Produit présenté comme médicament mais n’ayant pas fait l’objet d’une AMM (essences de fleurs de Bach) – taux réduit de TVA non applicable
Par Benoît le mardi 18 décembre 2018, 14:35 - CONTRIBUTIONS ET TAXES - Lien permanent
En vertu de l’article L. 5111-1 du code de la santé publique, constitue un médicament notamment toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines. Lorsqu’un produit est susceptible de répondre à la fois à la définition du médicament et à celle d'autres catégories de produits régies par le droit communautaire ou national, il est, en cas de doute, considéré comme un médicament.
La société Lafayette Santé Beauté est une parapharmacie qui commercialise sous forme de flacons, des essences de fleurs de Bach dont il existe trente-huit préparations. Ces produits ont fait l’objet d’un guide les présentant comme le fruit des travaux d’un médecin ayant mis au point « une solution naturelle pour mieux gérer ses émotions » permettant de répondre aux « états émotionnels, passagers ou récurrents mal vécus ». Le site de présentation précise que les états émotionnels sont classés en « sept groupes d’émotions : peur, solitude, manque d’intérêt pour le présent, découragement, incertitude, hypersensibilité aux influences et aux idées, préoccupations excessives du bien-être des autres » et que « l’intérêt de ces produits tient au fait qu’ils peuvent apporter des solutions à l’autisme, à la dépression et autres maladies émotionnelles ». Un guide de présentation précise encore que les fleurs de Bach constituent un complément alimentaire compatible avec d’autres traitements, à administrer sous forme de gouttes, pures ou diluée, selon une posologie qu’il définit avec précision.
Ce produit est ainsi de nature à apparaître, aux yeux d’un consommateur moyennement avisé, comme ayant des propriétés curatives ou préventives. Alors même que leurs notices et emballages ne le précisent pas explicitement, les essences de fleurs de Bach doivent ainsi être regardées comme bénéficiant d’une présentation en tant que médicaments. Il est enfin constant que ces essences n’ont pas fait l'objet de l'autorisation de mise sur le marché prévue à l'article L. 5121-8 du code de la santé publique. Dès lors, les essences de fleurs de Bach ne pouvaient se voir appliquer le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu au 2° de l’article 278 bis du code général des impôts et c’est à bon droit que l'administration a appliqué à ces produits le taux normal pour les périodes d’imposition en litige. Quant à la circonstance que les fleurs de Bach aient reçu des autorités sanitaires la qualification de complément alimentaire au sens du décret n°2006-352 du 20 mars 2006, elle ne fait pas obstacle à ce qu’elles soient regardées, y compris pour la détermination du taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable, comme un médicament au regard des dispositions de l’article L. 5111-1 du code de la santé publique.
Arrêt 16BX02180 - 5ème chambre – Lecture du 18 décembre 2018 - Sté Lafayette Santé Beauté - C+
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Lafayette Santé Beauté a demandé au tribunal administratif de Toulouse la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er septembre 2005 au 31 décembre 2008 et la restitution des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er septembre 2005 au 30 juin 2009.
Par un jugement n° 1301139 du 3 mai 2016, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 12 250 euros en droits et de la somme de 1 120 euros en pénalités, a déchargé la société Lafayette Santé Beauté des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la remise en cause du taux réduit de 5,5 % pour les ventes d’huiles essentielles et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2016, la société Lafayette Santé Beauté, représentée par Me Bouffard, demande à la cour :
1°) d’annuler l’article 4 du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 3 mai 2016 ;
2°) la décharge de l’intégralité de l’impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée demeurant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
……………………………………………………………………………………………
Considérant ce qui suit :
1. La société Lafayette Santé Beauté, qui exploite à Toulouse un établissement de parapharmacie, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er septembre 2005 au 31 décembre 2008 en matière d’impôt sur les sociétés. Le contrôle a été étendu au 30 juin 2009 en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée. A l’issue de ses investigations, l’administration a notifié à la société, par une proposition de rectification du 19 août 2010, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. La société Lafayette Santé Beauté a demandé au tribunal administratif de Toulouse la décharge de ces impositions supplémentaires. Par un jugement rendu le 3 mai 2016, le tribunal a constaté qu’il n’y avait plus lieu de statuer à hauteur de la somme de 13 370 euros correspondant à un dégrèvement, en droits et pénalités, prononcé par l’administration en matière d’impôt sur les sociétés, a déchargé la société Lafayette Santé Beauté des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la remise en cause par l’administration du taux réduit de 5,5 % appliqué aux ventes d’huiles essentielles et a rejeté le surplus des conclusions dont il était saisi. La société Lafayette Santé Beauté relève appel de ce jugement en tant qu’il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
2. Aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales : « L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…) ». Aux termes de l’article L. 80 CA du même livre : « La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France. ».
