Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

M. R== F== a demandé au tribunal administratif de P== d’annuler l’arrêté du 23 juin 2020 par lequel la préfète de la V== a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2001837 du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de P== a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d’appel :

Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2021, M. F==, représenté par Me O==, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de P== du 18 décembre 2020 ;

2°) d’annuler l’arrêté du 23 juin 2020 de la préfète de la V== ;

3°) d’enjoindre à la préfète de la V== de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou subsidiairement, de réexaminer sa demande sous les mêmes conditions d’astreinte et de délai ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………………………….

Considérant ce qui suit :

1. M. F==, ressortissant tunisien né en juillet 1999, est entré en France en juin 2016 sous couvert d’un visa de court séjour. Il a obtenu un titre de séjour mention « étudiant » valable du 3 août 2017 au 2 août 2018. A l’expiration de ce titre de séjour, il a sollicité un changement de statut et l’obtention d’un titre « salarié ». Il relève appel du jugement du 18 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de P== a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 23 juin 2020 par lequel la préfète de la V== a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

2. En premier lieu, aux termes de l’article 3 de l’accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail : « Les ressortissants tunisiens désireux d’exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d’un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l’article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d’un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention ‘‘salarié’’ (…) ». Aux termes du premier alinéa de l’article 11 de cet accord : « Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ». Aux termes de l’article R. 5221-20 du code du travail : « Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : (…) 2° L’adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule. / Lorsque la demande concerne un étudiant ayant achevé son cursus sur le territoire français cet élément s’apprécie au regard des seules études suivies et seuls diplômes obtenus en France (…) ». Les dispositions du code du travail relatives aux conditions de délivrance des autorisations de travail sont applicables aux demandes de titre de séjour portant la mention « salarié » formulées par les ressortissants tunisiens.

3. Les dispositions du second alinéa du 2° de l’article R. 5221-20 du code du travail concernent les étudiants qui ont achevé un cursus en France et ne sauraient donc être appliquées à ceux qui ont interrompu le cursus avant sa fin et n’ont donc pas acquis les compétences qu’il avait vocation à sanctionner. Il appartenait donc au préfet d’examiner la demande au seul regard du premier alinéa du 2° de l’article R.5222-11 du code du travail, et d’apprécier l’adéquation entre la qualification, l’expérience, les diplômes ou titres de l’étranger et les caractéristiques de l’emploi auquel il postulait.



4. Il ressort des pièces du dossier que M. F== s’est vu délivrer un titre de séjour mention « étudiant » valable du 3 août 2017 au 2 août 2018 pour suivre au centre de formation des apprentis de S==-B== (V==) une formation en alternance en vue de l’obtention en deux ans du CAP « agent polyvalent de restauration ». Il a interrompu cette formation au bout d’un an afin d’être recruté, par le même employeur, en qualité de cuisinier à temps plein dans une entreprise de restauration rapide. Pour lui refuser le changement de statut qu’il sollicitait à cet effet, la préfète lui a opposé qu’il ne pouvait justifier d’un diplôme qualifiant pour l’exercice de cet emploi de cuisinier. Le tribunal a estimé que le préfet a pu sans erreur de droit apprécier sa qualification au regard des seules études suivies en France. Toutefois un tel motif ne pouvait lui être opposé, ainsi qu’il vient d’être dit, en l’absence d’achèvement de son cursus, et il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s’il avait examiné le diplôme de cuisinier obtenu par M. F== en Tunisie en juillet 2015 et les attentes de son employeur. Par suite, c’est à tort que la préfète de la V== a considéré qu’il ne remplissait pas les conditions prévues par le 2° de l’article R. 5221-20 du code du travail.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que M. F== est fondé à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont refusé d’annuler la décision de la préfète de la V== du 23 juin 2020 refusant de lui délivrer un titre de séjour, et par voie de conséquence l’obligation de quitter le territoire français.



Sur les conclusions à fin d’injonction:

6. L’annulation de la décision de refus de titre de séjour implique seulement, pour l’examen de l’ensemble des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d’un titre en qualité de salarié, que la préfète réexamine la demande de M. F== dans un délai de trois mois. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de prononcer une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de l’État la somme que demande M. F== au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision de la préfète de la V== du 23 juin 2020 et le jugement du tribunal administratif de P== du 18 décembre 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la V== de réexaminer la situation de M. F== dans un délai de trois mois.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.