Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les associations France Nature Environnement, Surfrider Foundation Europe et Guyane Nature Environnement ont demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler un arrêté n° 722/SG/2D3B du 11 mai 2012 complété par un arrêté n° 944/SG/2D3B du 20 juin 2012, par lesquels le préfet de la Guyane a donné acte à la société Shell de sa déclaration de travaux de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux, par la réalisation de quatre forages d’exploration et d’évaluation, en les assortissant de prescriptions techniques générales et particulières.

Par un jugement n° 1201020 du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté leur demande.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 6 décembre 2014, 3 juin et 7 octobre 2015 sous le n° 14BX03404, les associations France Nature Environnement et Surfrider Foundation Europe, représentées par Me Nicolas, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 2 octobre 2014 du tribunal administratif de la Guyane ;

2°) d'annuler les deux arrêtés susmentionnés du préfet de la Guyane ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros, à leur verser à chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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II. Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 6 décembre 2014, 3 juin et 7 octobre 2015 sous le n° 14BX03406, l’association Guyane Nature Environnement, représentée par Me Nicolas, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 2 octobre 2014 du tribunal administratif de la Guyane ;

2°) d'annuler les deux arrêtés susmentionnés du préfet de la Guyane ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Considérant ce qui suit :



1. Un permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux dénommé « permis de Guyane maritime » a été délivré initialement par arrêté ministériel en date du 29 mai 2001 au consortium pétrolier composé des sociétés Shell exploration et production France (Shell), Hardman Petroleum France (Hardman) et Total E&P Guyane française (Total) puis a été modifié et prolongé à deux reprises les 2 juillet 2007 et 22 décembre 2011. Ce permis a autorisé le consortium à procéder, en exclusivité, à ces recherches de mines d’hydrocarbures sur une superficie totale d’environ 24 100 kilomètres carrés, s’étendant de la frontière du Brésil à celle du Surinam, sur le bord du talus continental. A la suite de l’annonce, faite par ce consortium le 9 septembre 2011, de la découverte d’un gisement de pétrole situé à 150 kilomètres au large de la Guyane française, la SAS Shell exploration et production France, en sa qualité d’opérateur unique du permis exclusif, a déposé, les 20 et 26 mars 2012, deux déclarations d’ouverture d’une campagne de travaux de recherche réalisées, d’une part, par quatre forages d’exploration et d’évaluation et, d’autre part, par méthode sismique en mer, afin de détecter des réservoirs potentiels. Par deux arrêtés n° 722/SG/2D3B et n° 723/SG/2D3B du 11 mai 2012 complétés par deux autres arrêtés n° 943/SG/2D3B et n° 944/SG/2D3B en date du 20 juin suivant, le préfet de la Guyane a donné acte à la société Shell de ces deux déclarations d’ouverture de travaux tout en assortissant ceux-ci de prescriptions techniques générales et particulières. Les associations France Nature Environnement, SurfriderFoundation Europe et Guyane Nature Environnement relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté leur demande tendant à l’annulation des deux arrêtés préfectoraux n° 722/SG/2D3B du 11 mai 2012 et n° 944/SG/2D3B du 20 juin suivant portant sur les travaux de recherches par forages destinés à être entrepris par la société Shell.

2. Les requêtes des associations France Nature Environnement, Surfrider Foundation Europe et Guyane Nature Environnement étant dirigées contre un même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la légalité des arrêtés attaqués :

