Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Compagnie Minière M* a demandé au tribunal administratif de la Guyane d’annuler la décision implicite du 21 janvier 2019 par laquelle le ministre de l’économie et des finances a refusé de prolonger la concession minière n° 215 (C02/46), dite « M* », pour une durée de vingt-cinq ans.

Par un jugement n° 1900297 du 24 décembre 2020, le tribunal administratif de la Guyane a annulé cette décision et a enjoint à l’Etat de prolonger cette concession minière dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I/ Par un recours, enregistré le 25 janvier 2021 sous le n° 21BX00295, un mémoire ampliatif « confidentiel » enregistré le 19 février 2021, des mémoires ampliatifs enregistrés le 2 avril 2021 et le 12 avril 2021 et un mémoire enregistré le 25 juin 2021, le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 24 décembre 2020 du tribunal administratif de la Guyane ;

2°) de rejeter la demande de la SAS Compagnie Minière M* tendant à l’annulation de la décision implicite du 21 janvier 2019.

………………………………………………………………………………………….. II/ Par un recours, enregistré le 19 février 2021 sous le n° 21BX00715, un mémoire en production de pièces enregistré le 2 avril 2021 et un mémoire enregistré le 25 juin 2021, le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1900297 du 24 décembre 2020 du tribunal administratif de la Guyane.

…………………………………………………………………………………………….

Considérant ce qui suit : 1. Par arrêté du 21 mai 1946 du gouverneur des colonies, gouverneur de la Guyane française et du territoire de l’Inini, une concession de mine d’or n° 215 pour une durée illimitée a été instituée au sein du district minier Paul Isnard, lieu-dit « Boeuf Mort » et attribuée à la Société d’Etudes et d’Exploitations Minières de l’I*. Par décret du 27 décembre 1995 du ministre de l’industrie, de la poste et des télécommunications, a été autorisée la cession de la concession de mine d’or n° 215 à la SARL société de travaux publics et de mines aurifères en Guyane, devenue depuis la SAS Compagnie Minière M*. Par un courrier du 12 décembre 2016 reçu le 21 décembre 2016, la SAS Compagnie Minière M* a sollicité la prolongation de la concession minière n° 215 pour une période de vingt-cinq ans et son extension aux substances connexes à l'or (cuivre, plomb, zinc, argent et molybdène). Par un courrier du 23 janvier 2017 reçu le 1er février 2017, elle a été avisée, notamment, de la naissance d’une décision implicite de rejet en l’absence de réponse du ministre en charge des mines dans un délai de deux ans, soit le 21 décembre 2018, et que toute demande d’informations ou pièces complémentaires assortie d’un délai de production aura pour effet de suspendre le délai de naissance de l’éventuelle décision implicite de rejet. Par un courrier du 21 février 2017 reçu le 2 mars 2017, le chef du service Risques, Energie, Mines et Déchets de la préfecture de la Guyane a sollicité des informations et pièces complémentaires sous un délai d’un mois à compter de la date de réception de sa demande. Par un courrier du 30 mars 2017 reçu le 31 mars 2017 par le chef du service Risques, Energie, Mines et Déchets de la préfecture de la Guyane, la SAS Compagnie Minière M* a produit les informations et pièces sollicitées. Par un courrier du 21 décembre 2018, le directeur général de l’aménagement du logement et de la nature du ministère de l’économie et des finances a informé les concessionnaires de mines que l’instruction des demandes de prolongation de concessions dans le cadre des dispositions de l’article L. 144-4 du code minier se poursuivrait au-delà du 31 décembre 2018 et que, pour certains, une décision ne pourrait pas intervenir avant l’échéance du rejet implicite notifiée à chaque demandeur. Le 21 janvier 2019, par son silence et compte tenu de la demande d’informations et pièces complémentaires du 21 février 2017, le ministre de l’économie et des finances a implicitement rejeté la demande de prolongation de concession minière n° 215 (C02/46), dite « M* », pour une période de vingt-cinq ans. Par un recours enregistré sous le n° 21BX00295, le ministre de l’économie, des finances et de la relance relève appel du jugement du 24 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a annulé cette décision. Par un second recours enregistré sous le n° 21BX00715, le ministre de l’économie, des finances et de la relance demande le sursis à exécution de ce même jugement.

