Vu le recours enregistré au greffe de la cour le 25 juin 2010 sous forme de télécopie, régularisée le 28 juin par la production de l’original, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, qui demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0801148 du 22 avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, saisi de la contestation par la SAS Vision Urbaine Communication Extérieure de deux arrêtés du maire de Saint-Leu du 18 juin 2008 portant recouvrement d’astreintes établies en application de l’article L. 581-30 du code de l’environnement pour un montant total de, respectivement, 8 095,36 euros et 5 693,44 euros, a annulé ces arrêtés et a condamné la commune de Saint-Leu à verser à la SAS Vision Urbaine Communication Extérieure la somme de 1 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SAS Vision Urbaine Communication Extérieure devant le tribunal administratif ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 21 mars 2011 :

- le rapport de M. A. de Malafosse, président de chambre ;

- et les conclusions de Mme M-P. Dupuy, rapporteur public ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 581-7 du code de l’environnement : « En dehors des lieux qualifiés d’agglomération par les règlements relatifs à la circulation routière, toute publicité est interdite sauf dans des zones dénommées « zones de publicité autorisée » ; qu’aux termes de l’article L. 581-27 du même code : « Dès la constatation d'une publicité, d'une enseigne ou d'une préenseigne irrégulière au regard des dispositions du présent chapitre ou des textes réglementaires pris pour son application, et nonobstant la prescription de l'infraction ou son amnistie, le maire ou le préfet prend un arrêté ordonnant, dans les quinze jours, soit la suppression, soit la mise en conformité avec ces dispositions, des publicités, enseignes ou préenseignes en cause, ainsi que, le cas échéant, la remise en état des lieux… » ; que l’article L. 581-30 dispose que : « A l'expiration du délai de quinze jours, dont le point de départ se situe au jour de la notification de l'arrêté, la personne à qui il a été notifié est redevable d'une astreinte de 84,61 euros par jour et par publicité, enseigne ou préenseigne maintenue. Ce montant est réévalué chaque année, en fonction de l'évolution du coût de la vie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. (…) le maire ou le préfet, après avis du maire, peut consentir une remise ou un reversement partiel du produit de l’astreinte lorsque les travaux prescrits par l’arrêté ont été exécutés et que le redevable établit qu’il n’a pu observer le délai imposé pour l’exécution totale de ses obligations qu’en raison de circonstances indépendantes de sa volonté » ; que l’article L. 581-3 précise que : « 1° Constitue une publicité, à l’exclusion des enseignes et des préenseignes, toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, formes ou images étant assimilées à des publicités ; 2° Constitue une enseigne toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à une activité qui s’y exerce ; 3° Constitue une préenseigne toute inscription, forme ou image indiquant la proximité d’un immeuble où s’exerce une activité déterminée » ;

Considérant que, par un arrêté en date du 28 août 2006, le maire de Saint-Leu a, sur le fondement de l’article L. 581-27 précité du code de l’environnement, mis en demeure la SAS Vision Urbaine Communication Extérieure de procéder à l’enlèvement d’un dispositif publicitaire implanté sur une parcelle cadastrée CU 224 au motif qu’il était visible d’une voie publique située hors agglomération ; qu’ayant constaté le maintien du dispositif au-delà du délai de quinze jours imparti à la société, le maire a, par deux arrêtés datés du 18 juin 2008, mis en recouvrement l’astreinte prévue à l’article L. 581-30 précité au titre de la période du 1er janvier 2008 au 3 juin 2008 ; que le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé ces arrêtés par un jugement du 22 avril 2010 ; que, pour prononcer cette annulation, le tribunal administratif relève que la mise en recouvrement de l’astreinte prévue par l’article L. 581-30 précitée constitue une sanction et ne peut en conséquence intervenir qu’après mise en œuvre de la procédure contradictoire prévue à l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, de sorte que les arrêtés du 18 juin 2008, édictés sans que la SAS Vision Urbaine Communication Extérieure ait été mise en mesure de faire valoir ses observations, sont entachés d’irrégularité ; que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER fait appel de ce jugement ;

Considérant que la mise en demeure prévue par les dispositions précitées de l’article L. 581-27 du code de l’environnement n’a pas le caractère d’une sanction mais constitue une mesure de police destinée à mettre fin, dans un but de protection du cadre de vie, à l’implantation irrégulière de dispositifs publicitaires ou assimilés ; que l’astreinte prévue par les dispositions précitées de l’article L. 581-30 du même code a pour objet d’inciter la personne à qui a été notifiée la mise en demeure à enlever le dispositif irrégulièrement implanté ; que la mise en recouvrement de cette astreinte procède de la simple constatation que le dispositif a été maintenu sur place au-delà du délai de quinze jours imparti par la mise en demeure, et ne constitue pas une sanction mais une mesure destinée à assurer le respect de cette mise en demeure ; que, dès lors, c’est à tort que le tribunal administratif s’est fondé sur ce que cette mise en recouvrement revêtirait le caractère d’une sanction pour en conclure qu’elle devait nécessairement être précédée de la procédure contradictoire prévue à l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER est fondé à soutenir que c’est à tort que, pour annuler les arrêtés contestés du 18 juin 2008, le tribunal administratif s’est fondé sur le motif sus-analysé ;

