Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. W a demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler la décision du 15 juillet 2019 par laquelle le directeur territorial de l’Office français de l'immigration et de l'intégration a refusé de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d’accueil réservées aux demandeurs d’asile.

Par un jugement n° V du 2 mars 2021, le tribunal administratif a annulé la décision du 15 juillet 2019 en litige.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée le 7 avril 2021 sous le n° Z, l’Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par la X, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement n° V du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) subsidiairement, de surseoir à statuer afin de saisir, pour avis, le Conseil d’Etat en application de l’article L. 113-1 du code de justice administrative. ………………………………………………………………………………………… II - Par une requête enregistrée le 7 avril 2021 sous le n° 21BX01584, l’Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par la X, demande à la cour de surseoir à l’exécution du jugement n° V du tribunal administratif de Toulouse.

…………………………………………………………………………………………..

Considérant ce qui suit :

1. M. W est un ressortissant gabonais né le 5 octobre 1984 qui est entré sur le territoire français le 12 mars 2019 afin d’y présenter une demande d’asile. Par une décision du 15 juillet 2019, le directeur territorial de l’Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a refusé d’accorder à W les conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile. A la demande de W, le tribunal administratif de Toulouse, par jugement du 2 mars 2021, a annulé la décision du 15 juillet 2019 et prescrit à l’OFII de réexaminer la situation de l’intéressé. Par deux requêtes enregistrées sous les n° Z, l’OFII demande à la cour, respectivement, d’annuler ce jugement et de surseoir à son exécution.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Selon les dispositions du 2° de l’article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l’article D. 744-37 du même code, le bénéfice des conditions matérielles d'accueil réservées aux demandeurs d’asile peut être refusé par l’OFII si l’étranger n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2, soit dans les 90 jours qui suivent l’arrivée de l’étranger sur le territoire français. En application de ces dispositions, le directeur territorial de l’OFII a refusé, par la décision en litige du 15 juillet 2019, d’accorder à W les conditions matérielles d’accueil réservées aux demandeurs d’asile au motif que ce dernier n’avait pas déposé sa demande d’asile dans le délai légal prévu, sans justifier ce retard par un motif légitime. 3. Le tribunal administratif a annulé le refus en litige du 15 juillet 2019 au motif qu’il était intervenu sans avoir été précédé de la procédure contradictoire prévue à l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration qui prévoit la mise en œuvre d’une telle procédure notamment pour les décisions qui refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir. 4. Aux termes de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 (…) sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ». Aux termes de l’article L. 121-2 du même code : « Les dispositions de l’article L. 121-1 ne sont pas applicables : (…) 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont institué une procédure contradictoire particulière (…). ». 5. Aux termes de l’article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile, se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande (…) ». Aux termes de l’article L. 741-2 du même code : « Lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence de la France, l'étranger introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (…) ». Aux termes de l’article L. 744-1 de ce code : « Les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile (…) sont proposées à chaque demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de la demande d'asile (…). Les conditions matérielles d'accueil comprennent les prestations et l'allocation prévues au présent chapitre ». En vertu des articles L. 744-2 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le demandeur d’asile bénéficie notamment, pendant le temps nécessaire à l’instruction de sa demande, d’un hébergement et d’une allocation adaptés à sa situation particulière. Aux termes de l’article L. 744-6 du code : « A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier afin de déterminer, le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d'accueil (…) ». 6. Il ressort des dispositions de l’article L. 744-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative auxquelles est soumise l’intervention des décisions par lesquelles l’OFII refuse d’accorder à un étranger demandeur d’asile le bénéfice des conditions matérielles d’accueil. Dès lors, et contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration qui soumet à une procédure contradictoire préalable les décisions soumises à obligation de motivation ne saurait être utilement invoqué à l’encontre d’un refus d’octroi des conditions matérielles d’accueil à un demandeur d’asile. 7. Au surplus, il résulte des articles L. 744-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les conditions matérielles d’accueil sont proposées à l’étranger une fois que ce dernier a déposé sa demande d’asile. Elles ont pour finalité de lui permettre de demeurer sur le territoire français en bénéficiant notamment d’une allocation et d’un hébergement jusqu’à ce qu’il soit statué sur sa demande. Ainsi, la décision par laquelle l’autorité compétente octroie ou non les conditions matérielles d’accueil procède nécessairement de la demande d’asile dont le dépôt relève de la seule initiative de l’étranger et doit ainsi être regardée comme statuant sur une demande. Par suite, et en tout état de cause, son intervention n’a pas à être précédée de la procédure contradictoire prévue par ce code, l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ne trouvant à s’appliquer qu’exception faite des cas où il est statué sur une demande. 