instruction des demandes d’autorisation d’exploiter un parc éolien – insuffisance de l’étude d’impact
Par mariecath le mercredi 18 octobre 2017, 09:24 - ENVIRONNEMENT - Lien permanent
En vertu des dispositions du a) du 4° de l’article R. 512-8 du code de l’environnement, l’étude d’impact doit comporter l’énoncé des mesures réductrices et compensatoires en ce qui concerne le transport des produits fabriqués. En conséquence, s’agissant d’une autorisation d’exploiter un parc éolien, l’étude d’impact doit décrire les modalités de raccordement des aérogénérateurs projetés au réseau électrique pour le transport de l’électricité produite. En l’espèce, l’étude d’impact de la pétitionnaire se borne à indiquer que le parc éolien projeté pourra se relier au réseau national grâce à un raccordement à deux postes sources mais elle ne précise nullement si ce raccordement au réseau électrique se fera par voie aérienne ou par voie souterraine, ni même s’il nécessitera ou non la création d’un nouveau poste de raccordement, alors que les deux postes sources existants se situent à 30 et 50 kilomètres du lieu d’implantation du projet. Si la pétitionnaire fait valoir, pour justifier l’absence de précisions concernant l’impact environnemental du raccordement, que l’autorisation nécessaire audit raccordement relèverait d’une législation distincte, et en particulier d’une autorisation d’exploitation au sens de l’article L. 311-5 du code de l’énergie, elle n’établit pas que lors de l’instruction de cette demande d’autorisation d’exploiter, en cas de création d’un nouveau poste de raccordement, les impacts environnementaux de ce raccordement feraient l’objet d’une étude spécifique. En outre, les articles R. 421-1 et R. 421-2 a) du code de l’urbanisme ne soumettent à aucune formalité particulière le raccordement au réseau électrique d’un projet par voie enterrée ou par voie aérienne. Dans ces conditions, la circonstance que l’autorisation nécessaire à ce raccordement relèverait d’une législation distincte ne pouvait la dispenser de décrire, dans l’étude d’impact du projet en litige, les modalités de raccordement envisagées, ainsi que leurs impacts environnementaux. Par suite, cette étude est entachée d’une insuffisance sur ce point, laquelle a été de nature à nuire à l’information du public et à influencer, en l’espèce, le sens de la décision prise par l’administration.
16BX02278 – 16BX02279 – 5ème chambre - 13 juillet 2017 – Ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, SNC MSE Le Vieux Moulin c/ Association « vent Funeste »
Lire les conclusions du rapporteur public
Un pourvoi en cassation enregistré sous le n°414032 a été formé contre cette décision Le pourvoi n° 416371 tendant à ce qu'il soit ordonné le sursis à l'exécution de l'arrêt a été rejeté par ordonnance du 5 mars 2018 du président de la 6ème chambre de la section du contentieux rectifiée le 22 mars 2018.
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association « Vent funeste » a demandé au tribunal administratif de Poitiers d’annuler l’arrêté interpréfectoral en date du 21 février 2013 par lequel les préfets de la Charente et de la Vienne ont autorisé la société en nom collectif (SNC) MSE Le Vieux Moulin à exploiter un parc de 19 éoliennes et 3 postes de livraison sur le territoire des communes de Lizant, Genouillé et Surin dans le département de la Vienne, et sur le territoire des communes de Taizé-Aizie, Nanteuil-en-Vallée et Le Bouchage dans le département de la Charente.
Par un jugement n° 1301852 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour :
I) Par une requête enregistrée le 11 juillet 2016, sous le n° 16BX02278, et des mémoires présentés les 6 mars et 12 mai 2017, la société MSE Le Vieux Moulin, représentée par Me Enckell, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du 12 mai 2016 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) de rejeter la demande présentée par l’association Vent Funeste ;
3°) de mettre à la charge de cette association une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté interpréfectoral en date du 21 février 2013, les préfets de la Charente et de la Vienne ont autorisé la société en nom collectif (SNC) MSE Le Vieux Moulin à exploiter un parc de dix-neuf éoliennes et trois postes de livraison situé sur le territoire des communes de Lizant, Genouillé et Surin dans le département de la Vienne et sur le territoire des communes de Taizé-Aizie, Nanteuil-en-Vallée et Le Bouchage dans le département de la Charente. Par un jugement n° 1301852 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté à la demande de l’association Vent Funeste. La société MSE Le Vieux Moulin, par une requête enregistrée sous le n° 16BX02278, et le ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer par un recours enregistré sous le n° 16BX02279, relèvent appel de ce jugement.
