Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J== B== a demandé au tribunal administratif de La Réunion d’annuler la délibération du 13 novembre 2015 par laquelle le jury de l’examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats (CRFPA) l’a déclaré ajourné et d’enjoindre à l’administration d’organiser de nouvelles épreuves à son profit.

Par un jugement n° 1501322 du 24 août 2016, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du jury déclarant M. B== ajourné à l’examen d’entrée au CRFPA organisé au titre de l’année 2015.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 1er décembre 2016 et le 14 avril 2017, l'Université de la Réunion, représentée par la SCP Belot Cregut Hameroux , demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 24 août 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B== ;

3°) de mettre à la charge de M. B== la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 9 février et 31 mai 2017, M. J== B==, représenté par Me Chicaud, conclut au rejet de la requête et demande qu’il soit mis à la charge de l’Université de la Réunion la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. B== s’est, au titre de l’année 2015, présenté aux épreuves de l’examen d’entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats (CRFPA) et a passé les épreuves d’admissibilité et d’admission organisées par l’institut d’études judiciaires de l’Université de La Réunion. Ayant obtenu une note générale de 133,5 sur 280, il n’a pas été admis. L’Université de la Réunion relève appel du jugement n° 1501322 du 24 août 2016 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du jury du 13 novembre 2015 déclarant ce candidat ajourné.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. Dans tous les cas où il est amené à tenir compte de cette note en délibéré, il doit rouvrir l’instruction et soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré.

3. Il ressort du jugement attaqué qu’après l’audience publique, qui a eu lieu le 10 août 2016, M. B== a adressé au tribunal administratif de La Réunion une note en délibéré qui a été enregistrée au greffe du tribunal le jour même. S’il est constant que cette note avait pour objet de répondre aux conclusions du rapporteur public dont le sens tendait au rejet de la demande, elle ne faisait état d'aucune circonstance de fait ou de droit rendant nécessaire la réouverture de l'instruction. Dès lors, l’Université de La Réunion n’est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier pour avoir méconnu le principe du contradictoire. Le moyen doit ainsi être écarté.



Sur la légalité de la décision du jury :

4. Aux termes de l’article 5 de l’arrêté du 11 septembre 2003 fixant le programme et les modalités de l’examen d’accès au centre régional de formation professionnelle des avocats : « L’examen (...) comporte des épreuves d’admissibilité et des épreuves orales d’admission. (...). » Aux termes de l’article 6 du même arrêté : « Les épreuves d'admissibilité comprennent : 1°) Une note de synthèse, rédigée en cinq heures, à partir de documents relatifs aux aspects juridiques des problèmes sociaux, politiques, économiques ou culturels du monde actuel et affectée d'un coefficient 2 ; 2°) Une épreuve d'une durée de cinq heures permettant d'apprécier l'aptitude du candidat au raisonnement juridique comprenant deux compositions : - la première portant sur le droit des obligations ; - la seconde portant, au choix du candidat exprimé lors du dépôt de son dossier d'inscription, sur une des trois matières suivantes : - procédure civile ; - procédure pénale; - procédure administrative contentieuse. / Par addition des deux notes sur 10 obtenues à chacune des compositions, l'épreuve est notée sur 20. Cette note est affectée d'un coefficient 2 ; 3°) Une épreuve écrite de caractère pratique, d'une durée de trois heures, portant, au choix du candidat exprimé lors du dépôt de son dossier d'inscription, sur l'une des matières suivantes : - droit des personnes et de la famille ; - droit patrimonial ; - droit pénal général et spécial ; - droit commercial et des affaires ; - procédures collectives et sûretés ; - droit administratif ; - droit public des activités économiques ; - droit du travail ; - droit international privé ; - droit communautaire et européen ; - droit fiscal des affaires. / La note est affectée d'un coefficient 2. ». Aux termes de l'article 7 du même arrêté : « (…) Chaque composition, anonyme, est examinée par deux correcteurs et reçoit une note de 0 à 20 (…) ».

5. L’Université de La Réunion, qui peut présenter en appel des justifications qui n'ont pas été fournies aux premiers juges, a produit notamment un tableau de désignation des correcteurs et seconds correcteurs, ainsi que les attestations de ces derniers concernant la correction des copies des matières d’admissibilité auxquelles a participé M. B== (note de synthèse, droit des obligations, droit pénal et procédure pénale) dont il appartient au juge d’apprécier la valeur probante malgré la méconnaissance par celles-ci des formes fixées par l’article 202 du code civil. Il ressort de ces pièces nouvelles, versées pour la première fois en appel, que le principe de double correction a été respecté. La seule circonstance que cette double correction n’apparaît pas sur les copies produites en litige, et que n’y figureraient que les observations ou le paraphe d’un seul correcteur n’est pas de nature à établir, en tout état de cause, que lesdites copies n’auraient pas fait l’objet d’une double correction. Ainsi, c’est à tort que le tribunal administratif de La Réunion s’est fondé sur les conditions irrégulières dans lesquelles les notes ont été attribuées à M. B== au titre des quatre épreuves écrites susmentionnées, pour annuler la décision du jury le déclarant ajourné à l’examen d’entrée au CRFPA organisé au titre de l’année 2015.

6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. B== devant le tribunal administratif de La Réunion et devant la cour.

7. Aux termes de l’article 53 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat : « (…) L'épreuve portant sur la protection des libertés et des droits fondamentaux est subie devant trois examinateurs désignés par le président du jury dans chacune des catégories mentionnées aux 1°, 2° et 3°. ».

8. Il ressort des pièces du dossier que, par décision du 19 octobre 2015, le président du jury a désigné pour participer au jury du « grand oral » du CRFPA organisé au titre de l’année 2015 par l’institut d’études judiciaires de La Réunion, les personnes suivantes : M. B==-M==, M. M==, M. B==, M. C==, Me A==-O==, Me C==-M==-H== et Me M==. M. B== soutient, sans être utilement contesté, que ces sept personnes étaient présentes lors de l’épreuve portant sur la protection des libertés et des droits fondamentaux qu’il a passée le 13 novembre 2015. Il ressort également des pièces du dossier et notamment des attestations produites par le demandeur, que les candidats à cet examen ont été interrogés de manière variable à cette épreuve par quatre, cinq, six ou sept examinateurs. Ainsi, les conditions de déroulement de ce « grand oral » n’ont pas été conformes aux dispositions précitées qui fixent à trois le nombre des examinateurs devant lesquels les candidats subissent cette épreuve. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 53 du décret du 27 novembre 1991 doit être accueilli.

9. Il résulte de ce qui précède que l’Université de la Réunion n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du jury déclarant M. B== ajourné à l’examen d’entrée au CRFPA organisé au titre de l’année 2015.

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B==, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l’Université de la Réunion demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l’Université de la Réunion une somme de 800 euros au titre des frais exposés par M. B== et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'Université de la Réunion est rejetée.

Article 2 : L’Université de la Réunion versera à M. B== une somme de 800 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.