Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2011, présentée pour M. Yvann D==, demeurant==, par la société d’avocats inter-barreaux AVELIA, avocats ;

M. D== demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0902008 du 12 mai 2011 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges en tant qu’il a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision 48SI du 6 octobre 2009 par laquelle le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales lui a notifié la perte de six points affectés à son permis de conduire suite à l’infraction commise le 19 octobre 2008, lui a rappelé la perte de sept autres points suite à des infractions antérieures, a constaté l’invalidation de son permis de conduire pour solde de points nul et lui a enjoint de le restituer aux services préfectoraux de son département ;

2°) d’annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté, ainsi que les décisions de retrait de trois et six points suite aux infractions respectivement du 1er avril et du 19 octobre 2008 ;

3°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration de procéder à la restitution des neuf points en cause et de lui restituer son permis de conduire ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 février 2012 :

- le rapport de Mme Catherine Girault, président ;

- et les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

Considérant que M. D== a contesté devant le tribunal administratif de Limoges la décision 48SI du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales en date du 6 octobre 2009 constatant l’invalidation de son permis de conduire pour solde de points nul compte tenu, d’une part, du capital initial de six points dont il disposait dans le cadre de la période probatoire ayant débuté le 16 mai 2006 à laquelle il était soumis pour une durée de trois ans après une première annulation de son permis de conduire et, d’autre part, des trois infractions ayant entraîné retrait de points commises le 25 août 2006 à Montipouret (quatre points), le 1er avril 2008 à Ardentes (trois points) et le 19 octobre 2008 à Jeu-les-Bois (six points), malgré un stage de sensibilisation à la sécurité routière ayant permis la récupération de quatre points, et lui enjoignant de restituer ledit permis de conduire aux services préfectoraux de son département ; qu’il fait appel du jugement n° 0902008 du 12 mai 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne les conditions de notification des retraits de points :

Considérant qu’aux termes du dernier alinéa de l’article L. 223-3 du code de la route : « Le retrait de points est porté à la connaissance de l’intéressé par lettre simple quand il est effectif » ;

Considérant que les conditions de la notification au conducteur des retraits de points de son permis de conduire, prévue par les dispositions précitées sont sans influence sur la régularité de la procédure suivie et partant, la légalité de ces retraits ; que cette procédure a pour seul objet de rendre les retraits opposables à l’intéressé et de faire courir le délai dont dispose celui-ci pour en contester la légalité devant la juridiction administrative ; que la circonstance que le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ne soit pas en mesure d’apporter la preuve que la notification des retraits successifs, effectuée par lettre simple, a bien été reçue par son destinataire, ne saurait lui interdire de constater que le permis a perdu sa validité, dès lors, que dans la décision procédant au retrait des derniers points, il récapitule les retraits antérieurs et les rend ainsi opposables au conducteur, qui demeure recevable à exciper de l’illégalité de chacun de ces retraits ;

En ce qui concerne l’obligation d’information préalable :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 223-3 du code de la route : « Lorsque l’intéressé est avisé qu’une des infractions entraînant retrait de points a été relevée à son encontre, il est informé des dispositions de l’article L. 223-2, de l’existence d’un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d’exercer le droit d’accès conformément aux articles L. 225-1 à L. 225-9. / Lorsqu’il est fait application de la procédure de l’amende forfaitaire ou de la procédure de composition pénale, l’auteur de l’infraction est informé que le paiement de l’amende ou l’exécution de la composition pénale entraîne le retrait du nombre de points correspondant à l’infraction reprochée, dont la qualification est dûment portée à sa connaissance ; il est également informé de l’existence d’un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d’exercer le droit d’accès. (…) » ; qu’en vertu de l’article R. 223-3 du même code : « I. Lors de la constatation d’une infraction entraînant retrait de points, l’auteur de celle-ci est informé qu’il encourt un retrait de points si la réalité de l’infraction est établie dans les conditions définies à l’article L. 223-1. / II. Il est informé également de l’existence d’un traitement automatisé des retraits et reconstitutions de points et de la possibilité pour lui d’accéder aux informations le concernant. Ces mentions figurent sur le document qui lui est remis ou adressé par le service verbalisateur. (…) » ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que l’administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire, à la suite d’une infraction dont la réalité a été établie, que si l’auteur de l’infraction s’est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues aux articles L. 223-3 et R. 223 3 du code de la route, lesquelles constituent une garantie essentielle lui permettant de contester la réalité de l’infraction et d’en mesurer les conséquences sur la validité de son permis ; qu’il appartient à l’administration d’apporter la preuve, par tout moyen, qu’elle a satisfait à cette obligation d’information ;

