui se sont vues attribuer des quotas d’émission de gaz à effet de serre pour la période 2008/2012 supérieurs à ceux qui lui ont été alloués ; que si la société a valorisé l’avantage potentiel, au prix de vente atteint sur le marché d’échange, que représenterait pour l’une de ses concurrentes l’allocation d’un quota élevé, elle ne donne en regard aucune information sur le coût des investissements qu’elle aurait elle-même consentis avant la mise en place du système d’échanges, ni sur les coûts de maintenance qu’elle supporterait ; qu’ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité n’est pas davantage assorti en appel de précisions de nature à permettre d’en apprécier le bien-fondé ;

14. Considérant que la société requérante s’est vue allouer des quotas d’émission de gaz à effet de serre pour la période 2008/2012 en raison du risque significatif de perte d’approvisionnement en biomasse auquel elle est exposée, lequel n’est au demeurant pas caractérisé dans les pièces du dossier, et nonobstant la circonstance qu’elle n’émet plus de CO2 depuis plusieurs années ; que, dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le ministre n’aurait pas procédé à l’examen particulier de sa situation et aurait méconnu les principes de répartition des quotas doivent être écartés ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Ferso Bio devenue Atemax Sud Ouest n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement n° 0705533 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :

16. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d’annulation de la société requérante, n’implique aucune mesure particulière d’exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d’injonction au ministre de lui attribuer des quotas sous astreinte ne peuvent qu’être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Atemax Sud Ouest au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Ferso Bio devenue Atemax Sud Ouest est rejetée.