2. Les requêtes n°s 16BX02278 et 16BX02279 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l’objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, la société pétitionnaire fait valoir que le jugement serait intervenu au terme d’une procédure irrégulière dans la mesure où une personne autre que la présidente mandatée pour représenter l’association Vent Funeste a été entendue, pour le compte de cette association, au cours de l’audience, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 732-1 du code de justice administrative.
4. Aux termes de l’article R. 732-1 du code de justice administrative : « Après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement ou par le magistrat mentionné à l'article R. 222-13, le rapporteur public prononce ses conclusions lorsque le présent code l'impose. Les parties peuvent ensuite présenter, soit en personne, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, soit par un avocat, des observations orales à l'appui de leurs conclusions écrites. / (…) / Au tribunal administratif, le président de la formation de jugement peut, au cours de l'audience et à titre exceptionnel, demander des éclaircissements à toute personne présente dont l'une des parties souhaiterait l'audition. »
5. En l’espèce, l’association Vent Funeste n’a pas été représentée à l’audience par son président, seul habilité, en vertu de l’article 7 de ses statuts approuvés le 23 mai 2015, à agir en justice de manière permanente au nom de cette association. Par suite, le tribunal ne pouvait, comme il l’a fait, donner la parole à M. A== en qualité de représentant de cette association alors même qu’il détenait un mandat spécifique de l’assemblée générale pour présenter des observations dans ce contentieux. Toutefois, la seule circonstance que le tribunal ait ainsi autorisé le représentant de l’association Vent Funeste à prendre la parole n’entache pas le jugement d’irrégularité dès lors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal se soit fondé, pour adopter son jugement, sur des éléments de fait ou de droit nouveaux présentés dans ces observations orales. Par suite, la société MSE Le Vieux Moulin n’est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d’irrégularité pour ce motif.
6. En second lieu, les requérants soutiennent que le jugement serait insuffisamment motivé dans la mesure où les premiers juges ont retenu le moyen tiré de l’insuffisance de l’étude d’impact au seul motif que certains photomontages seraient manquants sans s’être interrogés préalablement sur l’intérêt des lieux et des éléments du paysage et sans avoir recherché si les autres éléments mentionnés dans l’étude d’impact permettaient, malgré l’absence de ces photomontages, de pallier les insuffisances alléguées de cette étude et d’apprécier l’atteinte portée au paysage. Toutefois, par ce moyen, la société MSE Le Vieux Moulin et le ministre critiquent finalement le raisonnement et l’appréciation portée par les premiers juges sur le caractère suffisant de l’étude d’impact et n’invoquent aucune irrégularité susceptible d’entacher le jugement.
Sur le bien fondé du jugement :
En ce qui concerne l’étude d’impact :
S’agissant de l’analyse des impacts du projet sur le patrimoine architectural :
7. Pour annuler l’arrêté interpréfectoral du 21 février 2013, le tribunal administratif de Poitiers s’est fondé sur le caractère insuffisant de l’étude d’impact au regard des dispositions de l’article R. 122-3 du code de l'environnement en ce qui concerne l’impact sur le patrimoine culturel.