Sur la jonction :

2. Les recours enregistrés respectivement sous les nos 21BX00295 et 21BX00715 sont dirigés contre le même jugement, concernent les mêmes parties et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. La société M* a soulevé devant le tribunal administratif de la Guyane le moyen tiré de ce que la décision implicite de rejet attaquée méconnaît les dispositions de l’article L. 142-7 du code minier en ce que la société remplit l’ensemble des conditions prévues par ce texte lui donnant droit à la prolongation de la concession minière n° 215 (C02/46), dite « M* », pour une durée de vingt-cinq ans. Elle a notamment fait valoir que le dossier de demande de prolongation était complet et que la prolongation était justifiée au regard de sa capacité technique et financière ainsi que du potentiel du gisement. Pour faire droit à ce moyen, le tribunal, après avoir visé aux points 7 à 9 du jugement l’ensemble des textes de nature à justifier la demande de prolongation, a indiqué au point 11 qu’il faisait notamment application des critères énoncés au point 10 et a ensuite répondu de façon détaillée aux points 12 à 14. Il a notamment mentionné que la SAS Compagnie Minière M* présente suffisamment d’éléments de nature à démontrer que le gisement aurifère de la concession litigieuse était exploité au 31 décembre 2018 et qu’elle justifie de ses capacités techniques et financières ainsi que du potentiel du gisement et de sa durée d’exploitation prévisible et complète. Il a aussi indiqué, alors même que le ministre n’a pas soutenu dans ses écritures de première instance que la demande de prolongation ne pouvait être accordée que si les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 du code minier étaient suffisamment pris en compte, d’une part, que la société a fourni une notice d’impact de 128 pages décrivant le projet, analysant les principales composantes actuelles des environnements naturel et anthropique, les contraintes et servitudes liées au site, les principaux impacts potentiels de la prolongation de la concession sur ces environnements, et récapitulant les principales mesures d’évitement, de réduction, de compensation, d’accompagnement et de suivi et, d’autre part, que le ministre ne critique en rien les données présentées par la SAS Compagnie Minière M* garantissant la remise en état du site à l’issue de l’exploitation, afin de préserver les intérêts mentionnés à l’article L. 161-1 du code minier. Il suit de là, et alors d’ailleurs que l’obligation de motivation des jugements doit seulement être proportionnée à l’argumentation des parties, que le jugement attaqué est suffisamment motivé et que le ministre n’est pas fondé à soutenir qu’il serait irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement d’annulation

4. En premier lieu, aux termes, d’une part, de l’article L. 144-4 du code minier « Les concessions de mines instituées pour une durée illimitée expirent le 31 décembre 2018. La prolongation des concessions correspondant à des gisements exploités à cette date est accordée de droit dans les conditions prévues à la sous-section 2 de la section 1 du chapitre 2 du présent titre ». Aux termes de l’article L. 142-7 du même code : « La durée d'une concession de mines peut faire l'objet de prolongations successives, chacune d'une durée inférieure ou égale à vingt-cinq ans ». Aux termes de l’article L. 132-1 du même code « Nul ne peut obtenir une concession de mines s'il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux d'exploitation et assumer les obligations mentionnées dans des décrets pris pour préserver les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 et aux articles L. 161-1, L. 161-2 et L. 163-1 à L. 163-9. ».

5. En vertu, d’autre part, de l’article L. 161-1 de ce code, les travaux de recherches ou d'exploitation minière « doivent respecter (…) les contraintes et les obligations nécessaires à la préservation de la sécurité et de la salubrité publiques, (…) à la conservation (…) de la mine et des autres mines, des caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre ou maritime, et plus généralement à la protection des espaces naturels et des paysages, de la faune et de la flore, des équilibres biologiques et des ressources naturelles (…), à la conservation des intérêts de l'archéologie (…) ainsi que des intérêts agricoles des sites et des lieux affectés par les travaux et les installations afférents à l'exploitation » et doivent, en outre, « assurer la bonne utilisation du gisement et la conservation de la mine ». L’article L. 161-2 de ce code prévoit que tout exploitant de mines « est tenu d’appliquer à l’exploitation des gisements les méthodes confirmées les plus propres à porter au maximum compatible avec les conditions économiques le rendement final de ces gisements, sous réserve de la préservation des intérêts énumérés à l’article L. 161-1 ».