Considérant toutefois qu’il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens invoqués par la SAS Vision Urbaine Communication Extérieure à l’encontre des décisions en litige ;

Considérant que si les mesures de police sont au nombre des décisions administratives entrant dans le champ d’application de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, il résulte de l’instruction que, pour mettre en demeure la SAS Vision Urbaine Communication Extérieure, en application de l’article L. 581-27 précité, de procéder à l’enlèvement du dispositif publicitaire litigieux, le maire de Saint-Leu s’est borné à constater que ce panneau était, en méconnaissance des dispositions de l’article 9 du décret du 21 novembre 1980 alors applicable, visible d’une voie publique située hors agglomération, ce qui n’est pas contesté ; qu’il était ainsi tenu d’adresser à la société cette mise en demeure ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l’administration n’a pas, avant d’émettre celle-ci, mis en œuvre la procédure contradictoire prévue à l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 ou, plus généralement, n’a pas respecté les droits de la défense doit être écarté comme inopérant ;

Considérant que la lettre du 5 octobre 2006 dont se prévaut la société pour soutenir que le panneau a été enlevé le 10 octobre 2006 ne concerne pas le panneau publicitaire litigieux ; que la société a elle-même précisé, dans un courrier daté du 4 juin 2008 adressé à la commune, avoir fait déposer « ce jour » le panneau en litige ; que, par suite, en ayant retenu une période de calcul de l’astreinte s’étendant jusqu’au 3 juin 2008, le maire n’a pas commis d’erreur ;

Considérant que ni la circulaire du ministre de l’équipement du 12 mai 1981, qui n’a pas de valeur règlementaire, ni aucune disposition législative ou règlementaire ne font obstacle à ce que l’astreinte prévue par l’article L. 581-30 précité soit mise en recouvrement au titre d’une période de plusieurs mois, dès lors que cette période correspond, comme c’est le cas en l’espèce, au maintien d’un dispositif publicitaire ayant fait l’objet d’une mise en demeure régulière ;

Considérant que la société ne peut utilement se prévaloir, pour contester la légalité des arrêtés contestés, ni de ce que le maire n’a pas émis de titre de perception, ni de ce qu’il se serait substitué au comptable en procédant à la mise en recouvrement litigieuse ;

Considérant que, ainsi qu’il a été dit précédemment, la mise en recouvrement de l’astreinte prévue à l’article L. 581-30 du code de l’environnement ne constitue pas une sanction ; qu’il en résulte que, contrairement à ce que soutient la société requérante, une telle mise en recouvrement ne constitue pas une « accusation en matière pénale » au sens de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’au demeurant, contrairement à ce que soutient la société, le juge administratif, qui statue en matière d’astreinte comme juge du plein contentieux, exerce un plein contrôle sur la période pendant laquelle les dispositifs publicitaires irrégulièrement implantés ont été maintenus après le délai de quinze jours imparti par la mise en demeure ainsi que, le cas échéant, sur les circonstances indépendantes de la volonté du redevable qui ont pu l’empêcher d’exécuter totalement ses obligations dans le délai imparti et qui peuvent justifier la réduction du montant de l’astreinte ; que le moyen tiré de l’incompatibilité des dispositions précitées du code de l’environnement avec les exigences de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté ;

Considérant qu’en vertu des stipulations du deuxième alinéa de l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’exercice de la liberté d’expression « peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique … à la protection … des droits d'autrui … » ; que les dispositions législatives précitées des articles L. 581-27 et L. 581-30 du code de l’environnement ont pour objet d’assurer, ainsi que le rappelle l’article L. 581-2 du même code, la protection du cadre de vie, et entrent dans le champ de ces stipulations ; qu’en prévoyant l’obligation, pour la personne qui a apposé ou fait apposer irrégulièrement des dispositifs publicitaires, d’enlever ces dispositifs dans le délai de quinze jours à compter de la réception d’une mise en demeure, et en instituant, à défaut du respect de cette mise en demeure, la mise en recouvrement d’une astreinte dont le montant s’établissait, à la date des arrêtés contestés, à 88,96 euros par jour de retard et par dispositif, le législateur n’a pas porté, eu égard aux buts poursuivis par ces mesures, une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression ; que le moyen tiré de l’incompatibilité des dispositions précitées du code de l’environnement avec les stipulations de l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne saurait, dès lors, être accueilli ;

Considérant qu’en mettant en recouvrement l’astreinte litigeuse, le maire de Saint-Leu s’est borné à appliquer les dispositions législatives déjà citées du code de l’environnement ; que la société requérante ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer la violation du principe de proportionnalité des peines pour contester un acte administratif qui se limite à appliquer la loi ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a fait droit à la demande de la SAS Vision Urbaine Communication Extérieure en annulant les arrêtés du maire de Saint-Leu en date du 18 juin 2008 ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion en date du 22 avril 2010 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SAS Vision Urbaine Communication Extérieure devant le tribunal administratif est rejetée.