8. Aux termes de l’article R. 512-8 du code de l’environnement alors applicable : « I.-Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. / II.-Elle présente successivement : 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que sur les biens matériels et le patrimoine culturel susceptibles d'être affectés par le projet ; 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents de l'installation sur l'environnement et, en particulier, sur les sites et paysages, la faune et la flore, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'agriculture, l'hygiène, la santé, la salubrité et la sécurité publiques, sur la protection des biens matériels et du patrimoine culturel. Cette analyse précise notamment, en tant que de besoin, l'origine, la nature et la gravité des pollutions de l'air, de l'eau et des sols, les effets sur le climat le volume et le caractère polluant des déchets, le niveau acoustique des appareils qui seront employés ainsi que les vibrations qu'ils peuvent provoquer, le mode et les conditions d'approvisionnement en eau et d'utilisation de l'eau ; 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, le projet a été retenu parmi les solutions envisagées. Ces solutions font l'objet d'une description succincte ; 4° a) Les mesures envisagées par le demandeur pour supprimer, limiter et, si possible, compenser les inconvénients de l'installation ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes. Ces mesures font l'objet de descriptifs précisant les dispositions d'aménagement et d'exploitation prévues et leurs caractéristiques détaillées. Ces documents indiquent les performances attendues, notamment en ce qui concerne la protection des eaux souterraines, l'épuration et l'évacuation des eaux résiduelles et des émanations gazeuses, ainsi que leur surveillance, la prévention et la gestion des déchets de l'exploitation, les conditions d'apport à l'installation des matières destinées à y être traitées, du transport des produits fabriqués et de l'utilisation rationnelle de l'énergie (…). ».
9. Il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l’environnement d’apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d’autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation et celui des règles de fond régissant l’installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d’autorisation d’une installation classée relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d’entacher d’irrégularité l’autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative. En outre, eu égard à son office, le juge du plein contentieux des installations classées peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu’elles n’aient pas eu pour effet de nuire à l’information complète de la population.
10. L’association Vent Funeste fait valoir que bien que l’étude d’impact ait relevé l’existence de co-visibilités avec des sites inscrits ou classés, les photomontages versés au dossier n’auraient pas permis au public d’apprécier l’impact réel du projet sur ces sites, et en particulier sur l’église de Genouillé, dont le clocher et la façade ont été classés au titre des monuments historiques, et sur l’église de Surin ainsi que le château de Cibioux, qui ont tous deux été inscrits à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. L’association précise en outre que l’absence de photomontages ne saurait être compensée par le contenu de l’étude d’impact dès lors que les descriptions de cette étude sont succinctes et ont fait l’objet d’appréciations contradictoires. Enfin, elle fait valoir que l’absence de ces photomontages a été de nature à induire en erreur les intéressés sur l’impact du projet sur le patrimoine architectural et à influencer le sens de la décision prise par l’administration.
11. S’agissant du château de Cibioux, également inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, l’étude d’impact relève que ce monument « se trouve dans un vallon », que « les impacts depuis la terrasse du château seront réduits par ce relief immédiat », qu’« une covisibilité entre le château et deux à trois éoliennes du projet (n° 9, 10 et 11) est à envisager depuis un point haut situé dans la cour de la ferme attenante » et que « le reste du projet sera masqué par le relief et la végétation » (pages 388). Cette étude qualifie ainsi les impacts du parc éolien sur cet édifice de « moyens à forts », et renvoie, sur cette appréciation, à une coupe et deux photomontages concernant ce monument. Le point de vue n° 10 a ainsi été pris depuis l’entrée du château et fait clairement apparaître l’éolienne E 11 située à 1,8 kilomètres de ce monument. Le second photomontage correspond à la photographie 56 (page 389) qui a été prise depuis la terrasse du château et fait apparaître, malgré sa médiocre qualité, l’éolienne E11 et les éoliennes E10 et E12. Le dossier soumis à enquête publique comportait ainsi des éléments suffisants sur ce point, ainsi que le confirme le fait que les photomontages réalisés en juin 2016 ne fassent pas apparaître des visions différentes sur le projet depuis l’entrée du château ou sa terrasse.