3. D’une part, l’article 1 de la loi du 30 décembre 1968 dispose : « La République française exerce, conformément à la Convention de Genève sur le plateau continental du 29 avril 1958, publiée par le décret n° 65-1049 du 29 novembre 1965, des droits souverains aux fins de l'exploration du plateau continental adjacent à son territoire et de l'exploitation de ses ressources naturelles. / Le plateau continental sur lequel la République française exerce les droits définis ci-dessus est, dans toute son étendue et quels que soient la situation géographique et le statut des territoires auxquels il est adjacent, soumis à un régime juridique unique fixé par la présente loi sous réserve des dispositions des articles 35 et 36. ». Selon l’article 2 de cette loi : « Toute activité entreprise par une personne publique ou privée sur le plateau continental, en vue de son exploration ou de l'exploitation de ses ressources naturelles, est subordonnée à la délivrance préalable d'une autorisation. (…) ». Aux termes de l’article 36 de cette loi : « Les conditions d'adaptation de la présente loi aux opérations effectuées sur le plateau continental adjacent aux collectivités territoriales d'outre-mer et, en tant que de besoin, sur les fonds de la mer territoriale, seront fixées par décret en Conseil d'Etat. ». L’article 3 du décret du 6 mai 1971 portant application de cette loi dispose : « L'autorisation prévue par l'article 2 de la loi susvisée du 30 décembre 1968 est constituée, en ce qui concerne l'exploration et l'exploitation des substances minérales ou fossiles, soit par une autorisation de prospections préalables, qui sera délivrée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, soit par un permis exclusif de recherches de mines, un permis d'exploitation de mines ou une concession de mines, qui seront dénommés "Titres miniers" dans les articles ci-après. ». Aux termes de l’article 5 de ce décret : « Les demandes de titres miniers portant en totalité ou en partie sur le plateau continental sont établies et instruites selon les dispositions qui sont prévues par le code minier et les textes pris pour son application en matière de titres miniers concernant le fond de la mer. (…) ». Selon l’article 7 de ce même décret : « Le titulaire d'un titre minier doit adresser au préfet, avec copie à l'ingénieur en chef des mines, ses programmes de travaux quarante-cinq jours au moins avant la date prévue pour leur mise en exécution. ». Enfin, l’article 9 de ce décret dispose : « Sans préjudice des pouvoirs qu'il tient du code minier, le préfet peut, si la commission estime que l'exécution des programmes présentés à son examen doit porter atteinte à la création, au développement ou à l'extension des ports, nuire à la stabilité des rivages, comporter des risques de pollution, entraver la pose, l'entretien ou le fonctionnement des câbles de télécommunications sous-marins, des câbles d'énergie ou des pipe-lines sous-marins, ou doit gêner de manière injustifiable la navigation, la pêche, la défense nationale, les liaisons de télécommunications, la conservation des ressources biologiques de la mer ou les recherches océanographiques fondamentales, interdire les travaux en tout ou en partie ou les soumettre à des conditions particulières. La décision du préfet est notifiée au titulaire. ».

4. D’autre part, l’article L. 123-1 du nouveau code minier, créé par l’ordonnance susvisée du 20 janvier 2011, dispose : « Sous réserve des dispositions applicables de la loi n° 68-1181 du 30 décembre 1968 relative à l'exploration du plateau continental et à l'exploitation de ses ressources naturelles et des textes pris pour son application, la recherche et le transport par canalisations de l'ensemble des substances minérales ou fossiles contenues dans le sous-sol du plateau continental défini à l'article 1er de cette loi ou dans le fond de la mer et le sous-sol de la zone économique dite « exclusive » définie à l'article 1er de loi n° 76 655 du 16 juillet 1976 relative à la zone économique et à la zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République, ou existant à leur surface, sont soumis au régime applicable en vertu du présent livre aux substances de mine. ». Selon l’article L. 161-1 de ce code : « Les travaux de recherches ou d'exploitation minière doivent respecter (…) les contraintes et les obligations nécessaires à la préservation de la sécurité et de la salubrité publiques, (…) à la conservation (…) de la mine et des autres mines, des caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre ou maritime, et plus généralement à la protection des espaces naturels et des paysages, de la faune et de la flore, des équilibres biologiques et des ressources naturelles particulièrement des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1, L. 331-1, L. 332-1 et L. 341-1 du code de l'environnement (…). ». L’ordonnance du 20 janvier 2011 a créé, au sein du titre VI « Travaux miniers » du nouveau code minier, contenu dans le livre 1er consacré au régime légal des mines, un chapitre II destiné à définir le régime de l’ouverture des travaux, et qui comprenait initialement douze articles L. 162-1 à L. 162-12. Aux termes de l’article L. 162-1 de ce code : « L'ouverture de travaux de recherches et d'exploitation de mines est subordonnée soit à une autorisation, soit à une déclaration administratives suivant la gravité des dangers ou des inconvénients qu'ils peuvent représenter pour les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1. La définition des travaux de recherches et d'exploitation entrant dans l'une ou l'autre de ces catégories est établie par décret en Conseil d'Etat. ». L’article L. 162-3 dudit code dispose : « Sont soumis à autorisation les travaux de recherches et d'exploitation qui présentent des dangers et des inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1. ». Selon l’article L. 162-10 de ce code : « Sont soumis à déclaration les travaux de recherches et d'exploitation qui tout en présentant des dangers ou des inconvénients faibles pour les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 doivent néanmoins se soumettre à la police des mines et aux prescriptions édictées par l'autorité administrative. ». L’article L. 162-12 de ce code dispose : « Les modalités d'application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'Etat. ». Enfin, les articles 3 et 4 du décret susvisé du 2 juin 2006 relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des mines et des stockages souterrains, qui ont été modifiés à deux reprises par le décret n° 2014-118 du 11 février 2014 et le décret n° 2016 1304 du 4 octobre 2016 relatif aux travaux miniers conduits à terre et en mer, énumèrent les cas où les travaux envisagés relèvent de l’un des deux régimes de l’autorisation ou de la déclaration prévus par les articles L. 162-3 et L. 162-10 du même code mentionnés ci-dessus.