3. Il est constant que l’administration a remis en cause, sans motivation, l’application du taux réduit d’impôt sur les sociétés entre la proposition de rectification du 19 août 2010 et la notification, figurant dans sa lettre du 29 juillet 2011, des conséquences financières de son contrôle annexée à l’avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires. Toutefois, comme l’a relevé le tribunal au point 5 de sa décision, la fraction d’imposition mise en recouvrement supérieure à celle mentionnée dans la proposition de rectification a fait l’objet d’une décision de dégrèvement du 23 septembre 2013. Dans ces conditions, la contestation soulevée sur ce point par la requérante ne peut être qu’écartée.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
S’agissant de la loi fiscale :
4. Aux termes de l’article 278 bis du code général des impôts, applicable à la période d'imposition en litige : « La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne les opérations (…) de vente (…) portant sur les produits suivants : (…) 2° Produits destinés à l'alimentation humaine (…) ». Aux termes de l’article 278 quater du même code : « La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,50 % en ce qui concerne les opérations (…) de vente (…) portant sur les préparations magistrales, produits officinaux et médicaments ou produits pharmaceutiques destinés à l'usage de la médecine humaine et faisant l'objet de l'autorisation de mise sur le marché prévue à l'article L. 5121-8 du code de la santé publique (…) ».
5. Par ailleurs, aux termes de l’article L. 5111-1 du code de la santé publique : « On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur être administrée, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique (…) Lorsque, eu égard à l'ensemble de ses caractéristiques, un produit est susceptible de répondre à la fois à la définition du médicament prévue au premier alinéa et à celle d'autres catégories de produits régies par le droit communautaire ou national, il est, en cas de doute, considéré comme un médicament.».
6. Il résulte de l’instruction que la société Lafayette Santé Beauté commercialise sous forme de flacons des essences de fleurs de Bach, produits qui ont fait l’objet d’un guide les présentant comme le fruit des travaux d’un médecin ayant mis au point « une solution naturelle pour mieux gérer ses émotions » permettant de répondre aux « états émotionnels, passagers ou récurrents mal vécus ». Un site internet consacré aux fleurs de Bach précise qu’il existe trente huit préparations à base de fleurs, « chacune conçue spécifiquement pour cibler un état émotionnel différent ». Le site de présentation précise que les états émotionnels sont classés en « sept groupes d’émotions : peur, solitude, manque d’intérêt pour le présent, découragement, incertitude, hypersensibilité aux influences et aux idées, préoccupation excessive du bien-être des autres ». Il résulte aussi de l’instruction et notamment des affirmations non contredites contenues dans la réponse aux observations du contribuable que les fleurs de Bach sont également présentées comme pouvant « apporter des solutions à l’autisme, à la dépression et autres maladies émotionnelles ». Un guide de présentation précise encore que les fleurs de Bach constituent un complément alimentaire compatible avec d’autres traitements, à administrer sous forme de gouttes, pures ou diluées, selon une posologie qu’il définit avec précision.
7. Il s’ensuit, contrairement à ce que soutient la société requérante, que ce produit est de nature à apparaître aux yeux d’un consommateur moyennement avisé comme ayant des propriétés curatives ou préventives. Alors même que leurs notices et emballages ne le précisent pas explicitement, les essences de fleurs de Bach doivent ainsi être regardées comme bénéficiant d’une présentation en tant que médicaments. Il est par ailleurs constant que ces essences n’ont pas fait l'objet de l'autorisation de mise sur le marché prévue à l'article L. 5121-8 du code de la santé publique.
8. Dans ces conditions, les produits ainsi commercialisés ne pouvaient se voir appliquer le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu au 2° précité de l’article 278 bis du code général des impôts. C’est par suite à bon droit que l'administration a appliqué à ces produits le taux normal pour les périodes d’imposition en litige. Quant à la circonstance que les fleurs de Bach aient reçu des autorités sanitaires la qualification de complément alimentaire au sens du décret du 20 mars 2006, elle ne fait pas obstacle à ce qu’elles soient regardées, y compris pour la détermination du taux applicable de taxe sur la valeur ajoutée, comme un médicament au regard des dispositions, citées au point 5, de l’article L. 5111-1 du code de la santé publique.
