Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A==, Mme A==, Mme A==, M. B==, M. B==, Mme B==, Mme B-B==, Mme B==, M. C==, Mme C==, Mme C== V==, Mme C==, M. D== S==, Mme D==, M. D==, Mme F-B==, Mme G==, Mme G==, Mme G==, Mme G== née F==, Mme H==, Mme H==, M. I==, M. K==, M. L==, M. L==, Mme L==, Mme L==, M. M==, Mme M== née B==, M. M==, Mme M==, Mme M==, Mme P==, Mme S== née L==, Mme S==, Mme T==, M. T==, Mme V==, M. V==, Mme V== et Mme W== ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 25 mars 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie a validé l'accord collectif relatif au plan de sauvegarde de 1'emploi établi le 28 février 2019 au sein de l'unité économique et sociale Pierre Fabre.

Par un jugement n° 1902851 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 3 septembre 2019 et le 27 septembre 2019, Mme A==, Mme A==, Mme A==, M. B==, M. B==, Mme B==, Mme B-B==, Mme B==, M. C==, Mme C==, Mme C== V==, Mme C==, M. D== S==, Mme D==, Mme F-B==, Mme G==, Mme G==, Mme G== née F==, Mme H==, Mme Houin, Mme H==, M. I==, M. K==, M. L==, M. L==, Mme L==, M. M==, Mme M== née B==, M. M==, Mme M==, Mme P==, Mme S== née L==, Mme S==, Mme T==, M. T==, Mme V==, M. V==, Mme V== et Mme W==, représentés par Me Hollande, demandent à la cour:

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 juillet 2019 ;

2°) d’annuler la décision du 25 mars 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie a validé l'accord collectif relatif au plan de sauvegarde de 1'emploi établi le 28 février 2019 au sein de l'unité économique et sociale Pierre Fabre ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 6 000 euros à leur verser en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Considérant ce qui suit :

1. L'unité économique et sociale (UES) des Laboratoires Pierre Fabre, composée de plusieurs sociétés du groupe pharmaceutique Pierre Fabre, est constituée de seize établissements distincts parmi lesquels l'établissement Consumer Health Care (CHC) qui regroupe les sociétés Pierre Fabre Santé (PFS), Pierre Fabre Santé Information (PFSI) et Pierre Fabre Oral Care Information (PFOCI) chargées de la promotion médicale. A la suite de la décision de transférer, à compter du mois de février 2019, à la société PFOCI l’activité de promotion médicale dentaire (Oral Care) jusqu’alors assurée par la société PFSI par ailleurs également chargée de la promotion des produits de santé familiale (Health Care), l’administration a été rendue destinataire, le 17 janvier 2019, d’un projet de licenciement collectif des 81 salariés de la société PFSI. L’accord collectif de mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi de l’entreprise PFSI conclu le 28 février 2019 entre, d’une part, l’UES des Laboratoires Pierre Fabre et, d’autre part, les organisations syndicales de salariés FO, CFE-CGC et SUD-CHIMIE a été validé par une décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi d’Occitanie en date du 25 mars 2019. Par un jugement du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande d’annulation de cette décision. Mme A== et trente-huit autres salariés de la société PFSI relèvent appel de ce jugement.

Sur l’intervention :

2. Mme M==, Mme S-M==, Mme J== et M. C==, salariés de la société PFSI concernés par le projet de licenciement collectif, ont intérêt à l’annulation du jugement attaqué. Ainsi, leur intervention est recevable.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :



3. Aux termes de l’article L. 1233-61 du code du travail : « Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l’employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. (…) ». Aux termes de l’article L. 1233-24-1 du même code : « Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité social et économique et de mise en œuvre des licenciements. Cet accord est signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants, ou par le conseil d'entreprise dans les conditions prévues à l'article L. 2321-9. L'administration est informée sans délai de l'ouverture d'une négociation en vue de l'accord précité. ». Aux termes de l’article L. 1233-57-2 de ce code : « L'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de : / 1° Sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 ; / 2° La régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique ; / 3° La présence dans le plan de sauvegarde de l'emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 ; / 4° La mise en œuvre effective, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233 57 9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 ».

4. Il incombe à l’administration, saisie d’une demande de validation d’un accord collectif portant plan de sauvegarde de l’emploi, de s’assurer de la qualité de ses signataires. Le moyen tiré de l’absence de qualité des signataires d’un tel accord peut être, le cas échéant, utilement soulevé devant le juge de l’excès de pouvoir saisi de la légalité de la décision de validation.