6. Aux termes de l’article 4 du décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 : « Afin de justifier de ses capacités techniques, le demandeur d'un titre fournit à l'appui de sa demande, outre les documents mentionnés, selon le cas, aux articles 17 ou 24 : / a) Les titres, diplômes et références professionnelles des cadres de l'entreprise chargés de la conduite et du suivi des travaux d'exploration ou d'exploitation de mines ou de la conduite des travaux de recherches, de création, d'essais, d'aménagement et d'exploitation de stockage souterrain ; / b) La liste des travaux d'exploration ou d'exploitation de mines ou des travaux de recherches, de création, d'essais, d'aménagement et d'exploitation de stockage souterrain auxquels l'entreprise a participé au cours des trois dernières années, accompagnée d'un descriptif sommaire des travaux les plus importants ; / c) Un descriptif des moyens humains et techniques envisagés pour l'exécution des travaux. / d) En Guyane, lorsque la demande porte sur un espace compris dans les zones 1 ou 2 du schéma départemental d'orientation minière, la justification de l'adhésion à une charte des bonnes pratiques approuvée par le représentant de l'Etat et du respect de celle-ci. / Le demandeur peut être invité à apporter des précisions complémentaires sur les éléments d'information et les pièces mentionnés au présent article ». Aux termes de l’article 5 du même décret : « Afin de justifier de ses capacités financières, le demandeur d'un titre fournit, à l'appui de sa demande et dans les mêmes conditions qu'à l'article précédent : / a) Les trois derniers bilans et comptes de l'entreprise ; / b) Les engagements hors bilan de l'entreprise, les garanties et les cautions consenties par elle, une présentation des litiges en cours et des risques financiers pouvant en résulter pour l'entreprise ; / c) Les garanties et cautions dont bénéficie l'entreprise. / Si le demandeur n'est pas en mesure de fournir les documents visés au a ci-dessus, il peut être autorisé à prouver ses capacités financières par tout autre document approprié. / Le demandeur peut être invité à apporter des précisions complémentaires sur les éléments d'information et les pièces mentionnés au présent article ». L’article 24 prévoit que : « La demande de concession est assortie d'un dossier comportant les pièces nécessaires à l'identification du demandeur, un mémoire technique, un descriptif des travaux d'exploitation, des documents cartographiques, une notice d'impact (…) ».