S’agissant de la doctrine administrative :
9. En premier lieu, l’instruction administrative 3 C-4-06 du 7 avril 2006 se borne à reprendre la définition du complément alimentaire, telle qu’elle résulte de l’article 2 du décret du 20 mars 2006, et ne contient aucune interprétation formelle de la loi fiscale dont un contribuable pourrait se prévaloir sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Par suite, et en tout état de cause, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de cette instruction.
10. En second lieu, la société requérante ne peut utilement invoquer la réponse ministérielle n°13294 publiée au Journal Officiel du Sénat le 9 octobre 2014 dès lors qu’elle émane de la ministre des affaires sociales, autorité qui n’est pas compétente pour l’établissement de l’impôt.
En ce qui concerne l’impôt sur les sociétés :
11. Il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 du même code, que le bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l’entreprise, à l’exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Les renonciations à recettes consenties par une entreprise au profit d’un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d’une gestion commerciale normale, sauf s’il apparaît qu’en consentant de tels avantages, l’entreprise a agi dans son propre intérêt. S’il appartient à l’administration d’apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que les avantages octroyés par une entreprise à un tiers constituent un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n’est pas en mesure de justifier qu’elle a bénéficié en retour de contreparties. Dans l’hypothèse où l’entreprise s’acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l’administration d’apporter la preuve que cet avantage est, contrairement à ce que soutient l’entreprise, dépourvu de contrepartie, qu’il a une contrepartie dépourvue d’intérêt pour l’entreprise ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
12. Il résulte de l’instruction que la société requérante a acheté la quasi-totalité de ses produits auprès de la pharmacie Lafayette, exploitée par M. M== qui est aussi associé à hauteur de 50 % de la société Lafayette Santé Beauté, pour un montant de 1 079 682 euros au titre de l’exercice clos en 2007 et de 1 207 791 euros pour l’exercice clos en 2008. Ce faisant, la société requérante a décidé de ne pas s’approvisionner directement auprès des laboratoires producteurs de médicaments et a renoncé, par là-même, à bénéficier des remises consenties en fin d’année en fonction des achats effectués. L’administration a estimé que cette opération révélait une renonciation à une recette constitutive d’un acte anormal de gestion et a réintégré dans le bénéfice imposable de la société une somme équivalente au montant des remises dont cette dernière aurait pu bénéficier, après application d’un taux moyen sur les achats effectués auprès de la pharmacie Lafayette, soit les taux non contestés de 2,82 % des achats au titre de l’exercice clos en 2007 et 3,21 % des achats au titre de l’exercice clos en 2008.
13. Il ne résulte pas de l’instruction que la société Lafayette Santé Beauté était dans l’impossibilité de s’approvisionner directement auprès de laboratoires, la production de l’attestation du seul laboratoire Boiron selon laquelle ce dernier ne livre aucune parapharmacie étant à cet égard insuffisamment probante. La société requérante ne produit par ailleurs aucun élément de nature à justifier que son approvisionnement auprès de la pharmacie Lafayette lui permettrait de fidéliser sa clientèle et de développer son chiffre d’affaires. La société soutient également que la pharmacie Lafayette lui accorde des délais de paiement supérieurs à ceux habituellement accordés par les laboratoires mais ne produit aucun élément établissant qu’il en résulterait pour elle un avantage sinon supérieur du moins aussi important que celui procédant des remises auxquelles elle a renoncé. Si la société soutient encore qu’en raison des prix auxquels les laboratoires vendent leurs produits aux parapharmacies et du volume de ses propres achats, il lui est avantageux de s’approvisionner auprès de la pharmacie Lafayette, elle ne justifie pas davantage de la contrepartie qui en résulterait pour elle. Enfin, la société requérante n’apporte aucun élément de nature à justifier que le service de centralisation des achats de la société Lafayette Conseil lui permettrait de bénéficier de remises permettant au moins de compenser celles auxquelles elle a renoncé.
14. Il s’ensuit que la décision de la société requérante de ne pas se fournir auprès de tiers lui proposant des remises sur les marchandises a eu pour conséquence de réduire de manière conséquente la marge réalisée par ladite société lors des opérations de revente de ces marchandises. Dès lors, c’est à bon droit que l’administration a estimé que la société Lafayette Santé Beauté avait renoncé à des recettes dans des conditions caractérisant un acte anormal de gestion.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Lafayette Santé Beauté n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Lafayette Santé Beauté est rejetée.