12. En revanche, en premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l’étude d’impact concernant le projet en litige qualifie de « moyens à forts » les impacts de ce projet sur l’église de Genouillé, dont le portail et le clocher sont classés au titre des monuments historiques. Cette étude précise que « le projet viendra occuper la ligne d’horizon à l’arrière-plan », que « les masques visuels liés à cette zone urbanisée vont limiter les perceptions du projet » et que « la confrontation entre la silhouette de l’église et le projet ne présente pas de rapports d’échelles choquants » (page 388). Elle relève également que « depuis l’église de Genouillé, les vues sont très accaparées par les maisons et les boisements » et qu’ « une partie tronquée des éoliennes pourra être visible au-dessus de l’horizon selon le degré d’ouverture des vues » (page 235). D’un autre côté, cette même étude souligne un « impact notable, quoique tempéré par la présence de boisements » (page 400) et annonce ainsi la production de photomontages afin d’approfondir l’impact du parc éolien projeté sur le paysage et le patrimoine culturel. Or, le seul photomontage réalisé en mai 2010 concernant cet édifice et versé au dossier de l’enquête publique est le point de vue n° 9 (« carnet de photomontages » : annexe 5) pris depuis l’entrée est du bourg de la commune et qui fait apparaître, depuis cet endroit, le projet éolien de Genouillé et celui projeté. Cet unique photomontage n’a pas été réalisé à proximité de l’église de Genouillé, dont il ne fait d’ailleurs apparaître le clocher qu’en arrière-plan et de manière peu visible, et ne permettait donc pas au public d’apprécier l’impact que pourrait avoir le projet en litige sur cet édifice classé au titre des monuments historiques. Si, comme le soutient la pétitionnaire à juste titre, aucune disposition législative ou réglementaire, et notamment pas celles de l’article R. 122-3 du code de l’environnement, n’exigeait la production de photomontages, l’étude d’impact devait néanmoins permettre aux intéressés d’apprécier les impacts que pourrait avoir ce projet sur le paysage et les sites classés et inscrits situés à proximité. Les énonciations précitées de l’étude d’impact, par leur imprécision voire leur incohérence, rendaient nécessaires en l’espèce la présence au dossier de photomontages afin de permettre au public de se rendre compte de l’impact éventuel de ce projet sur l’église de Genouillé. Cette lacune constitue ainsi une insuffisance, qui dès lors qu’elle n’a pas été compensée par d’autres éléments de l’étude d’impact et notamment pas par la coupe reproduite à la page 401 de cette étude, a privé le public de la possibilité de présenter utilement des observations sur ce point. Compte tenu de l’impact visuel de ces aérogénérateurs sur la perception de ce monument historique, lequel a d’ailleurs été mis en évidence par les photomontages réalisés en juin 2016, cette insuffisance de l’étude d’impact a également été, en l’espèce, de nature à exercer une influence sur le sens de la décision prise par l’administration.
13. En second lieu, l’étude d’impact relève que depuis l’église de Surin, dont le portail est inscrit au titre des monuments historiques, « des vues seront possibles vers les éoliennes sur le plateau visible au-delà de la vallée » et que depuis la RD 35 traversant la vallée de Cibioux d’où « la vue est très pittoresque sur l’église dominant le site », « la partie supérieure de quelques éoliennes apparaîtra au-delà de l’horizon » (page 234). Cependant, afin de révéler au public la co-visibilité entre cet édifice et le projet en litige, la pétitionnaire a uniquement produit, dans le carnet de photomontages joint à l’étude d’impact, un photomontage réalisé depuis le point de vue n° 13 indiquant que le parc éolien sera masqué par des bâtiments et des haies. Toutefois, ce photomontage a été réalisé à une distance éloignée de la terrasse de l’église, et ne permettait pas d’apprécier l’impact visuel des aérogénérateurs situés, pour les plus proches, à seulement 1,9 kilomètres de cet édifice inscrit. En outre, si ce photomontage mentionne que les éoliennes seraient cachées par les éléments existants car « situées derrière les bâtiments et les haies », cette affirmation apparaît erronée dès lors que seront clairement visibles les trois éoliennes E10, 11 et 13, ainsi que le confirme d’ailleurs la production des nouveaux photomontages réalisés en 2016 depuis le point de vue n° 4 pris au niveau du jardin Sud attenant à cette église. Ainsi, les mentions portées sur l’étude d’impact qui étaient particulièrement vagues concernant l’église du Surin, de même que le photomontage produit initialement, n’ont pas permis au public d’apprécier l’impact visuel de ce parc éolien sur cet édifice, les empêchant ainsi de présenter des observations sur cet aspect du projet et ont été également, de ce fait, de nature à influencer le sens de la décision prise.