8. Il résulte de ce qui précède que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé pour vice de procédure la décision du 15 juillet 2019 refusant d’accorder à W les conditions matérielles d’accueil. 9. Il y a lieu pour la cour, saisie du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés en première instance par W. Sur les autres moyens de première instance : 10. En premier lieu, si W soutient que la décision en litige n’a pas été précédée de la procédure contradictoire prévue à l’article D. 744-38 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour les décisions refusant d’octroyer les conditions matérielles d’accueil, un tel moyen, qui n’était d’ailleurs pas tiré de la méconnaissance du code des relations entre le public et l'administration contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, est inopérant dès lors que l’article invoqué a été abrogé au 1er janvier 2019 et n’était ainsi plus en vigueur à la date de la décision attaquée. 11. En deuxième lieu, le 12° de l’article 1er du décret n° 2018-1359 du 28 décembre 2018 a inséré au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un article D. 744-37-1, en vigueur à la date de la décision en litige, ainsi rédigé : « La décision de refus ou celle mettant fin aux conditions matérielles d'accueil prise en application de l'article L. 744-7 n'est pas soumise à la mise en œuvre de la procédure prévue à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. (…)». A cet égard, W fait valoir que, par une décision n°428530, 428564 du 31 juillet 2019, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a annulé le 12° de l’article 1er du décret du 28 décembre 2018, dont est issu l’article D. 744-37-1 précité, au motif que les articles L. 744-7 et L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 dont le décret du 28 décembre 2018 faisait application, avaient créé des cas de refus et de retrait de plein droit des conditions matérielles d’accueil sans appréciation des circonstances particulières, et étaient ainsi incompatibles avec les objectifs de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013. 12. Toutefois, cette décision du Conseil d’Etat n’a pas eu pour effet de remettre en vigueur les dispositions de l’article D. 744-38 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version en vigueur jusqu’au 1er janvier 2019, qui imposaient à l’OFII d’organiser une procédure contradictoire avant de refuser, le cas échéant, l’octroi des conditions matérielles d’accueil. Par ailleurs, statuant sur les conséquences de l’annulation prononcée, le Conseil d’Etat a jugé, dans sa décision du 31 juillet 2019, que dans l’attente de la modification des articles L. 744 7 et L. 744-8 par le législateur, il restait possible à l’OFII de refuser le bénéfice des conditions matérielles d’accueil, après examen de sa situation particulière et par une décision motivée « au demandeur qui a refusé le lieu d'hébergement proposé ou la région d'orientation ». Ainsi, il ne résulte pas de cette décision que la décision refusant d’accorder les conditions matérielles d’accueil à un étranger qui a déposé, sans motif légitime, sa demande d’asile au-delà du délai de 90 jours imparti soit précédée d’une procédure contradictoire. 13. En troisième lieu, après avoir visé les articles L. 744-8 et D. 744-37 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application, la décision attaquée indique à W que les conditions matérielles d’accueil lui sont refusées parce qu’il n’a pas présenté sa demande d’asile dans le délai légal de 90 jours suivant son entrée sur le territoire français, sans qu’un motif légitime ait pu expliquer ce retard. Cette décision est, par suite, suffisamment motivée. 14. En quatrième lieu, il ressort des motifs de la décision attaquée et des pièces du dossier, desquelles il ressort que W ne s’est jamais prévalu auprès de l’OFII d’un motif pouvant légitimement expliquer son retard à déposer sa demande d’asile, que l’OFII a procédé à un examen circonstancié de la situation de l’intéressé en prenant le refus en litige. 15. En cinquième lieu, il ne ressort pas des motifs de la décision contestée que le directeur territorial de l’OFII, qui a relevé que W n’a fait état d’aucun motif légitime expliquant son retard, se serait senti tenu, au prix d’une erreur de droit, de ne pas accorder les conditions matérielles d’accueil à l’intéressé à raison de ce seul retard. 16. En se bornant à faire valoir, sans appuyer ses affirmations par des éléments précis, qu’il a séjourné dans divers endroits depuis son arrivée en France et qu’il se trouve en situation de précarité, W ne peut être regardé comme justifiant d’un motif légitime expliquant son retard à déposer sa demande d’asile. Par suite, en prenant la décision en litige, le directeur territorial de l’OFII n’a pas fait une inexacte application des dispositions du 2° de l’article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 17. Il résulte de tout ce qui précède que l’OFII est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé sa décision du 15 juillet 2019. Ce jugement doit, dès lors, être annulé et la demande de première instance présentée par W doit être rejetée.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution : 18. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d’annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de la requête tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Dès lors, il n’y a plus lieu d’y statuer.

DECIDE :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête n° Z tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution du jugement n° V du tribunal administratif de Toulouse du 2 mars 2021.

Article 2 : Le jugement n° V du tribunal administratif de Toulouse du 2 mars 2021 est annulé.

Article 3 : La demande de première instance présentée par W est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l’Office français de l'immigration et de l'intégration et à M. W.