Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. N== a demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler l’arrêté du 6 juillet 2015 par lequel le préfet de l’Ariège a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi.

Par un premier jugement n° 1505569, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a notamment rejeté les demandes tendant à l’annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi. Par un second jugement n° 1503569 du 23 février 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l’annulation du refus de titre de séjour.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 mars 2016, M. N==, représenté par Me Benhamida, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1503569 du 23 février 2016 du tribunal administratif de Toulouse et l’arrêté du préfet de l’Ariège en date du 6 juillet 2015 ;

2°) d’enjoindre au préfet de l’Ariège de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention « vie privée et familiale », sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 800 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et ses avenants ; - la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 et notamment son article 161 ; - le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; - le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 1er septembre 2016 : - le rapport de M. Paul-André Braud ; - les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. N==, ressortissant algérien né en 1988, est entré en France selon ses déclarations le 14 août 2009. Après avoir déposé une demande d’asile en août 2009, il a fait l’objet le 18 août 2010 d’un arrêté de reconduite à la frontière et a été réadmis en Espagne en application des accords de Dublin. De retour en France, il a déposé une demande d’asile sous une autre identité. A la suite de son mariage avec une ressortissante française le 16 novembre 2012, M. N== a sollicité la délivrance d’un certificat de résidence en qualité de conjoint de français. Après avoir délivré à M. N== un visa de régularisation valable du 28 novembre 2012 au 27 novembre 2013, puis des récépissés l’autorisant à travailler, le préfet de l’Ariège a, par un arrêté du 6 juillet 2015, refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Puis, par un arrêté du 18 novembre 2015, le préfet de l’Ariège l’a assigné à résidence. M. N== a saisi le tribunal administratif de Toulouse afin d’obtenir l’annulation des arrêtés du préfet du Gers des 6 juillet et 18 novembre 2015. Par un jugement du 2 décembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté les demandes tendant à l’annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de renvoi et assignation à résidence. Par un second jugement en date du 23 février 2016, le tribunal administratif de Toulouse a constaté qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur les demandes qui ont été tranchées par le premier jugement et a rejeté la demande de M. N== tendant à l’annulation du refus de titre de séjour opposé le 6 juillet 2015. M. N== relève appel de ce dernier jugement.

Sur la légalité du refus de certificat du résidence en date du 6 juillet 2015 :

2. Aux termes de l’article 6 de l’accord franco-algérien : « (…) Le certificat de résidence d’un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : (…) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (…) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux. ». Il résulte de ces stipulations que l’obtention d’un certificat de résidence d’une validité d’une année n’est subordonnée qu’à une condition de régularité de l’entrée en France du demandeur et non à une condition de régularité de son séjour sur le territoire.