14. En dernier lieu, afin de remédier aux insuffisances qui ont entaché l’étude d’impact sur ces différents points, la société pétitionnaire produit de nouveaux photomontages réalisés en juin 2016 qui font apparaître les co-visibilités entre le parc éolien projeté et l’église de Genouillé, l’église de Surin et le château de Cibioux et elle fait ainsi valoir que ces éléments seraient de nature à régulariser les insuffisances précédemment mentionnées.
15. Toutefois, et conformément au principe rappelé au point 9 du présent arrêt, si le juge du plein contentieux des installations classées, eu égard à son office, peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que les irrégularités qu’il a relevées ont été régularisées, c’est à la condition que ces irrégularités n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population. Or, et ainsi qu’il a été dit précédemment, il résulte de l’instruction que les photomontages réalisés en juin 2016, et en particulier ceux concernant l’église de Genouillé et celle de Surin, révèlent que les impacts des éoliennes en litige sur ces monuments, dont le premier est classé et le second inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, ne sont pas négligeables. L’absence de ces photomontages dans le dossier soumis à l’enquête publique n’a donc pas permis au public d’apprécier les effets induits par l’implantation des éoliennes sur ces monuments, les empêchant ainsi de présenter des observations sur l’impact de ce projet sur le patrimoine culturel. Les photomontages réalisés par la pétitionnaire en juin 2016 ne sont dès lors pas de nature à régulariser les irrégularités procédurales susévoquées.
16. Dans ces conditions, ni la société MSE Le Vieux Moulin ni le ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer ne sont fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a jugé que l’étude d’impact était entachée d’une insuffisance en ce qui concerne l’impact sur le patrimoine culturel et ne respectait pas les dispositions de l’article R. 122-3 du code de l'environnement.
S’agissant de l’analyse des impacts du projet sur l’avifaune et les chiroptères :
Quant à l’impact du projet sur les chiroptères :
17. Il ressort des cartes reproduites dans l’étude d’impact que plusieurs des espèces sensibles de chiroptères, dont la Pipistrelle commune et de Kuhl, la barbastelle, le murin, le noctule de Leisler ont été localisés dans le périmètre rapproché du parc éolien en litige, grâce à la technique du contact par ultrasons, alors que ces espèces sont inscrites, pour certaines, sur la liste des espèces nationales menacées et visées aux annexes II et IV de la directive Habitat. Toutefois, et bien que ces espèces sensibles aient été relevées dans ce secteur, les auteurs de l’étude d’impact, après avoir affirmé qu’il n’existait pas de gîtes au droit du périmètre immédiat des éoliennes, ont nuancé cette affirmation en relevant la présence d’un gîte d’intérêt particulier avec la grotte de Grobos située à 8,5 kilomètres. A cette première imprécision s’ajoute une contradiction dans l’étude qui, après avoir relevé que le périmètre des éoliennes ne constituait pas un secteur d’intérêt pour la chasse au motif que le site serait constitué de prairies et de jachères peu attractives en raison des traitements phytosanitaires, a fait apparaître, dans la carte figurant à la page 174, des territoires de chasse potentiels au sein du périmètre éolien. De plus, alors que le projet prévoit la destruction de 950 mètres de linéaires de haies afin de créer des chemins et des pistes ainsi que les raccordements, l’étude d’impact n’analyse pas l’effet de ces destructions sur les chiroptères, alors que la végétation prévue en remplacement de ces haies détruites nécessitera plusieurs années pour se développer. Par suite, l’étude d’impact est également entachée d’une insuffisance sur ce point, ainsi que l’a d’ailleurs relevé l’autorité environnementale. Or, ces insuffisances concernant l’impact du projet sur les chiroptères ont été de nature à nuire à l’information du public et ont pu, en l’espèce, exercer une influence sur le sens de la décision de l’administration.