Considérant que pour l’application des articles R. 49-1 et R. 49-10 du code de procédure pénale, il est prescrit depuis l’intervention de l’arrêté du 5 octobre 1999 relatif aux formulaires utilisés pour la constatation et le paiement des contraventions soumises à la procédure de l’amende forfaitaire, dont les dispositions pertinentes sont codifiées aux articles A. 37 à A. 37 4 du même code, que lorsqu’une contravention soumise à cette procédure est relevée avec interception du véhicule mais sans que l’amende soit payée immédiatement entre les mains de l’agent verbalisateur, ce dernier utilise un formulaire réunissant, en une même liasse autocopiante, le procès-verbal conservé par le service verbalisateur, une carte de paiement matériellement indispensable pour procéder au règlement de l’amende et l’avis de contravention, également remis au contrevenant pour servir de justificatif du paiement ultérieur, qui comporte une information suffisante au regard des exigences résultant des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ; que, dès lors, le titulaire d’un permis de conduire à l’encontre duquel une infraction au code de la route est relevée au moyen d’un formulaire conforme à ce modèle et dont il est établi, notamment par la mention qui en est faite au système national des permis de conduire, qu’il a payé l’amende forfaitaire correspondant à cette infraction a nécessairement reçu l’avis de contravention ; qu’eu égard aux mentions dont cet avis est réputé être revêtu, l’administration doit alors être regardée comme s’étant acquittée envers le titulaire du permis de conduire de son obligation de lui délivrer les informations requises préalablement au paiement de l’amende, à moins que l’intéressé, à qui il appartient à cette fin de produire l’avis qu’il a nécessairement reçu, ne démontre s’être vu remettre un avis inexact ou incomplet ;

S’agissant de l’infraction du 25 août 2006 :

Considérant qu’il est constant que, pour cette infraction relative au non-respect de l’arrêt absolu au stop à une intersection, l’obligation d’information préalable a bien été respectée ;

S’agissant de l’infraction du 1er avril 2008 :

Considérant qu’une infraction pour conduite sans port de la ceinture de sécurité a été constatée à l’encontre de M. D== le 1er avril 2008, avec interception du véhicule ; que le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration produit le relevé d’information intégral relatif à la situation de l’intéressé à la date du 14 septembre 2011, qui fait état de ce que le requérant a procédé au paiement de l’amende forfaitaire, et soutient que l’information reçue par le contrevenant à cette occasion ne pouvait avoir été délivrée en 2008 sur un formulaire antérieur à 1999 ne comportant pas toutes les précisions requises, ces formulaires ayant été détruits après le passage à l’euro, comme le demandaient un message n° 8872 du 20 décembre 2000 du directeur général de la gendarmerie et une note de service n° 002590 du 23 février 2001 du directeur de la sécurité publique donnant instruction aux services de police et de gendarmerie de détruire à compter du 1er janvier 2002 les formulaires libellés en francs et de n’utiliser que des carnets de timbres-amende libellés en euros ; qu’au regard du délai écoulé entre ces instructions et la date de l’infraction, il doit être regardé comme apportant ainsi, en l’absence de production contraire de l’intéressé, la preuve que M. D== a reçu les informations requises par le code de la route ; que par suite , le requérant n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a refusé d’annuler le retrait de trois points consécutif à cette infraction ;