5. Il est constant que l’accord collectif du 28 février 2019 portant plan de sauvegarde de l’emploi de l’entreprise PFSI a été signé, d’une part, par les organisations syndicales de salariés FO, CFE-CGC et SUD-CHIMIE et, d’autre part, pour « l’unité économique et sociale des Laboratoires Pierre Fabre » par Mme C== agissant en qualité de directrice générale adjointe de la société Pierre Fabre SA.

6. Il est soutenu par les appelants que Mme C== n’avait pas qualité pour signer l’accord collectif au nom de l’unité économique et sociale des Laboratoires Pierre Fabre dépourvue de personnalité morale.

7. Aux termes de l’article L.2231-1 du code du travail inséré dans le titre III relatif aux « conditions de négociation et de conclusion des conventions et accords collectifs de travail » du livre II sur « la négociation collective » de la deuxième partie du code du travail consacrée aux relations collectives de travail : « La convention ou l'accord est conclu entre : / d'une part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ d'application de la convention ou de l'accord ; / d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales d'employeurs, ou toute autre association d'employeurs, ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement. ».

8. Si une unité économique et sociale, caractérisée par l’unicité des pouvoirs de direction à l’intérieur du périmètre considéré et par l’existence d’une communauté de travail résultant de conditions de travail similaires, permet l’expression collective de l’intérêt des travailleurs appartenant à cette collectivité, elle n’a pas la personnalité morale et n’est pas l’employeur des salariés des entreprises qui la composent. Il suit de là que Mme C==, quand bien même elle aurait eu qualité pour conduire les négociations collectives et représenter l’unité économique et sociale des Laboratoires Pierre Fabre, ne pouvait pas signer l’accord collectif de mise en œuvre du plan de sauvegarde de l’emploi au nom de cette unité économique et sociale laquelle, d’une part, n’est pas l’employeur des salariés de l’entreprise PFSI seuls concernés par ledit plan de sauvegarde et au sein de laquelle, d’autre part, aucune représentation des employeurs des salariés des entreprises qui la composent, dont l’entreprise PFSI, n’a été mise en place.

9. Il résulte des dispositions du code du travail citées au point 3, notamment du 1° de l’article L. 1233-57-2, que des vices affectant, le cas échéant, les conditions de négociation d’un accord collectif conclu sur le fondement de l’article L. 1233-24-1 ne sont susceptibles d’entraîner l’illégalité de l’acte validant cet accord que s’ils sont de nature à entacher ce dernier de nullité.

10. La circonstance que l’une des parties signataires de l’accord collectif relatif au plan de sauvegarde de 1'emploi établi le 28 février 2019 n’avait pas qualité pour le signer est de nature à entacher cet accord de nullité. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision de validation en litige est, pour ce motif, entachée d’illégalité, doit être accueilli.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que les appelants sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la décision du 25 mars 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie a validé l'accord collectif relatif au plan de sauvegarde de 1'emploi établi le 28 février 2019 au sein de l'unité économique et sociale Pierre Fabre.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :



12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la société PFSI demande au titre de ses frais non compris dans les dépens soit mise à la charge des appelants qui ne sont, dans la présente instance, ni partie perdante, ni d’ailleurs tenue aux dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les appelants. Mme M==, Mme S-M==, Mme J== et M. C==, intervenants volontaires, n’étant pas parties à l’instance, leurs conclusions fondées sur l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : L’intervention de Mme M==, Mme S-M==, Mme J== et M. C== est admise.

Article 2 : La décision du 25 mars 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie a validé l'accord collectif relatif au plan de sauvegarde de 1'emploi établi le 28 février 2019 est annulée.

Article 3 : Le jugement n° 1902851 du 4 juillet 2019 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L’Etat versera une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761 1 du code de justice administrative à Mme A==, Mme A==, Mme A==, M. B==, M. B==, Mme B==, Mme B-B==, Mme B==, M. C==, Mme C==, Mme C== V==, Mme C==, M. D== S==, Mme D==, Mme F-B==, Mme G==, Mme G==, Mme G== née F==, Mme H==, Mme Houin, Mme H==, M. I==, M. K==, M. L==, M. L==, Mme L==, M. M==, Mme M== née B==, M. M==, Mme M==, Mme P==, Mme S== née L==, Mme S==, Mme T==, M. T==, Mme V==, M. V==, Mme V== et Mme W==.

Article 5 : Les conclusions présentées par la société Pierre Fabre Santé Information (PFSI) au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Les conclusions présentées par Mme M==, Mme S-M==, Mme J== et M. C== au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.