Quant à l’impact du projet sur le Busard cendré et l’oedicnème criard :
18. En premier lieu, les auteurs de l’étude d’impact ont relevé la présence de quatre à six couples de busard cendré dans le périmètre éolien, ont souligné que les éoliennes 1, 2, 3 et 21 se situeraient dans une zone de sensibilité élevée pour les busards cendrés, mais ont considéré que si cette espèce était très vulnérable en phase de travaux, l’impact des éoliennes serait faible en phase d’exploitation, que ce soit en termes de mortalité ou de nidification. Cependant, et comme le relève à ce titre l’autorité environnementale, cette affirmation s’appuie uniquement sur des observations réalisées en Beauce, sur des commentaires qui n’ont pas fait l’objet de publication, ainsi que sur des études concernant les suivis post-implantation des parcs de Maia Eolis portant néanmoins sur le busard St Martin et non sur le busard cendré.
19. En second lieu, si l’étude d’impact relève la présence de deux couples d’œdicnème criard dans le périmètre élargi du projet (p. 153), elle qualifie néanmoins les impacts sur cette espèce de faibles à modérés compte tenu d’une bonne tolérance alléguée de l’œdicnème aux éoliennes (p. 317). Cependant, et comme le mentionne l’autorité environnementale, les auteurs de cette étude se sont uniquement fondés sur l’étude réalisée par la LPO sur le parc éolien de Rochereau pour conclure à la probable absence d’impact des éoliennes sur cette espèce. Or, selon la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), cette étude fournirait des résultats contrastés dans la mesure où si elle a constaté la présence des œdicnèmes nichant à de faibles distances d’éoliennes en fonctionnement, elle a également relevé un déclin global de cette population.
20. Dans ces conditions, en se bornant à affirmer que l’impact des aérogénérateurs est faible en phase d’exploitation, l’étude des impacts du projet sur l’avifaune, et en particulier sur le busard cendré et l’œdicnème criard, est entachée d’insuffisances qui ont été de nature à nuire à l’information du public et à influencer, en l’espèce, le sens de la décision prise par l’administration.
S’agissant de l’analyse des impacts du raccordement :
21. En vertu des dispositions précitées du a) du 4° de l’article R. 512-8 du code de l’environnement en vigueur à la date de l’arrêté en litige, l’étude d’impact doit comporter l’énoncé des mesures réductrices et compensatoires en ce qui concerne le transport des produits fabriqués et, en conséquence, s’agissant d’une autorisation d’exploiter un parc d’éoliennes, les modalités de raccordement des installations projetées au réseau électrique pour le transport de l’électricité produite.
22. S’agissant du raccordement des installations en litige au réseau électrique, l’étude d’impact se borne à indiquer que le parc éolien projeté pourra se relier au réseau national grâce à un raccordement à deux postes sources. Cependant, et alors que les deux postes existants se situent à 30 et 50 kilomètres du lieu d’implantation du projet, cette étude ne précise nullement si ce raccordement au réseau électrique se fera par voie aérienne ou par voie souterraine, ni même s’il nécessitera ou non la création d’un nouveau poste de raccordement. Pour justifier l’absence de précisions concernant l’impact environnemental du raccordement dans cette étude, la pétitionnaire se prévaut du fait que le raccordement relève d’une autorisation d’exploitation au sens de l’article L. 311-5 du code de l’énergie et donc d’une législation indépendante. Cependant, la requérante n’établit pas pour autant que lors de l’instruction de cette demande d’autorisation d’exploiter en cas de création d’un nouveau poste de raccordement, les impacts environnementaux de ce raccordement feraient l’objet d’une étude spécifique. En outre, les articles R. 421-1 et R. 421-2 a) du code de l’urbanisme ne soumettent à aucune formalité particulière le raccordement au réseau électrique d’un projet par voie enterrée ou par voie aérienne. Dans ces conditions, la circonstance que l’autorisation nécessaire à ce raccordement relèverait d’une législation distincte ne pouvait dispenser la société pétitionnaire d’indiquer les modalités de raccordement envisagées, ainsi que leurs impacts environnementaux. Par suite, et comme l’avait d’ailleurs relevé l’autorité environnementale, l’étude d’impact est également entachée d’une insuffisance s’agissant des impacts environnementaux du raccordement du projet au réseau électrique qui a été de nature à nuire à l’information du public et à influencer, en l’espèce, le sens de la décision prise par l’administration.