7. Aux termes enfin, de l’article 47, relevant du titre III relatif à la prolongation des titres, du même décret : « Lorsqu'elle porte sur un seul département, le ministre transmet la demande au préfet, qui fait compléter les demandes incomplètes selon les modalités prévues par l'article 2 du décret du 6 juin 2001 susvisé et qui procède aux consultations prévues, selon les cas, aux articles 20 ou 28. / Si le demandeur n'a pas satisfait à toutes ses obligations, le préfet l'informe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception des objections auxquelles donne lieu sa demande dans le délai de deux mois à compter de la réception de celle-ci. Le demandeur dispose d'un délai d'un mois pour répondre (…) ». Aux termes de l’article 10 de l’arrêté du 28 juillet 1995 fixant les modalités selon lesquelles sont établies les demandes portant sur les titres miniers et leurs annexes : « « La demande par laquelle la prolongation d'un titre minier est sollicitée indique: / - les nom et domicile du ou des demandeurs; / - la durée de la prolongation; (…) ». Aux termes de l’article 11 du même arrêté : « A la demande sont jointes les pièces suivantes: / 1. Les renseignements et pièces nécessaires à l'identification du demandeur prévus par l'article 3 ci-dessus; / 2. Un mémoire détaillé qui indique les travaux déjà exécutés, leurs résultats et, dans le cas d'un permis exclusif de recherches, les dépenses déjà faites en vertu des engagements antérieurement pris. Il précise dans quelle mesure les objectifs indiqués dans la demande initiale ont été atteints et indique les perspectives qui justifient le choix du ou des périmètres que le titulaire demande à conserver; / 3. Lorsque la demande porte seulement sur une partie de la surface du titre, les documents cartographiques prescrits à l'article 6 ci-dessus en nombre identique et comportant les limites du ou des périmètres visés au 2 du présent article; / La surface à prendre en considération pour la détermination de l'échelle des extraits de cartes à fournir est la surface du permis initialement institué; / 4. Un programme général des travaux que le demandeur projette d'exécuter pendant la prolongation sollicitée indiquant, s'il s'agit d'un permis exclusif de recherches, leur échelonnement et l'effort financier minimal qu'il s'engage à consacrer à leur exécution conformément aux dispositions de l'article 24 du décret no 95-427 du 19 avril 1995; / 5.Les documents de nature à justifier les capacités techniques et financières du demandeur pour poursuivre les travaux pendant la prolongation sollicitée énumérés aux articles 3 et 4 du décret no 95-427 du 19 avril 1995 ».

8. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que lorsque le titulaire d’une concession souhaite prolonger sa validité, il lui appartient de saisir le ministre chargé des mines d’une demande de prolongation de la validité de ce titre dans les conditions précisées à l’article 46 du décret du 2 juin 2006. En vertu des dispositions combinées des articles L. 142-7 et L. 144-4 du code minier et de l’article 47 du décret du 2 juin 2006, la prolongation du titre est de droit dès lors que le titulaire a respecté les obligations visées à l’article L. 132-1 du code des mines, et sous réserve qu’il dispose des moyens économiques et financiers pour exploiter le site et le remettre en état à l’issue de cette exploitation, afin de préserver les intérêts mentionnés à l’article L. 161-1 du code minier. L’administration se fonde sur les capacités techniques et financières du demandeur, au vu du dossier comportant un mémoire technique faisant état des travaux réalisés et des résultats enregistrés dans le cadre de la concession arrivée à expiration, du programme général des travaux projetés pendant la prolongation sollicitée, du potentiel du gisement et sa durée d’exploitation prévisible, des moyens garantissant la remise en état du site à l’issue de l’exploitation, et une simple notice d'impact indiquant les incidences éventuelles des travaux projetés sur l'environnement et les conditions dans lesquelles l'opération projetée prend en compte les préoccupations d'environnement. Le refus de délivrance de l’autorisation de prolonger la concession sollicitée par le pétitionnaire est, par ailleurs, soumis à un contrôle normal du juge.

9. Il résulte de ce qui précède que la société intimée n’est pas fondée à soutenir que le seul véritable impact de la prolongation de cette concession serait la prolongation d’un droit immobilier identifié par les dispositions de l’article L. 132-8 du code minier et qu’elle ne serait pas tenue de démontrer que la prolongation de sa concession minière prend en compte les intérêts, notamment environnementaux, mentionnés à l’article L. 161-1 du code minier. Par ailleurs, dès lors que la prolongation d’une concession n’a pas pour effet d’autoriser la réalisation du programme des travaux prévus et qu’une étude d’impact et une étude de dangers ne sont exigées qu’au stade de la délivrance de l’autorisation d’ouverture des travaux miniers, l’impact direct des travaux d’exploitation sur les intérêts mentionnés à l’article L. 161-1 ne peut être opposé, au regard des dispositions en vigueur du code minier, que dans le cadre de l’instruction de cette demande d’autorisation de travaux, distincte de l’autorisation de prolongation de la concession.