5. En premier lieu, les associations requérantes soutiennent que dès lors que les travaux de forage litigieux entrepris par la société Shell sont susceptibles de présenter des dangers et des inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l’article L. 161-1 du code minier, ils auraient dû être soumis à la procédure d’autorisation prévue par l’article L. 162-3 du même code, en respectant les diverses formalités de consultation et d’élaboration d’enquêtes énumérées à l’article L. 162-4 du même code. Il appartient toutefois au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l’environnement d’apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d’autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation. Or à la date d’édiction des deux arrêtés litigieux des 11 mai et 20 juin 2012 par lesquels le préfet de la Guyane a donné acte à la société Shell de sa déclaration d’ouverture de travaux, consistant en la réalisation de quatre forages, à 150 kilomètres environ des côtes guyanaises, sur le plateau continental de la France, le décret du 2 juin 2006 relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des mines et des stockages souterrains ne soumettait pas encore à l'autorisation, prévue par l’article L. 162-3 du code minier, l'ouverture, dans les fonds marins de la mer territoriale et sur le plateau continental ou dans la zone économique exclusive, de travaux de recherches et d'exploitation d'hydrocarbures liquides ou gazeux. Ainsi, en l’absence du décret d’application requis par l’article L. 162-12 de ce code, les travaux faisant l’objet des arrêtés contestés relevaient, à ces deux dates des 10 mai et 20 juin 2012, de la seule procédure mentionnée aux articles 7 et suivants du décret du 6 mai 1971 portant application de la loi du 30 décembre 1968 relative à l'exploration du plateau continental et à l'exploitation de ses ressources naturelles dont le préfet de la Guyane a fait application. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure suivie serait irrégulière pour n’avoir pas été précédée des formalités énumérées par l’article L. 162-4 du nouveau code minier ne peut qu’être écarté.

6. En second lieu, les appelantes soutiennent, à titre subsidiaire, que si les travaux de forage litigieux devaient être regardés comme ne relevant que des dispositions de ce décret du 6 mai 1971, il conviendrait de constater, par voie d’exception, son illégalité au regard des dispositions des articles L. 162-1, L. 162-3 et L. 162-10 du code minier, dès lors que ce décret ne soumet pas ces travaux à la procédure d’autorisation mentionnée par l’article L. 162-3 du même code, alors même qu’ils sont susceptibles de présenter des dangers et des inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l’article L. 161-1 du code minier. Il résulte toutefois des termes mêmes de ce décret, et notamment de ses articles 5 et 9, déjà cités au point 3, que les demandes de titres miniers portant en totalité ou en partie sur le plateau continental sont établies et instruites selon les dispositions qui sont prévues par le code minier et les textes pris pour son application en matière de titres miniers concernant le fond de la mer et que les prérogatives qu’ils donnent au préfet s’exercent sans préjudice des pouvoirs que cette autorité administrative tient par ailleurs du code minier. Dès lors, le décret du 6 mai 1971, dont les associations requérantes ne citent au demeurant pas les dispositions qu’elles considèrent comme illégales, n’est en lui-même pas contraire aux dispositions des articles L. 161-1, L. 162-3 et L. 162-10 du nouveau code minier. Il s’ensuit que l’exception soulevée par les associations à l’appui de leur demande d’annulation des deux arrêtés attaqués et tirée de l’illégalité du décret du 6 mai 1971 doit être écartée.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la société Shell exploration et production France, que les associations France Nature Environnement, Surfrider Foundation Europe et Guyane Nature Environnement ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté leur demande.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les associations France Nature Environnement, Surfrider Foundation Europe et Guyane Nature Environnement demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge solidaire des requérantes une somme de 1 500 euros à verser la société Shell exploration et Production France sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :



Article 1er : Les requêtes des associations France Nature Environnement, Surfrider Foundation Europe et Guyane Nature Environnement sont rejetées.

Article 2 : Les associations France Nature Environnement, Surfrider Foundation Europe et Guyane Nature Environnement verseront solidairement à la société Shell exploration et Production France une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.