S’agissant de la description des mesures de compensation :
23. L’association Vent Funeste soutient que l’étude d’impact ne répond pas aux exigences du 4° de l’article R. 512-8 du code de l’environnement dès lors qu’elle ne détaillerait pas de manière suffisante les mesures de compensation et ne procèderait pas à une analyse des impacts de ces mesures sur les terres agricoles.
24. Afin de remédier aux impacts du projet sur le paysage, le patrimoine culturel, l’avifaune et les chiroptères, l’étude d’impact a prévu des mesures de compensation consistant notamment dans l’implantation de haies et d’arbres isolés. Est ainsi prévue la création de 2 000 mètres linéaires de haies, de 970 mètres de haies supplémentaires pour les postes de livraison, et d’une ceinture végétale sur une longueur de 4 000 mètres aux abords des hameaux. Cependant, et comme l’a relevé l’autorité environnementale, la localisation exacte de ces futures haies n’est pas indiquée dans l’étude pas plus que sa composition de sorte que leur future hauteur et épaisseur ne peuvent être déterminées. Or, ces lacunes ne pouvaient dès lors permettre au public, ni même à l’administration décisionnaire, d’apprécier l’efficacité de ces haies pour obstruer la visibilité de ces éoliennes sur les monuments historiques situés dans ce secteur. En outre, cette étude n’identifie pas non plus les propriétaires des terres sur lesquelles devront être implantées ces haies et ne permet dès lors pas de garantir la faisabilité de cette mesure compensatoire. A ce sujet, si la pétitionnaire affirme détenir la maîtrise foncière des terrains sur lesquels seront implantées les haies, elle ne produit aucun titre de nature à en justifier, alors que la DREAL a subordonné la validation du programme de plantations à son accord, après que la société pétitionnaire ait elle-même obtenu l’adhésion des propriétaires concernés. Par suite, l’étude d’impact est également entachée d’une insuffisance s’agissant de la description des mesures de compensation. Or, ces lacunes sur ce point ont également été de nature à nuire à l’information du public et à influencer, en l’espèce, le sens de la décision prise par l’administration.
En ce qui concerne la protection des intérêts visés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement :
25. Aux termes de l’article L. 511-1 du code de l’environnement : « Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d’une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, soit pour l’utilisation rationnelle de l’énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ». Selon l’article L. 512-1 du même code : « Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l’article L. 511-1. / L’autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l’arrêté préfectoral. (…) ». L’article L. 512-3 de ce code dispose : « Les conditions d'installation et d'exploitation jugées indispensables pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511 1, les moyens de suivi, de surveillance, d'analyse et de mesure et les moyens d'intervention en cas de sinistre sont fixés par l'arrêté d'autorisation et, éventuellement, par des arrêtés complémentaires pris postérieurement à cette autorisation. ». Enfin, en vertu de l’article R. 512-28 du même code : « L'arrêté d'autorisation et, le cas échéant, les arrêtés complémentaires fixent les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1, L. 220-1 et L. 511-1. / Ces prescriptions tiennent compte notamment, d'une part, de l'efficacité des meilleures techniques disponibles et de leur économie, d'autre part, de la qualité, de la vocation et de l'utilisation des milieux environnants ainsi que de la gestion équilibrée de la ressource en eau. (…) L'arrêté d'autorisation fixe les moyens d'analyses et de mesures nécessaires au contrôle de l'installation et à la surveillance de ses effets sur l'environnement, ainsi que les conditions dans lesquelles les résultats de ces analyses et mesures sont portés à la connaissance de l'inspection des installations classées et du service chargé de la police des eaux (…). ».