10. Il ressort des pièces du dossier que le programme général des travaux que la société CM* projette d’exécuter vise à extraire du minerai de roche en mine à ciel ouvert, et qu’une usine de traitement du minerai de 12 ha comprenant des concasseurs et des broyeurs pour réduire la roche en poudre doit permettre de traiter le minerai, un procédé de cyanuration permettant de récupérer l’essentiel de l’or. Une campagne de sondages a été, à cet effet, préalablement mise en œuvre de 2011 à 2016. En particulier, une estimation du gisement aurifère associant d’août 2015 à mars 2016 des sondages à circulation inverse couplés à des sondages carrotés a été menée et le lancement de l’exploitation de l’or secondaire des zones A, B et C de la concession n° 215 a permis d’extraire une quantité relativement importante d’or. Le « Document Administratif » produit par la société détaille, à ce titre, les objectifs de la demande de prolongation, le chronogramme prévisionnel des travaux et les autorisations nécessaires à la prolongation jusqu’en 2043. Son mémoire technique détaille le programme général des travaux, le potentiel du gisement et sa durée d’exploitation prévisible qui inclut aussi d’autre sondages visant à augmenter, le cas échéant, la durée de vie de la mine. La société requérante a également fourni une notice d’impact du projet. Compte-tenu des travaux d’exploration et d’exploitation menés et des résultats obtenus par la société dans le cadre de la période de sondage, et alors d’ailleurs que la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) a donné un avis favorable à la demande de prolongation de la concession en soulignant qu’à ce stade les autorisations environnementales n’étaient pas encore délivrées, la société Compagnie Minière M* démontre sa capacité technique à exploiter ce gisement aurifère primaire. Elle justifie également de ses capacités financières dont le ministre ne conteste pas qu’elles sont suffisantes.

11. Le ministre soutient pour la première fois en appel, que compte tenu des fortes sensibilités du milieu environnemental dans lequel s'insère le projet, de l'ampleur de ce dernier et des nombreux impacts des travaux envisagés pour mener à bien l'exploitation, ainsi que de l'impossibilité de faire obstacle, par les mesures d'évitement envisagées, aux atteintes importantes aux milieux naturels, à la faune et à la flore, sa décision de refus implicite opposée à la demande de prolongation de la concession n° 215, est justifiée par l’atteinte aux intérêts environnementaux mentionnés à l'article L. 161-1 du code minier. Toutefois, l’impact direct de l’exploitation sur les intérêts mentionnés à l’article L 161-1 ne peut être opposé à une demande de prolongation de la concession d’une mine, laquelle ne permet la réalisation d’aucun travaux miniers lesquels, ainsi qu’il a été énoncé au point 9 du présent arrêt, doivent faire l’objet d’une autorisation de travaux miniers, la société devant seulement établir, au stade du renouvellement de la concession, ses capacités techniques et financières à poursuivre l’exploitation et, par le biais de la notice d’impact à prendre en compte les intérêts notamment environnementaux mentionnés à l’article L. 161-1 du code minier.

12. Il ressort des pièces du dossier qu’à l’appui de sa demande de prolongation, la société intimée a notamment produit une notice d’impact qui décrit de façon détaillée la géologie, la sensibilité et l’hydrologie des sols, le milieu naturel environnant (faune, flore, paysages), les contraintes et servitudes liées au site et la qualité de l’air. Cette notice fait aussi état des principaux impacts potentiels de la prolongation de concession sur l’environnement et mentionne les principales mesures d’évitement, de réduction, de compensation, d’accompagnement et de suivi envisagées.