3. Si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour dès lors que ces ressortissants algériens se trouvent dans une situation entrant à la fois dans les prévisions de l'accord et dans celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Aux termes de l’article L. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) D. ― 1. Sans préjudice des dispositions de l'article L. 311-7, préalablement à la délivrance d'un premier titre de séjour, l'étranger qui est entré en France sans être muni des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ou qui, âgé de plus de dix-huit ans, n'a pas, après l'expiration depuis son entrée en France d'un délai de trois mois ou d'un délai supérieur fixé par décret en Conseil d'Etat, été muni d'une carte de séjour, acquitte un droit de visa de régularisation d'un montant égal à 340 €, dont 50 €, non remboursables, sont perçus lors de la demande de titre. Cette disposition n'est pas applicable aux réfugiés, apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux étrangers mentionnés au 2° bis de l'article L. 313-11, aux 4° à 7° de l'article L. 314-11 et à l'article L. 314-12. Le visa mentionné au premier alinéa du présent D tient lieu du visa de long séjour prévu à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 211-2-1 si les conditions pour le demander sont réunies (…) ». 5. Si l’accord franco-algérien prévoit que les certificats de résidence mentionnés aux articles 7 et 7 bis sont délivrés gratuitement, cela n’est pas le cas de ceux énumérés à l’article 6 de ce même accord. Dans ces conditions, les dispositions générales de l’article L. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui doivent être regardées comme des dispositions de procédure au sens énoncé au point 3, sont applicables aux ressortissants algériens sollicitant la délivrance d’un certificat de résidence sur le fondement de l’article 6 de l’accord franco-algérien. 6. Les dispositions du D de l’article L. 311 13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issues de l’article 161 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, prévoyant les conditions dans lesquelles l’étranger doit acquitter le droit de visa de régularisation lorsqu’il sollicite la délivrance d’un premier titre de séjour et qu’il n’est pas entré en France muni des documents et visas exigés par la réglementation en vigueur ou qu’il n’a pas été muni d’une carte de séjour après l’expiration de la validité de son visa, ont pour objet d’inciter les étrangers qui sollicitent un titre de séjour à respecter l’ensemble des conditions posées par les lois et conventions internationales, et à améliorer le traitement d’ensemble du flux des demandes de titres de séjour. Ces dispositions ont ainsi institué un droit de visa de régularisation qui se substitue au double droit de chancellerie régi par le décret n° 81-778 du 13 août 1981 qui était acquitté par les étrangers ayant omis de solliciter un visa et souhaitant régulariser cette omission sur le territoire français. Dans ces conditions, il résulte implicitement mais nécessairement des dispositions du D de l’article L. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la délivrance d’un visa de régularisation fait obstacle à ce qu’après que l’étranger a acquitté l’intégralité du droit y afférent, le préfet puisse opposer l’irrégularité de l’entrée sur le territoire national pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par l’intéressé. 6. Il ressort des pièces du dossier que M. N==, d’une part, a épousé le 16 novembre 2012 une ressortissante de nationalité française et, d’autre part, a acquitté l’intégralité du droit de visa de régularisation et a obtenu par suite un visa de régularisation. Dans ces conditions, le préfet de l’Ariège ne pouvait valablement opposer l’irrégularité de l’entrée en France de M. N== pour rejeter sa demande de certificat de résidence présentée sur le fondement des stipulations du 2) de l’article 6 de l’accord franco-algérien. 7. Toutefois, l’article 6 de l’accord franco-algérien, qui a pour seul objet de définir les conditions particulières que les intéressés doivent remplir pour obtenir un certificat de résidence portant la mention « vie privée et familiale », ne prive pas l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale en vigueur relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour en se fondant sur des motifs tenant à l'ordre public. 8. Il ressort de la motivation de l’arrêté litigieux que pour refuser la délivrance d’un certificat de résidence, le préfet de l’Ariège s’est également fondé sur la menace à l’ordre public que représente la présence en France de M. N== qui a été condamné à deux reprises, le 13 août 2012 pour usage de stupéfiants et le 18 décembre 2012 à deux ans d’emprisonnement dont un an avec sursis pour vol avec violence, vol aggravé et menace de crime contre les personnes. Or M. N== ne conteste pas que sa présence en France constitue une menace à l’ordre public. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l’Ariège aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif. 9. Cependant, aux termes de l’article L. 312-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile applicable aux ressortissants algériens pour les motifs énoncés au point 3 : « Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour ( …) ». Aux termes de l’article L. 312-2 dudit code : « La commission est saisie par l’autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l’article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l’article L. 431-3 ». Le préfet n’est toutefois tenu de saisir la commission que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement cette condition, et non de celui de tous les étrangers qui s’en prévalent. 10. M. N== se prévaut à ce titre des stipulations du 2) de l’article 6 de l’accord franco-algérien, lesquelles sont équivalentes aux dispositions du 4° de l’article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or il n’est pas contesté que M. N== remplit l’ensemble des conditions, à l’exception de celle afférente à l’entrée régulière sur le territoire national, lui permettant d’obtenir de plein droit un certificat de résidence sur le fondement de ses stipulations. En outre, il résulte des motifs énoncés au point 6 que son entrée irrégulière en France ne peut lui être opposée. Par suite, M. N== doit être regardé comme pouvant prétendre à la délivrance de plein droit d’un certificat de résidence sur le fondement du 2) de l’article 6 de l’accord franco-algérien. Dès lors, le préfet de l’Ariège était tenu de saisir de son cas la commission du titre de séjour sans que puisse y faire obstacle la circonstance que sa présence constituerait une menace à l’ordre public. Faute d’avoir été précédé de cette consultation, le refus de certificat de résidence opposé à M. N== le 6 juillet 2015 est intervenu au terme d’une procédure irrégulière et est, ainsi, entaché d’illégalité. 11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués, que M. N== est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

12. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. ».

13. Eu égard au motif d’annulation retenu, le présent arrêt n’implique pas la délivrance d’un certificat de résidence, mais seulement que le préfet de l’Ariège statue à nouveau sur la demande de certificat de résidence de M. N==. Il y a lieu d’enjoindre au préfet de l’Ariège de délivrer à M. N== une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

14. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de l’Etat la somme que demande M. N== au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : L’article 2 du jugement n° 1503569 en date du 23 février 2016 du tribunal administratif de Toulouse et le refus de certificat de résidence opposé par le préfet de l’Ariège le 6 juillet 2015 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l’Ariège de délivrer à M. N== une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa demande de certificat de résidence dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.