S’agissant de l’infraction du 19 octobre 2008 :

Considérant que lorsqu’il est fait application de la procédure d’amende forfaitaire ou de la procédure de composition pénale, l’information remise ou adressée par le service verbalisateur doit porter, en vertu du deuxième alinéa de l’article L. 223-3 du code de la route, d’une part, sur l’existence d’un traitement automatisé des points et la possibilité d’exercer le droit d’accès conformément aux articles L. 225-1 à L. 225-9 du code de la route et, d’autre part, sur le fait que le paiement de l’amende ou l’exécution de la composition pénale établit la réalité de l’infraction, dont la qualification est précisée, et entraîne un retrait de points correspondant à cette infraction ; que ni l’article L. 223-3, ni l’article R. 223-3 n’exigent que le conducteur soit informé du nombre exact de points susceptibles de lui être retirés, dès lors que la qualification de l’infraction qui lui est reprochée est dûment portée à sa connaissance ; que l’information selon laquelle un retrait de points est encouru, due dans tous les cas au contrevenant, est suffisamment donnée par la mention « oui » figurant dans une case « retrait de points » du document remis au contrevenant lors de la constatation d’une infraction ;

Considérant, en l’espèce, que M. D== a fait l’objet d’un procès-verbal pour conduite sous l’emprise d’un état alcoolique le 19 octobre 2008, infraction qui a donné lieu à interception du véhicule et paiement de l’amende forfaitaire ; qu’il produit l’original de l’avis de contravention correspondant, dont il ressort que ni la mention « oui », ni aucune croix n’a été portée dans la case « retrait de points » ; que, dès lors, l’obligation d’information, selon laquelle un retrait de points est encouru par l’auteur de l’infraction, ne peut être regardée comme respectée ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. D== est seulement fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision de retrait de 6 points de son permis de conduire prise par le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales suite à l’infraction du 19 octobre 2008 et, par voie de conséquence, à celle de la décision 48SI du 6 octobre 2009 par laquelle le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales a constaté l’invalidation de son permis de conduire pour solde de points nul et lui a enjoint de le restituer aux services préfectoraux de son département ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public (…) prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution » ;

Considérant d’une part, que la présente décision n’implique pas la reconstitution de douze points au bénéfice de M. D==, mais seulement que le ministre le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration réexamine le capital de points de l’intéressé en tenant compte de l’annulation de la décision de retrait de six points du permis de conduire de M. D==, de la fin de la période probatoire à laquelle il était soumis jusqu’au 16 mai 2009, des deux stages de sensibilisation à la sécurité routière qu’il a effectués le 24 mai 2007 et le 7 novembre 2008 et de toutes autres infractions qu’il aurait pu commettre postérieurement ; qu’il y a lieu en conséquence d’enjoindre au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration de procéder à ce réexamen dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt ;



Considérant d’autre part, que l’exécution du présent arrêt implique nécessairement, sous réserve que l’intéressé n’ait pas commis de nouvelles infractions ayant entraîné une nouvelle annulation de son permis de conduire à la date de notification du présent arrêt, que l’administration restitue à M. D== son permis de conduire ; qu’il y a lieu, en conséquence, d’enjoindre au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration de procéder à cette restitution dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761 1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0902008 du 12 mai 2011 du tribunal administratif de Limoges, la décision de retrait de six points suite à l’infraction commise le 19 octobre 2008 et la décision 48SI du 6 octobre 2009 du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration de reconstituer le capital de points du permis de conduire de M. D== au regard des motifs du présent arrêt, et de lui restituer son permis de conduire, dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve que l’intéressé n’ait pas commis de nouvelles infractions ayant entraîné une nouvelle annulation de son permis de conduire à cette date.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.