13. Le ministre, qui s’appuie principalement sur le contenu de cette notice d’impact pour justifier la décision attaquée, fait valoir que l’emprise de la concession se situe dans l'écorégion des forêts primaires humides guyanaises et notamment dans la réserve biologique dirigée de Lucifer / Dékou-Dékou, et qu’elle recoupe partiellement la réserve biologique intégrale du même nom qualifiée d’espace naturel à haute valeur patrimoniale par le schéma d’aménagement régional (SAR). Toutefois, si cette réserve biologique comporte trois zones dont deux se situent dans le périmètre de la zone biologique intégrée pour laquelle l’arrêté ministériel du 27 juillet 2012 mentionne en son article 3 que les activités de recherche et d’exploitation minière sont interdites, la demande de prolongation en litige porte sur le secteur inclus dans la zone intermédiaire couvrant une superficie de 49 885 hectares, correspondant au couloir situé entre les deux massifs de Lucifer et de Dékou-Dékou, au sein de laquelle l’activité d’exploitation aurifère est permise. La concession n° 215 ne se trouve pas à l’intérieur, ni ne recoupe, de périmètres zonés tel qu’un parc national et régional, une réserve naturelle nationale ou régionale, une zone de protection du biotope, une zone d’intérêt pour la conservation des oiseaux, un site Natura 2000, un site classé ou inscrit ou une zone RAMSAR. Le gisement est d’ailleurs situé dans une zone autorisée d’exploitation du schéma départemental d’orientation minière de la Guyane, lequel a été adopté en 2011 afin de « préciser le cadre d’une exploitation de l’or respectueuse de la biodiversité et des richesses naturelles de la Guyane et, plus généralement, à poser les bases d’une véritable politique minière et industrielle de long terme pour la Guyane ». En outre, le SAR approuvé par le décret n° 2016-931 du 6 juillet 2016 prévoit lui-même dans ses objectifs l’exploitation de l’or primaire, avec des investissements plus lourds, dans le cadre d’un contrat de concession passé avec un industriel de taille mondiale et reconnu pour son aptitude à protéger l’environnement. Enfin, si le périmètre de la concession recoupe également sur une surface d’environ 5 km² la ZNIEFF de type 1 du massif de Dékou-Dékou et est situé au sein de la ZNIEFF de type 2 et que ces deux ZNIEFF sont classées dans la réserve biologique intégrale de Lucifer Dékou-Dékou, la Compagnie Minière M* est liée par un protocole d’accord signé en décembre 2009 avec le directeur régional de l’office national des forêts de Guyane lequel prohibe toute activité minière de surface au-dessus de la cote 420 (mètres) qui marque le début de la réserve précitée.

14. Le ministre soutient encore que cette concession s'insère dans un corridor biologique riche en habitats naturels jugés d'intérêt patrimonial remarquable où vivent des espèces végétales rares et protégées ainsi que plusieurs espèces protégées de mammifères, des d'oiseaux, des reptiles, des espèces piscicoles ainsi que des amphibiens dont deux espèces très rares observées autour des grands plans d'eau des zones orpaillées de Citron et Bœuf Mort,et dont la fragmentation menacerait nécessairement les équilibres biologiques en présence. Toutefois et d’une part, si l’existence d’un tel corridor biologique a été identifiée sur la partie Est du secteur de Dékou-Dékou, la notice d’impact relève que ce secteur n’est pas inclus dans la zone des travaux projetés et, en particulier, ne se situe pas dans le périmètre de la fosse. Cette notice précise d’ailleurs que la conception du projet et des ouvrages vise à éviter toute atteinte aux espèces protégées. Le ministre n’apporte aucun élément de nature à infirmer les constatations de cette notice d’impact. En outre, des mesures d'évitement, de réduction, de compensation d'accompagnement et de suivi sont prévues dans cette notice d’impact pour réduire les impacts négatifs potentiels du projet M* sur les milieux naturels, la faune et la flore, et à ce titre l’impact résiduel du projet et des ouvrages doit être faible à moyen et maîtrisé. Sont notamment envisagées la concentration des infrastructures dans les habitats déjà dégradés par l’orpaillage alluvionnaire ou dans des zones à faible potentiel écologique ainsi qu’une remise en état du site dont le montant est budgété. Le ministre, qui se borne à indiquer de façon très générale que ces mesures n'apparaissent pas de nature à éviter l'atteinte importante portée par le projet à l'exigence de préservation des intérêts environnementaux mentionnés par les dispositions de l’article L. 161-1 du code minier, n’apporte pas d’éléments de nature à établir l’insuffisante prise en compte de ces intérêts à ce stade, au regard des capacités financières et techniques de la société et de la simple notice d’impact requise à l’appui de la demande de prolongation de la concession, laquelle ne ressort pas des pièces du dossier. En effet, ainsi qu’il a été dit précédemment, une étude d’impact n’est exigée qu’à l’appui de la demande d’autorisation de travaux miniers, laquelle permet seule d’exécuter les travaux projetés.