26. L’association requérante conteste l’efficacité et la pertinence des prescriptions dont est assorti l’arrêté attaqué, et plus particulièrement de la prescription énoncée à l’article 8.1.2 relative au programme de plantations de bandes enherbées et de haies afin de prévenir les impacts potentiels sur l’avifaune, les chiroptères et les impacts paysagers, la prescription énoncée par l’article 8.1.3 relative aux mesures de bridage et d’arrêt des aérogénérateurs et la prescription énoncée à l’article 9.2.1 de ce même arrêté concernant le suivi de l’avifaune dans le secteur.
27. La prescription mentionnée à l’article 8.1.2 de l’arrêté impose à la pétitionnaire de mettre en place plus de 2 hectares de bandes enherbées, de planter 2 000 mètres de haies nouvelles, 2 000 mètres linéaires en remplacement de la portion de haie arrachée, 4 000 mètres linéaires de haies participant à la création de nouveaux corridors biologiques en lien avec l’enjeu chiroptérologique, et de densifier 4 000 mètres linéaires de ceinture végétale aux abords des hameaux impactés afin de diminuer l’impact paysager du projet. Elle impose également à l’exploitante de transmettre à la DREAL, dans un délai de six mois après notification de l’arrêté attaqué, l’emplacement de ces haies et bandes enherbées ainsi que leur composition. Enfin, si elle requiert la réalisation des haies aux abords des hameaux avant la mise en service industrielle de l’installation, elle n’impose cependant la mise en place des autres haies que dans un délai de six mois suivant la mise en exploitation. Enfin, elle prévoit l’entretien des bandes enherbées et de ces plantations durant au moins quinze ans en fonction des résultats du suivi environnemental concernant l’avifaune.
28. Toutefois, d’une part, il ne résulte pas de l’instruction que la société MSE Le Vieux Moulin soit propriétaire des terrains sur lesquels devraient être plantées ces haies ou qu’elle dispose pour ce faire de l’autorisation des propriétaires. Il n’est ainsi pas établi que les prescriptions dont est assorti l’arrêté puissent être mises en œuvre. D’autre part, compte tenu de ce qui a été dit aux points 17 à 20, eu égard à l’impact que pourra avoir le projet en litige sur les chiroptères et l’avifaune sensible présente sur le site, en particulier le busard cendré et œdicnème criard ainsi qu’au délai nécessaire pour que ces haies nouvelles offrent un nouveau refuge à ces espèces, l’autorité administrative, en n’imposant pas la réalisation des haies destinées à limiter les impacts du projet sur ces espèces avant la mise en service des installations, a entaché son arrêté d’une erreur d’appréciation. Il résulte également de l’instruction, et en particulier des photomontages produits par la pétitionnaire en juin 2016, que malgré la mise en place de haies végétales, l’impact du parc éolien projeté restera sensible sur l’église de Genouillé, l’église de Surin et le château de Cibioux dont trois des éoliennes (E9, E10 et E11) seront particulièrement visibles depuis la terrasse de ce monument. En outre, la réalisation de ces barrières végétales destinées à restreindre la vue du parc éolien depuis ces monuments, nécessitera plusieurs années alors qu’aucune mesure n’est prévue durant les premières années de fonctionnement de ce parc éolien. Dans ces conditions, en assortissant l’arrêté attaqué d’une prescription insuffisante à prévenir l’atteinte portée par le projet en litige au patrimoine architectural, à l’avifaune et aux chiroptères, les préfets de la Vienne et de la Charente ont fait une inexacte application des dispositions précitées de l’article L. 512-1 du code de l’environnement.
29. Il résulte de tout ce qui précède que ni la société MSE Le Vieux Moulin ni le ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer ne sont fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l’arrêté du 21 février 2013.
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
30. Ces dispositions font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées par la société MSE Le Vieux Moulin sur leur fondement.
31. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat et de la société MSE le Vieux Moulin une somme de 1 000 euros chacun à verser à l’association Vent Funeste au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société MSE Le Vieux Moulin et le recours de l’État sont rejetés.
Article 2 : La société MSE Le Vieux Moulin et l’Etat verseront chacun une somme de 1 000 euros à l’association Vent Funeste au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.