15. Le ministre fait également valoir que le secteur présente une sensibilité géologique moyenne à forte et une sensibilité géomorphologique forte, avec de véritables risques de glissements de terrains et que le cumul des incidences de ce projet avec d'autres activités présentes dans le secteur menace les équilibres biologiques. Il ajoute que le projet aura des impacts moyens à forts sur les écoulements souterrains et superficiels, entraînera des modifications du réseau hydrographique avec une incidence sur la qualité des sols et des eaux, augmentera le ruissellement, nécessitera de défricher 7 hectares de forêt primaire, entraînera la destruction de zones humides riches en biodiversité ou détournera plusieurs portions de cours d'eau et que le remaniement des zones perturbées par l'orpaillage, notamment certaines barranques contaminées par le mercure, pourrait mobiliser du mercure et le libérer dans les criques à l'aval du projet.

16. Il ressort, à cet égard, des pièces du dossier et notamment de la notice d’impact qu’en l’absence d’éléments grossiers structurants (sables, graviers, cailloux), et du fait d’une situation générale sur des pentes fortes (40 à 50 % en moyenne), les sols de la M* particulièrement argileux, et relativement épais et riches pour des sols ferrallitiques sont extrêmement sensibles à tout enlèvement de « couvert végétal », ce qui induit une érodabilité très forte. Toutefois, si le site présente une sensibilité géologique et géomorphologique avec des risques de glissements de terrain, notamment au niveau de la couche de saprolite de la fosse, une note interministérielle sur ce projet en date du 24 décembre 2018 relève que la maîtrise de ce risque ne semble pas poser de difficulté particulière car il est très usuel lorsque des travaux de terrassement sont réalisés. Au surplus, s’agissant de l’enlèvement du « couvert végétal », la notice indique que « la matière organique serait rapidement minéralisée et reprise par la végétation. Il y a peu d’accumulation à la surface du sol. La couche meuble, épaisse et offrant un bon potentiel de fertilité, semble très propice pour des travaux éventuels de revégétation des aires perturbées le long des criques notamment ». La société projette d’ailleurs d’utiliser une méthode d’excavation nouvelle descendante, et non montante, permettant un réaménagement coordonné par replantation que ne critique pas le ministre. De même, comme le relève à juste titre la société Compagnie Minière M*, l’emprise foncière totale du projet a diminué de 32 % par rapport à celle présentée initialement en commission nationale du débat public et l’emprise sur les forêts matures à fort enjeu a diminué de 44 %, de sorte qu’il n’apparaît plus que le projet emporterait un défrichement sur 7 hectares de forêt primaire, comme l’avait estimé initialement l’autorité environnementale dans son avis du 30 décembre 2016 lequel ne portait au demeurant que sur une demande distincte en lien avec l’exploitation de l’or secondaire dit « or alluvionnaire ». Là encore, les capacités techniques de la société ne paraissent pas insusceptibles de permettre la préservation des intérêts environnementaux précités mentionnés par les dispositions l’article L. 161-1 du code minier.

17. S’agissant des risques de pollution, la notice d’impact indique que si plusieurs secteurs identifiés comme d’anciens chantiers d’orpaillage ou campements clandestins présentent des concentrations en mercure légèrement supérieures à la valeur de référence et dans certains cas, de 3 à 4 fois supérieures, d’une part, ces pollutions sont peu mobiles et contenues dans des sols argileux et d’autre part, les mesures en place dans le cadre de l’exploitation démontrent un impact résiduel faible et maîtrisé sur la qualité des sols et des eaux souterraines et superficielles. Le ministre ne produit aucun élément de nature à infirmer ces constatations. En outre, il ressort de la note interministérielle précitée que les principes de fonctionnement hydrologique prévus pour la mine sont ceux des bonnes pratiques internationales consistant à ceinturer les zones d’exploitation par des fossés avant qu’il n’y ait de contamination possible des eaux extérieures, récupérer toutes les eaux de contact avec le procédé de traitement du minerai pour décyanuration puis les traiter dans une usine en recyclage prioritaire, et enfin procéder à la vérification de la conformité aux normes de toutes les eaux avant leur retour dans le milieu naturel. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier ni des éléments apportés par le ministre que le projet aurait, après mise en œuvre des mesures résiduelles et de compensation, des impacts moyens à forts sur les écoulements souterrains et superficiels notamment de mercure, entraînerait des modifications du réseau hydrographique sur la qualité des sols et des eaux et entraînerait la destruction de zones humides riches. Enfin, s’il ressort des pièces du dossier que la mine va modifier la topographie des lieux et donc impacter les écoulements de surface et laisser après exploitation un plan d’eau qui n’existait pas auparavant, ce seul constat n’est pas de nature à établir l’insuffisante prise en compte des intérêts environnementaux mentionnés par les dispositions de l’article L. 161-1 du code minier ni l’incapacité technique et financière de la société.

18. Le ministre fait enfin valoir que le projet a une envergure industrielle en ce qu’il comprend notamment une fosse minière à ciel ouvert, une usine de traitement du minerai, un parc à résidus, un incinérateur et des installations de stockage. Il ajoute que la consommation d’explosifs prévue est importante dans le stérile et le minerai et que la réalisation en parallèle de l’exploitation, de nouveaux sondages de reconnaissance pendant environ 5 ans après le démarrage de la mine à ciel ouvert, est de nature à porter atteinte aux intérêts environnementaux précités. Il relève encore que le site stocke en quantité importante de nombreux réactifs et produits chimiques tels que du cyanure de sodium, du métabusulfite de sodium, de la chaux, de la soude caustique, de l’acide chlorhydrique. Toutefois, si l’exploitation du site implique l’utilisation de plusieurs tonnes d’explosifs, il ressort des pièces du dossier que la mise en œuvre des explosifs prévue sur le site respecte les prescriptions réglementaires du règlement général des industries extractives. Par ailleurs, il ressort de la note interministérielle précitée du 24 décembre 2018 que le cyanure est une substance largement utilisée dans les processus de traitement de l’or et sans substitut, et que le Programme des Nations Unies pour l’environnement a précisé que le risque principal attaché au cyanure ne provient pas des rejets mais des ruptures de digues des parcs à résidus et que les autres risques sont liés au transport et à des ruptures de canalisation. Enfin, il ressort de cette même note que la méthode de construction dite « aval » des parcs à résidus, est « la plus sécurisante » et que le projet a été optimisé pour limiter l’impact foncier. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les capacités techniques et financières de la société CM* seraient insuffisantes sur ce point.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la décision de refus de prolongation de la concession minière opposée par le ministre à la société CM* n’est pas légalement justifiée.

20. En second lieu, dès lors que le ministre n’apporte aucun élément de nature à démontrer que la situation de fait et de droit n’était plus la même à la date à laquelle le tribunal lui a enjoint de prolonger la concession minière n° 215 (C02/46) et d’en fixer la durée dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement, il n’est pas fondé à soutenir que cette injonction, prononcée sous réserve d’un changement dans les circonstances de fait ou de droit, serait entachée d’une erreur de droit.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’économie, des finances et de la relance n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a annulé le refus de prolongation de la concession et lui a enjoint de la prolonger.

Sur les conclusions à fins de sursis à exécution :

22. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d’annulation du jugement du tribunal administratif de la Guyane, les conclusions de la requête n° 21BX00715 tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution du même jugement sont devenues sans objet.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative

23. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SAS Compagnie Minière M* en application de ces dispositions. DECIDE

Article 1er : Le recours du ministre de l’économie, des finances et de la relance enregistré sous le n° 21BX00295 est rejeté.

Article 2 : Il n’y a pas lieu de statuer sur le recours enregistré sous le n° 21BX0715.

Article 3 : L’Etat versera à la SAS Compagnie Minière M* la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.